Rendre l’art plus accessible, voilà l’objectif de Kazoart. Fondée par Mathilde Le Roy il y a deux ans, la marketplace casse les codes du marché de l’art et propose une sélection d’œuvres pour les petits budgets. Retour sur un business model qui ne demande qu’à s’exporter.

Décideurs. Quelle est la genèse de la création de Kazoart ?

 

Mathilde Le Roy. Tout est parti d’une expérience personnelle. Je voulais acheter une œuvre, j’avais quelques centaines d’euros mais je trouvais que pousser la porte d’une galerie était intimidant et j’avais l’impression que je n’y trouverais pas ce que je cherchais. Je sentais que nous étions nombreux dans cette situation. Le grand public, amateur pas particulièrement connaisseur ou collectionneur, veut pouvoir s’offrir quelque chose d’un peu plus unique qu’un poster Ikea pour un budget raisonnable.  Parallèlement, je connaissais certains artistes très talentueux qui avaient du mal à se faire représenter et étaient prêts à les vendre à des prix très abordables. Il y avait donc une offre et une demande qui ne se rencontraient pas. Kazoart a été créé pour résoudre ce paradoxe.

 

Comment dénichez-vous les artistes dont les œuvres figurent sur votre marketplace ?

 

À l’origine, je me suis entourée d’un comité d’experts (galeristes, professeurs en école d’art, personnes fréquentant des artistes émergents) pour m’aider à repérer les artistes au profil émergent, pas encore coté, fournissant un vrai travail de qualité et disposant d’une formation artistique initiale. Nous avons ainsi constitué un pool d’une cinquantaine d’artistes. Notre travail de sélection est notre marque de fabrique. Nous n’avons rien à voir avec les annuaires d’artistes en ligne. Avec le temps, notre track record a été notre meilleure vitrine. Nous recevons aujourd’hui dix candidatures par jour. À nous de faire le tri.

Notre politique est iconoclaste et ne plaît pas à tout le monde 

 

Vous avez été incubé à Paris chez Paris Pionnières et vous avez intégré l’accélérateur bordelais Héméra. Que vous ont apporté ces accompagnements ?

 

Quand je me suis lancée, j’étais persuadée que l’accompagnement était central. Je n’avais jamais créé d’entreprise, c’était une première. Bien sûr, ma formation en grande école de commerce m’a donné des bases, je savais monter un business plan. Mais il y a des étapes à suivre et quand on n’a jamais été entrepreneur, les incubateurs constituent une aide précieuse, une mise en réseau, une aide pour accéder aux financements. Leur accompagnement nous fait gagner beaucoup de temps. Sans compter les échanges avec les autres start-up du cercle, les retours d’expérience sont précieux.

 

Vous venez de lever 307 000 euros. Qui sont vos investisseurs et que va vous permettre cet apport financier ?

 

Nous avons bouclé notre tour de table auprès de business angels, notamment issus du réseau ESCP Business Angels. Comme mon carnet d’adresses ne comptait que peu de profils financiers, recourir à ce type d’investisseurs était la solution la plus naturelle pour une entreprise early stage comme Kazoart. Grâce aux fonds levés, nous allons notamment consolider notre équipe et améliorer l’expérience client pour les visiteurs de notre plate-forme.

 

Vous assurez casser les codes du marché de l’art. Comment cela se manifeste-t-il ?

 

Nous appliquons les règles du e-commerce au marché de l’art, et nous ne nous en cachons pas. Nous proposons par exemple une réduction lors de la première commande, les frais de port sont offerts et l’acheteur peut renvoyer gratuitement son achat sous trente jours. Cette politique peut être perçue comme iconoclaste et ne plaît pas à tout le monde. Tout un pan du marché est assez puriste et réfractaire à une approche mercantile. Nous assumons d’autant plus que notre modèle fonctionne !   

L’Europe francophone demeure donc notre pré carré

 

Comment fonctionne votre business model ?

 

Aujourd’hui, nous nous rémunérons grâce à une commission entre 20 % et 35 % sur les ventes. C’est le modèle classique pour une marketplace. Notre structure est particulièrement légère : nous ne stockons pas les œuvres, nous ne les achetons pas, nous ne faisons pas dépôt-vente. Nous mettons en place la plate-forme qui génère du trafic et qui permet de nouer ensuite des transactions. Pourtant, nous réfléchissons à de nouveaux modes de rémunération notamment en développant un service premium pour les artistes et en renforçant notre positionnement B2B auprès des entreprises qui, bien souvent, ignorent les avantages fiscaux attachés à l’achat d’œuvres d’artistes vivants.

 

Amazon Art, partenariat entre Sotheby’s et eBay, start-up de plus en plus nombreuses… La concurrence est rude. Comment tirez-vous votre épingle du jeu ?

 

Nous avons une double différenciation. La première est d’ordre géographique. Notre seul équivalent est américain (nous nous sommes d’ailleurs inspirés de son modèle pour créer Kazoart) et n’intervient que sur le marché anglo-saxon. L’Europe francophone demeure donc notre pré carré. Notre deuxième force est notre positionnement. Nous sélectionnons des artistes pas encore connus ou cotés puis nous proposons leurs œuvres au grand public qui n’est pas toujours fin connaisseur et qui apprécie donc de pouvoir se fier à notre expertise artistique. La promesse d’un art abordable et de qualité est tenue puisque les prix oscillent entre moins de cent euros et quelques milliers d’euros et que notre catalogue est éclectique (peinture, sculpture, photographie, etc.).

En investissant dans l’art, les dirigeants peuvent lier l’utile à l’agréable

 

Quels sont vos projets à court terme ?

 

La question de l’expansion géographique se pose. Nous avons encore fort à faire sur le marché européen. Nous voulons aussi développer notre activité auprès des PME, ETI et professions libérales. L’idée est simple : en investissant dans l’art, les dirigeants peuvent lier l’utile à l’agréable en bénéficiant d’un régime fiscal favorable. Nous avons donc un travail de sensibilisation à mener auprès d’eux. L’idée est de créer une formule clé en main incluant le conseil fiscal pour faciliter leur investissement.

 

Propos recueillis par Sybille Vié

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