Édito. Woke in progress
Connaissez-vous le mouvement woke ? Indice : cela n’a aucun rapport avec la poêle asiatique. Dérivé du verbe anglais to wake (se réveiller), ce terme désigne les belles âmes prêtes à combattre toutes formes d’injustices qui pèsent sur les minorités, qu’elles soient ethniques, sexuelles ou religieuses. De prime abord, rien à redire. Les adeptes du "wokisme", particulièrement véhéments dans les pays anglo-saxons, partent d’un postulat très simple : nous sommes dans le camp du Bien, ceux qui pensent différemment doivent être écartés du débat public. Et, soyez-en sûr, il suffit d’un rien pour subir le courroux de ces nouveaux inquisiteurs qui gagnent peu à peu du terrain. Ce début d’année en est la preuve. Désormais, Les Aristochats, Peter Pan et La Belle et le Clochard sont interdits aux enfants sur la plateforme Disney+. Motif ? Racisme. En Grande-Bretagne, l’université de Leicester vient de remplacer l’étude de la littérature médiévale par des modules sur « la race et la sexualité » afin de se « décoloniser ». Celle de York a supprimé de son site le symbole bouddhiste des trois singes de la sagesse pour éviter d’être accusée d’intolérance, ces primates constituant, selon elle, un stéréotype racial oppressif. Ces actes sont loin d’être isolés et un édito entier ne suffirait pas à recenser l’ensemble des « victoires » de ces illuminés. Citons toutefois deux exemples venus d’outre-Atlantique : à partir de 2024, les films ne comptant pas un certain quota de LGBT ou de minorités visibles ne pourront concourir à la cérémonie des Oscars (fini les films sur le Japon ou les Vikings donc…). Enfin, il y a quelques mois, un professeur de l’Université de Californie a été suspendu pour avoir refusé de surnoter des élèves afro-américains.
L'autoprocalmé camp du Bien s'inspire du totalitarisme et des théocraties les plus arriérées
En somme, au nom de la lutte contre l’oppression supposée, il faut censurer, bannir, interdire tout débat, et réécrire l’histoire. Dans le viseur : les enfants, la culture et l’enseignement supérieur. La ressemblance avec le totalitarisme ou les théocraties les plus arriérées est frappante. Car les « woke », eux aussi, cherchent à formater dès le plus jeune âge et à remodeler le passé selon leurs propres standards. Pour quel type de société ? Un monde dans lequel une minorité radicalisée cherche à imposer sa vision (et y parvient peu à peu). Un monde où chacun est enfermé dans une case raciale ou sexuelle et ne peut en sortir. Un monde où l’accès au savoir et au débat est restreint. Un monde où l’émotion et l’indignation prennent le pas sur la raison. Oui, mais il paraît que c’est pour notre bien. Décidément, le nouveau progressisme à la sauce US a un arrière-goût bien rance.
Lucas Jakubowicz