Clay Arbitration a été fondé en 2019 par le professeur Thomas Clay dans le but de structurer l’activité qu’il exerce en arbitrage international depuis plus de vingt-cinq ans et regroupe une équipe entièrement dédiée à l’arbitrage, que soit comme arbitres ou comme avocats. Situé dans un atelier d’artiste, qui fut autrefois celui de Picasso, le cabinet a créé un modèle unique en son genre qui se développe tous azimuts. Mais sensible aux enjeux climatiques, il vient d’adopter une charte environnementale qu’il s’applique et compte faire appliquer dans tous les arbitrages auxquels il participe. Le professeur Thomas Clay en détaille ici le contenu très novateur, et c’est aussi l’occasion de faire le point sur l’activité de ce cabinet quatre ans après sa création.
T. Clay (Clay Arbitration) : "Le cabinet Clay Arbitration passe au vert !"
Décideurs. Vous avez récemment adopté une charte environnementale, pourquoi ?
Thomas Clay. Face aux dérèglements climatiques perceptibles chaque jour un peu plus, on ne peut plus faire comme si de rien n’était et continuer à nous réfugier dans notre bulle confortable. Clay Arbitration travaille essentiellement à l’international, sur des dossiers souvent volumineux, qui impliquent des déplacements, parfois loin, des audiences, souvent longues, et des pièces produites, en général en quantité très importante. Si l’on ajoute tous les services induits auxquels nous avons régulièrement recours (coursiers, traducteurs, sténotypie, reprographie, etc.), l’arbitrage international nous amène à produire une empreinte carbone excessive. Ainsi, une étude internationale récente a montré que le traitement d’un seul dossier d’arbitrage de taille moyenne représentant 30 à 50 millions de dollars américains génère 418 531,02 kg de CO2 et, pour être compensé, nécessiterait la plantation de près de 20 000 arbres, un chiffre équivalent à l’intégralité des arbres de Central Park… En 2018, neuf des plus grandes institutions d’arbitrage totalisaient plus de 6 000 cas, un chiffre nécessitant la plantation de millions d’arbres pour compenser l’empreinte carbone générée de leur fait, l’équivalent d’une forêt égale à onze fois la taille de Paris. Sur dix ans, cela représenterait plus d’un milliard d’arbres, soit une forêt égale à 118 fois la taille de Paris. On ne peut donc plus fermer les yeux. Nous devons revisiter nos pratiques, même les mieux établies, et nous interroger sur ce qui peut être amélioré. Il en va de notre responsabilité de citoyen. En cela, la crise du Covid a permis un premier aggiornamento, mais, d’une part, il était subi et, d’autre part, on doit pouvoir aller plus loin et de manière pérenne.
Que contient votre charte environnementale ?
Nous avons mené notre initiative en parallèle de celle de Campaign for Greener Arbitrations qui a pour but de réconcilier l’arbitrage international et responsabilité écologique. Ce fut l’occasion de collaborer avec certains membres de cette campagne pour améliorer encore notre réflexion interne et nous inscrire dans la lignée de cette initiative. Ainsi, Clay Arbitration a adopté douze engagements écologiques que nous essayons d’observer de manière scrupuleuse et qui sont bien sûr accessibles sur notre site internet. Pour prendre quelques exemples : nous essayons de nous passer d’impressions papier au cabinet et nous refusons désormais de faire des filings en format papier – que ce soit quand nous sommes arbitres ou conseils ; nos déchets sont systématiquement recyclés ; nous favorisons les réunions virtuelles aussi souvent que possible ; nous travaillons avec des prestataires qui justifient d’un label écologique ; le stockage de nos données se fait uniquement par des serveurs de basse consommation, etc.
Deux engagements sont, pour des raisons différentes, difficiles à mettre en œuvre : d’une part, l’obligation de transmettre notre charte écologique à tous les protagonistes de chacun de nos dossiers (arbitres, avocats, parties) et les inciter à adopter ces mêmes règles, et notamment qu’ils renoncent eux aussi au papier, ce qui est encore en pratique parfois pris comme une lubie ou une forme d’idéologie ; d’autre part, nous avons proscrit les capsules de café au cabinet, c’est peut-être ce qui a été le plus dur, même si nous l’avons remplacé par du café en grains, finalement bien meilleur. Ajoutons qu’en tant qu’universitaire qui assure ses cours chaque semaine à l’École de droit de la Sorbonne, je me sens aussi une responsabilité de donner l’exemple à la nouvelle génération, même si, en l’occurrence, c’est plutôt elle qui nous montre la voie.
Clay Arbitration a été créé en 2019 avec l’objectif de fonder le premier cabinet d’arbitres en France. Depuis, votre modèle a largement évolué pour partager l’activité d’arbitre avec celle de conseil...
