Président de l’Aspaj depuis 2014, Patrice Brignier revient sur les dernières évolutions de la profession d’administrateur judiciaire.

Décideurs. Quelles sont les principales missions de l’Aspaj ?

Patrice Brignier. L’Aspaj est un syndicat représentant les administrateurs judiciaires. Il compte quatre-vingt-seize membres, tous exclusivement administrateurs judiciaires, ce qui représente 80 % de la profession. Ce chiffre est une réussite car l’adhésion à l’Aspaj est facultative et les professionnels sont libres de choisir un autre syndicat. L’Aspaj a notamment pour mission de défendre les intérêts des administrateurs judiciaires et de participer aux négociations collectives avec les organisations syndicales de salariés. 

L’association intervient auprès des institutions françaises et au niveau européen ; elle est membre de  l’association E.I.P. qui milite pour la  création d’un statut européen du praticien des procédures collectives remplissant des conditions de diplômes, d’expérience et de moralité.

 

L’association mène-t-elle les négociations avec la Chancellerie pour porter la voix de la profession devant les institutions ?

L’Aspaj entretient des relations suivies et constructives avec la Chancellerie, notre ministère de tutelle, qui connaît parfaitement la profession.  Il est plus difficile de négocier avec Bercy, qui ne dispose pas de la même expérience en matière de procédures collectives, droit complexe et très technique au carrefour d’intérêts divergents dont les équilibres délicats doivent être respectés.

 

Quelle est la position de l’Aspaj sur les nouveautés apportées par la loi dite Macron ?

L’Aspaj a une position réservée sur les dernières modifications législatives. Premièrement, l’ouverture de la profession avec la création de sociétés pluri-professionnelles remet en cause l’indépendance des administrateurs judiciaires, l’un des fondements du métier aux côtés de la technicité, du professionnalisme et de la moralité. Deuxièmement, la loi a modifié les conditions d’accès au métier et celles de sa rémunération, et ce sans étude d’impact ni réelle concertation avec les professionnels confrontés à un effet ciseaux entre la diminution du nombre de dossiers, la baisse des tarifs et l’augmentation des charges et du nombre de professionnels.

Les repreneurs sont plus souvent des industriels du secteur que des investisseurs financiers

Quelles sont les problématiques qui animent la reprise d’une entreprise en difficulté ?

Il est de plus en plus compliqué de réaliser la cession d’une entreprise en difficulté et d’en obtenir un prix décent, sachant par ailleurs que certaines cessions, notamment de filiales de grands groupes, se concluent aujourd’hui à prix négatifs. Retourner une entreprise en difficulté nécessite, outre l’apport financier, de fortes compétences managériales et une bonne connaissance du métier. C’est pourquoi, les repreneurs sont plus souvent des industriels du secteur que des investisseurs financiers.  L’autre difficulté vient du fait que lorsque la situation est dégradée, il est souvent indispensable de scinder les activités. Alors qu’une offre globale à un prix décent s’apparente de plus en plus à un luxe inaccessible, le détourage est souvent la seule solution.

 

L'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) a mis en place un label pour les mandataires judiciaires. Ce label pourrait-il être étendu aux administrateurs judiciaires ?

L’AGS, désormais autorisée par la loi à faire ses observations sur la désignation d’un administrateur judiciaire pour les entreprises de plus de cinquante salariés, entend étendre le label aux administrateurs judiciaires. Si l’intention est louable, sa mise en œuvre nécessite des précautions. S’agissant des administrateurs, la définition d’indicateurs objectifs est moins évidente que pour les mandataires. Que veut-on labéliser, comment et dans quel but ? Plus généralement, autorisée à demander au Tribunal la désignation d’un administrateur judiciaire, l’AGS est également appelée à le labéliser. Prescripteur et certificateur ne devraient-ils pas être indépendants ? Un label sert à distinguer les labélisés des non-labélisés. Dans ce cas, ne risque-t-on pas de créer une liste à l’intérieur de la liste des administrateurs judiciaires inscrits sur la liste nationale ? L’Aspaj qui représente les administrateurs judiciaires souhaite vivement être consultée sur ces questions essentielles.

 

Propos recueillis par Tatiana Dvoretskaya

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