Économiste et membre du comité d’investissement de Dorval Asset Management, François-Xavier Chauchat voit dans le Brexit un événement politique dont les conséquences sont encore incertaines sur le plan économique. S’il estime que le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne est une source d’inquiétude importante, il peut, selon lui, générer des opportunités d’investissement intéressantes. Entretien.

Décideurs. Vous attendiez-vous à une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ?

François-Xavier Chauchat. Le Brexit a surpris tout le monde. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’était pas vraiment le scénario envisagé, ni par les observateurs politiques, ni par les investisseurs financiers. Nous prenons cela très au sérieux. Je qualifierai cet événement de « Lehman Brothers politique ». Ses conséquences ne sont pas encore économiques mais pourraient toutefois le devenir si certains scénarios se réalisaient. Les questions autour de l’endiguement des conséquences d’un tel choc demeurent en suspens. Plusieurs scénarios sont envisageables. Le plus rassurant consacre une Union européenne plus facile à gérer sans les Anglais et peu affectée par le ralentissement britannique. Le scénario noir, celui du maelström, verrait l’Europe subir une nouvelle crise autour de sa monnaie et un retour du protectionnisme. Autre phénomène à craindre, la montée du populisme qui se matérialiserait notamment par l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis. Entre ces deux extrêmes, plusieurs voies émergent, certaines plus plausibles que d’autres. L’idée que le Royaume-Uni ne sortirait pas de l’Union européenne me paraît, par exemple, hautement improbable. En théorie, les crises politiques ne doivent pas avoir de conséquences sur le plan économique et financier. Les observateurs ont tendance à exagérer l’impact des événements politiques. C’est notamment ce que nous avions vécu lors de l’élection de François Hollande à la présidence de la République française. Son arrivée avait fait craindre une attaque des marchés sur la dette française. Il n’en a rien été. La crise politique qui a conduit au Brexit n’a d’ailleurs pas freiné la dynamique paneuropéenne et l’accélération des échanges en Europe.

 

Décideurs. Quelles sont vos principales inquiétudes après le Brexit ?

F-X. C. Le Brexit vient malheureusement frapper de plein fouet la bonne dynamique des échanges commerciaux. Le volume des échanges intra-européens était revenu à ses niveaux de 2008. La part du Royaume-Uni avait elle-même monté au cours de ces dernières années. Avec la sortie programmée du Royaume-Uni et la renégociation de son intégration dans la zone commerciale, il y a un risque de voir ces échanges ralentir. Un ralentissement qui pèserait forcement sur la croissance. Ce regain d’activité concernait aussi les banques. Grâce à l’action de la Banque centrale européenne, les établissements bancaires recommençaient à se prêter entre elles. Cet événement relance les inquiétudes autour d’un éventuel processus de nationalisation des bilans bancaires. Les enjeux sont très importants. Ils concernent également les chiffres de la consommation, revenus à leur plus haut niveau depuis 2007. Or, on sait que sa reprise nourrit les profits des entreprises européennes, permet de réduire le chômage et redonne de la confiance. Ce cercle vertueux sera-t-il remis en cause par le Brexit ? Comment un choc politique se transmet-il à l’économie ? Les économistes ont encore du mal à répondre à ces différentes questions.

Selon l’un des scénarios publiés par le FMI, la croissance européenne pourrait être impactée à hauteur de 0,1 % par an d’ici à 2018. L’OCDE a, quant elle, estimé cette baisse à 0,5 % par an en 2017 et 2018. La différence entre ces scénarios dépend du résultat des négociations commerciales, de l’impact de la crise sur les conditions financières et de l’ampleur des effets sur la confiance.

 

Décideurs. Quelles sont les conséquences de cet événement sur votre allocation d’actifs ?

F-X. C. La prime de risque politique va rester sur les marchés européens, avec de l’incertitude. Avec le Brexit, le destin des portefeuilles boursiers est désormais aux mains des politiques. C’est une très mauvaise nouvelle car leur rapport avec le temps est bien différent de l’agenda économique. Le risque de Brexit a toutefois eu le temps d’être en grande partie intégré dans les prix des marchés financiers au cours des derniers mois. La prime de risque sur les moyennes capitalisations britanniques a rejoint son niveau de la récession de 2009, et la décote des actions de la zone euro a atteint 25 % par rapport à Wall Steet, contre 12 % en temps normal.

Quoi qu’il en soit, en attendant d’y voir plus clair, la prudence s’impose, même si des exagérations de marché fourniront des opportunités d’achat. Je pense notamment aux banques de la zone euro qui ont connu leur plus forte baisse historique en une seule journée (- 18 %), alors qu’elles n’avaient perdu que 5,9 % le jour de la chute de Lehman Brothers.

Certaines thématiques liées à la reprise économique demeurent toujours prometteuses, comme la construction, l’immobilier ou les services très domestiques.

Enfin, il est pertinent de noter que même dans son scénario de risque, le FMI ne prévoit aucune conséquence négative du Brexit sur la croissance économique des pays émergents. À ce titre, tous les scénarios des Cassandres visant l’écroulement de l’économie chinoise ne se sont pas réalisés. Nous regardons en conséquence de près les valeurs les plus exposées aux marchés émergents qui ont sous performé depuis 2011.

Propos recueillis Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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