John Harrison, un européen de cœur
Diplômé de la célèbre université de McGill au Canada en 1989, John Harrison commence sa carrière comme avocat en 1991 chez Clifford Chance successivement au sein des bureaux de Londres, New York et Paris. Au cours de ses sept années passées dans la firme britannique, le solicitor de la Cour suprême d’Angleterre est détaché au sein du GIE Airbus en 1994 en qualité d’expert en droit international. Trois ans plus tard, le constructeur aéronautique européen lui propose de les rejoindre, proposition qu’il accepte. Il restera dix ans dans la structure, à différentes fonctions, et participe notamment en l’an 2000 à la stratégique création d’EADS dont il devient le directeur juridique de la division défense trois ans plus tard.
Un retour aux sources
Après un passage de quelques années au sein du groupe pétrolier et gazier Technip, John Harrison retourne chez Airbus en 2015 comme Group General Counsel et membre du comex. "Le groupe et sa gouvernance avaient considérablement évolué depuis mon départ, commente-t-il, et devaient faire face à de nouveaux défis en matière d’éthique et de conformité internationale." En 2015, le groupe d’aéronautique et de défense lance une revue de ses intermédiaires à la suite de la découverte d’irrégularités, affaire qui prendra une tout autre tournure en 2016 lorsqu’elle arrive entre les mains du parquet national financier et du Serious Fraud Office britannique.
"À partir du moment où l’on décide de coopérer, il faut le faire pleinement"
"Directeur juridique est un poste à fort caractère stratégique qui se positionne sur les aspects commerciaux, politiques et humains", soutient John Harrison. Et c’est ce qui lui plaît dans sa fonction, cette rare position donnant une vision complète sur toutes les activités de l’entreprise et la possibilité de traiter des sujets d’une très grande variété. Airbus étant également très présent à l’international, "cela permet de s’intéresser à des systèmes juridiques extrêmement variés et de côtoyer des personnes de toutes nationalités", précise-t-il. Également Chairman d’Airbus UK, l’Anglo-Allemand assure un rôle de représentation auprès du gouvernement et de l’administration du Royaume-Uni où plus de 13 500 personnes travaillent pour le groupe, une fonction d’autant plus fondamentale en cette période de Brexit.
Des années mouvementées
Outre l’immense défi pour le secteur de l’aéronautique face à la crise du Covid-19, Airbus évolue dans un contexte de tensions commerciales internationales et de protectionnisme grandissant. John Harrison se doit ainsi de porter une attention toute particulière à la géopolitique et aux relations internationales. En l’occurrence, cela fait plus de quinze ans que les deux constructeurs aéronautiques Airbus et Boeing s’accusent mutuellement d’avoir perçu des aides d’États indues, conflit porté devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Si l’organisation internationale a donné raison aux États-Unis contre l’Europe en 2019, elle autorise officiellement, un an plus tard, l’Union européenne à imposer de nouveaux tarifs douaniers sur 4 milliards de produits américains. Un dossier qu’a suivi de près John Harrison : "Il y a désormais un jeu égal entre l’Union européenne et les États-Unis", déclare-t-il.
"Il est maitenenant temps de se concentrer sur nos nouveaux défis"
En matière de conformité, Airbus a également fait un travail considérable au cours des dernières années, reconnu par les autorités françaises, anglaises et américaines dans le cadre de l’investigation pour corruption dont le groupe a fait l’objet, et qui a pris fin le 29 janvier 2020 lors de la signature d’un accord transactionnel avec quatre autorités de poursuite, à savoir le Parquet national financier (PNF) en France, le Serious Fraud Office britannique, le Department of Justice américain et son homologue chargé des relations internationales, le Department of State. La stratégie de collaboration avec les procureurs, élaborée très rapidement après la découverte des éléments de preuve, permet au géant de l’aéronautique européen de sortir de cette période difficile la tête haute. "À partir du moment où l’on décide de coopérer, il faut le faire pleinement", explique John Harrison. Ces quatre années d’enquête ont été très enrichissantes, mais également éreintantes pour le general counsel d’Airbus et lui ont permis de grandir avec son poste, mais également de sortir de sa zone de confort. "Maintenant il est temps de se concentrer sur nos nouveaux défis !", conclut-il.
Voyage et culture
De nationalité anglo-allemande, John Harrison arrive en France en 1994 et apprend alors la langue de Molière qu’il maîtrise désormais à la perfection, avec un soupçon d’accent anglais. Enfant, ce père de deux filles de 17 et 21 ans, rêvait de devenir golfeur professionnel. Mais ce sont finalement les études de droit qui l’ont attiré à la fin du lycée. Disposant d’une grande force de travail, il ne compte pas ses heures pour traiter toutes les problématiques juridiques auxquelles sa direction est confrontée, sans pour autant oublier d’entretenir sa forme mentale, au travers de la méditation, ainsi que physique, pratiquant le jogging et la gymnastique. Cet européen de cœur aime par-dessus tout voyager, aussi bien pour son travail que dans un cadre privé, s’intéressant tout particulièrement à l’Amérique centrale et du Sud. John Harrison possède par ailleurs une particularité : il lit toujours trois livres en même temps ! En ce moment, il dévore un ouvrage sur la vie et l’époque du scientifique allemand Alexander von Humboldt, Sensation ! d’Evelyn Waugh ainsi que la biographie de David Cameron, et parcourt chaque semaine le dernier numéro de The Economist. Bien qu’il ne soit pas allé dans les salles obscures depuis 2015, John Harrison se dit "sauvé" par Netflix. Il a récemment apprécié regarder les récentes séries Fauda, The Spy et The Crown. Côté musique, ce sont ses filles qui le tiennent "à la page des nouveautés", s’amuse-t-il à dire.