Comme l'explique le gérant de Cholet Dupont AM, les marchés ont été très longtemps influencés par les décisions politiques et monétaires prises par les États et les banques centrales. 2016 devrait à ce titre marquer une vraie rupture et remettre les entreprises au centre des décisions d'investissement.

Décideurs. Comment expliquez-vous la grande volatilité qui règne actuellement sur les marchés financiers ?

Philippe Lesueur. Les échanges à court terme réalisés sur les marchés sont influencés par un grand nombre de considérations très éloignées des préoccupations des entreprises, expliquant des différences d’appréciation parfois surprenantes entre leur valeur économique et leur valeur de marché. Un constat particulièrement vrai lorsque jaillissent des rumeurs d'OPA. Il faut également savoir que suivant les marchés entre 50 % et 70 % des décisions sont prises en fonction d’algorithmes programmés pour des raisons biens précises, telles que la publication de données macro ou microéconomiques. Ceci explique en partie la volatilité générée par les décisions de la BCE ou de la Fed. Le rôle de gérants comme nous est d'avoir les idées claires pour prendre de la hauteur et agir à long terme sans trop subir ce type de mouvements.

 

Décideurs. Les investisseurs semblent davantage réagir aux intentions supposées des banques centrales qu’à la publication de données macroéconomiques. Comment dans cet environnement investir au moment opportun sur les entreprises à fort potentiel ?

P. L. Depuis la crise de 2008, les grandes décisions politiques, et notamment celles prises par les banques centrales, poussent les marchés dans une certaine direction. Lorsque les mouvements haussiers sont engagés, il devient presque vain de distinguer les bonnes entreprises des mauvaises car la vague emmène tout le monde. Ce constat est cependant moins vrai lorsque les marchés financiers baissent. Pour bénéficier des dynamiques haussières, les bons gérants sont parfois désavantagés. En effet, pour en tirer pleinement profit, les acteurs sont contraints de placer le niveau de risque au maximum. L'exemple de la Grèce est là pour nous le rappeler. De nombreux investisseurs se sont positionnés sur les obligations émises par l’État hellène en partant du postulat qu'en cas de défaut de paiement, les institutions européennes viendraient pallier l'incapacité de la Grèce à respecter ses engagements. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans un premier temps. L'environnement macroéconomique paraît tellement biaisé que l’importance de bonnes décisions d'investissements peut être gommée par l'action des institutions politiques et monétaires. Au point même que la publication d'un indicateur économique décevant peut être considérée comme une excellente nouvelle par certains, anticipant, à raison, une réaction des banques centrales. Aujourd'hui ce cheminement de pensée touche cependant sa limite. Les marchés ont pris conscience que ces politiques monétaires ne permettraient pas à elles seules de relancer la croissance, comme en témoigne la faiblesse de la croissance mondiale.

 

Décideurs. Quel sera le chemin à suivre pour réaliser de la performance sur les marchés financiers ?

P. L. 2016 marquera le retour des investisseurs privilégiant la qualité des entreprises aux décisions macroéconomiques. Le projet de l'entreprise redevient le critère numéro un. Dans notre allocation d'actifs, nous avons par exemple une exposition significative sur le secteur des utilities. Mais pas sur toutes les entreprises, loin de là. Nous avons mis l'accent sur le thème des infrastructures essentielles, les réseaux, dont l'activité est indispensable au bon fonctionnement de l'économie. Un secteur présentant généralement un caractère monopolistique et une rentabilité définie par un cadre réglementaire. La société National Grid qui gère le réseau de haute tension en Grande-Bretagne et dans plusieurs États américain en est un bon exemple.

 

Décideurs. Dans un contexte de croissance faible, quels sont les thèmes d'investissement que vous avez décelés ?

P. L. Notre principale préoccupation est de limiter la volatilité et d’être en mesure d'encaisser les chocs potentiels. Cette année, il faudra demeurer factuel, modeste et très diversifié. Contrairement à ce que l'on dit, le monde est lent. Nous n'avons donc pas besoin de nous agiter en permanence. Il est essentiel de comprendre ce qui fait avancer le monde. Dans ce cadre, nous avons fait émerger cinq thèmes d'investissement. Le premier est celui de des infrastructures essentielles. Le second est lié à l'accroissement et au vieillissement de la population mondiale. Nous pensons que des entreprises comme Coloplast ou Orpea en profitent pleinement. Notre troisième thème d’investissement concerne l'accroissement de la classe moyenne mondiale. Une partie de la population commence, en effet, à envisager d'autres modes de consommation et des sociétés comme Unilever ou Nestlé ont parfaitement su s'adapter à leurs besoins. Notre quatrième thème est celui de la diffusion de l'innovation. Une tendance où se distingue notamment Dassault Systèmes. Enfin le cinquième thème est celui de la redistribution de la chaîne de valeur. Derrière ce terme, nous mettons en exergue des entreprises qui définissent une nouvelle façon de faire des choses anciennes, pensez à Sodexo ou Regus.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « Gestion de patrimoine & gestion d'actifs » de Décideurs Magazine

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