Vu le développement fulgurant de l’arbitrage international – toujours plus précis, technique et volumineux –, Clay Arbitration avait été fondé avec l’ambition de créer une structure permettant de réarmer l’arbitre en lui donnant les moyens de ses ambitions, qu’ils soient techniques ou logistiques. C’est donc ainsi que nous avons décidé de créer le premier cabinet d’arbitres en France, dans le but de structurer une équipe autour de la figure de l’arbitre, lui permettant d’avoir une maîtrise parfaite des dossiers qui lui sont soumis et de mener sa mission dans des conditions de grande sécurité intellectuelle et juridique. En tant que professeur d’université, spécialiste de droit de l’arbitrage interne et international, je veux aussi pouvoir offrir une approche académique des questions posées.
Mais, nous avons dû faire face à une double évolution, l’une exogène et l’autre endogène. D’un côté, le marché a évolué en s’atomisant avec la création de nombreuses boutiques d’arbitrage qui ont transformé l’offre. De l’autre côté, nous avons dû élargir notre pratique pour répondre à des demandes nouvelles. Nous avons ainsi été appelés à fournir à nos clients des prestations à très forte valeur ajoutée sur des marchés parallèles, tout en préservant notre ADN originel. Ainsi, en quatre ans, le cabinet a développé son activité législative, académique, d’influence et enfin et surtout, de conseil, avec des moyens de projection sur tous les continents. Nous travaillons d’ailleurs en cinq langues.
Si ces activités ne sont pas homogènes par leur nature, notre approche est la même dans chaque dossier : nous n’intervenons que dans des affaires complexes qui posent un défi ou un intérêt intellectuel, personnel ou technique. Il nous arrive ainsi régulièrement de refuser des dossiers dits intéressants, mais qui ne posent aucun défi notable, et d’accepter de travailler à perte sur un autre dossier original. Aujourd’hui, l’activité d’arbitre et de conseil occupe principalement le cabinet sur des dossiers qui se positionnent entre quelques millions d’euros et plusieurs dizaines de milliards d’euros, toutes industries confondues.
Quelle est la typologie des dossiers du cabinet ?
Clay Arbitration intervient sur des dossiers de nature très différente, si bien qu’il est difficile de dégager une tendance. Si le cabinet se concentre sur l’arbitrage, il offre toute la palette de services possibles dans cette spécialité, que ce soit comme arbitre, ou comme conseil en solo, ou en co-conseils, qui est une des missions les plus enrichissantes.
Nous intervenons donc tant au niveau de la rédaction de certains contrats, que dans le cadre de négociations précontentieuses – qu’elles soient structurées ou non – de la procédure arbitrale en tant que telle, de la supervision des procédures parallèles et enfin des phases de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales, toutes industries confondues. Les enjeux que nous avons à traiter aussi sont très divers, ce qui est une véritable richesse de l’arbitrage international. Les enjeux écologiques ne se limitent d’ailleurs pas à l’administration de l’arbitrage international puisque nous traitons également des dossiers qui portent justement sur des questions environnementales, notamment des litiges portant sur le jeu de garanties de passif environnemental…
Par ailleurs, à l’inverse de certains confrères qui se positionnent en faveur ou à l’encontre des États souverains, notre portfolio comporte tant des États – en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique – que des investisseurs et nous sommes très attachés à cet équilibre. Nous revendiquons une forme de liberté de penser. Enfin, à l’exclusion de certains États, nous intervenons sur de nombreux terrains de jeux et de juridictions différents, que ce soient au niveau des institutions arbitrales, que des sièges ou des droits applicables.
Est-ce qu’il existe une griffe Clay Arbitration dans la manière dont vous traitez vos dossiers ?
La première difficulté est de gérer toutes les procédures pendantes, qui ont à la fois une évolution au long cours avec des dates prévues longuement à l’avance, et des incidents réguliers qui impliquent de la réactivité dans l’urgence. C’est la raison pour laquelle nous avons standardisé nos actes types, de façon à pouvoir être réactifs. Notre cabinet est connu pour ne pas prendre de retard. L’obligation de célérité mentionnée à l’article 1464 CPC qui pèse aussi bien sur l’arbitre que sur les parties est prise chez nous au premier degré.
C’est la raison pour laquelle chaque dossier fait l’objet d’une analyse approfondie en amont sur la manière dont nous allons le traiter. Chaque arbitrage nécessite de structurer une équipe appropriée et de déployer une stratégie idoine. Il serait donc absurde de transposer sa "griffe" dans tous les dossiers que nous traitons. Néanmoins, il est vrai que nous observons une tendance, surtout dans nos dossiers de conseils. En 2022, nous avons eu plusieurs dossiers dans lesquels nous avons déployé une stratégie dite de "guerre" asymétrique, c’est-à-dire de générer un maximum de dommages avec un minimum d’investissement. C’est une stratégie qui se justifie dans certains dossiers seulement, mais qui apporte beaucoup de satisfaction lorsqu’elle est réussie.
Sinon, l’aspect académique qui innerve le cabinet prend évidemment une place primordiale dans la manière dont nous approchons les questions juridiques auxquelles nous sommes confrontés, ce qui nous permet de régulièrement d’anticiper et de parer les coups. Et, dans le contentieux, cela n’a pas de prix.