Passage en force
Début février, l’Agence des nouveaux avocats (AGN) annonce avoir récolté un million d’euros auprès de ses confrères, ce qui lui permettra d’investir en IT et dans la publicité. Depuis, un sport radiophonique a été diffusé, le premier du genre. Mais qui sont ces généreux investisseurs ? La question mérite d’être posée, non pas par simple curiosité mais pour des raisons de crédibilité. Les avocats et notaires qui détiennent une partie du capital d’AGN ne risquent-ils pas de limiter la liberté d’exercice de leurs confrères du réseau ? C’est la question que se pose l’ordre des avocats de Paris, dont le représentant se dit « choqué par cette sortie du cadre réglementaire ». Frédéric Sicard refuse d’être la cinquième roue du carrosse : « Nous n’avons pas été associés à ce projet alors que les fondateurs faisaient le tour de leurs confrères pour les séduire, déplore-t-il. Ils auraient pu avoir la courtoisie de nous prévenir. » Il prévient : « Je me réserve le pouvoir d’agir puisqu’aucun montage de ce type de société professionnelle ne peut échapper au contrôle du bâtonnier.»
Rappelons qu’AGN tient la faculté de faire appel à l’investissement des professions du droit depuis la loi Macron, dont l’objectif est de favoriser l’interprofessionnalité. Le bâtonnier Sicard, qui s’est toujours farouchement opposé à l’ouverture du capital des cabinets à des non-avocats, soutient que cela ne correspond pas à un besoin du marché et qu’en cas d’exercice de cette faculté, elle doit être entourée des garanties de respect de la déontologie : secret professionnel, conflit d’intérêts et audit des comptes de la cible. Le bâtonnier, qui a attendu longtemps avant d’avoir communication de la liste complète des investisseurs d’AGN, estime que l’autorité ordinale doit s’imposer. Son objectif : empêcher la régulation du droit par l’économie et faire de la déontologie un outil au service du client. « Je suis convaincu que notre marché a encore une large marge d’évolution, mais à la condition que les citoyens fassent encore confiance à leurs avocats. » À bon entendeur…
Pascale D’Amore