Directeur du développement pour le groupe Louvre Hotels, la cinquième chaîne hôtelière dans le monde, l'ambition est claire : devenir leader mondial dès 2020. Pour ce faire, les grosses opérations de M&A constituent un levier important, à l'image du rachat de Sarovar en Inde.

Dealmakers. En tant que responsable du développement d'un grand groupe international de l'hôtellerie, quelle est votre routine professionnelle ?

Saurabh Chawla. Avec mes équipes, nous supervisons la création de nouveaux hôtels et de leurs services associés à travers le monde. Cela couvre aussi le rachat de concurrents et les prises de participation stratégiques pour le groupe.

 

Vous avez réalisé une opération de grande ampleur en Inde avec l'acquisition de Sarovar. Quel était le contexte ?

Nous avons conclu l'un des deals les plus importants de l'histoire du groupe avec Sarovar puisqu'il s'agit de l'une des première chaînes hôtelières du pays. Louvre Hotels Group met la main sur un portefeuille de 75 hôtels dont le positionnement s'étend de l'entrée de gamme au premium. D'un point de vue stratégique, la répartition du réseau est exceptionnelle : Sarovar est présent dans 45 villes indiennes, ce qu'aucun autre acteur ne peut revendiquer. La marque est donc très réputée sur son territoire.

 

Pour nous, en tant que deuxième acteur français – et européen – de l'hôtellerie, cette acquisition est perçue comme un accomplissement puisqu'elle répond à l'enjeu d'accéder à l'un des marchés les plus dynamiques au monde. Que cela soit en Chine, au Brésil, et maintenant en Inde, notre empreinte demeure significative sinon la plus visible.

 

Sarovar était vraiment la cible parfaite pour vous en Inde ? Un mot sur la concurrence ?

Pour commencer, l'entreprise était disponible. Ensuite, sa création remonte à 1994 mais depuis cinq ans elle avait entamé une vraie politique de développement avec l'ouverture de plus de 15 000 chambres.

 

La concurrence a été très féroce sur ce deal. Mais nous étions déjà en contact avec Sarovar depuis 2013, date à laquelle nous avions essayé de créer une filiale commune. Cela n'avait pas fonctionné car la société grandissait très vite à cette époque et n'estimait pas avoir besoin de partenaire capitalistique. En 2015, nous sommes revenus vers eux en leur expliquant qu'une alliance entre nos groupes respectifs serait bénéfique. Cette fois-ci, la donne était différente puisque l'un des actionnaires de Sarovar, un fonds de private equity, cherchait un moyen de sortir. Néanmoins, les négociations avaient déjà débuté et nous devions trouver le meilleur angle d'attaque à la hâte.

 

Vous êtes parvenus à doubler la concurrence au final ?

Nous avons d'abord fait une offre pour les activités de Sarovar détenues en propre – hors master franchise et gestion pour le compte d'institutionnels. Elle a été rejetée car les actionnaires voulaient vendre l'ensemble du groupe. Ensuite, sentant que le vent tournait en notre défaveur, j'ai présenté un projet de rachat global « win-win ». Les négociations sur le prix et d'autres détails ont pris 6-8 mois. Coup de tonnerre, le jour précédant le signing, il y a eu une fuite dans les médias et l'un de nos concurrents en a profité pour surenchérir. On s'est retrouvés « out of the deal » et nous avons dû défendre à nouveau notre projet les semaines suivantes. Le vendeur ne voulait pas perdre le prix fixé avec l'autre groupe international et nous a ainsi laissé un délai extrêmement court pour conclure le deal. Ce que nous avons fait. Nous avons réussi à battre une concurrence internationale, faite de groupes hôteliers américain, européen, asiatique et du Moyen-Orient.

 

A votre avis Saurabh, quel a été le facteur clé pour conclure ce deal ?

Je pense que notre relation avec le management a été décisive. Il nous a fait confiance sur deux points essentiels. D'abord, notre volonté de les garder aux commandes de la société et ensuite notre foi dans la force de la marque Sarovar, que nous souhaitions garder et développer.

 

Vous avez pris le contrôle intégral de Sarovar. Ce n'est donc pas un problème de faire des affaires en Inde en tant qu'acteur étranger ?

Non, ce n'est pas un problème. Il est vrai que les sociétés étrangères doivent parfois remplir des conditions particulières aux fins de s'investir dans des entreprises indiennes. S'il n'est pas toujours possible d'acquérir 100 % du capital d'un acteur local, certains secteurs d'activité stratégiques tels que l'hôtellerie sont plus ouverts aux investissements directs étrangers.

 

Vos actionnaires chinois souhaitent renforcer Louvre Hotels en tant qu'acteur international de premier plan. Mais l'hôtellerie est d'abord un métier de services. Comment rester local ?

De nombreux groupes font effectivement face à la problématique du « glocal » : devenir global tout en restant local. Notre stratégie est clairement de consolider notre présence à travers le monde. Aujourd'hui, nous sommes le numéro cinq mondial et nous avons adopté une approche très dynamique afin d'être numéro un à l'horizon 2020. Pour rester local, nos managers doivent faire fi du caractère international de nos activités et privilégier une gestion de proximité.

 

FS

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