Si la médiation commence à trouver sa place dans le paysage du règlement des litiges, bénéficiant en cela d'un effet d'accélération induit par la crise sanitaire et la volonté des pouvoirs publics de la promouvoir comme une alternative crédible au contentieux, celle-ci demeure cependant encore mal comprise par les justiciables. Des interrogations demeurent notamment sur le rôle du médiateur et, de façon plus générale, sur l'intérêt pour les parties d'avoir recours aux services d'un tiers pour les aider à résoudre leur conflit de façon non contrainte, de surcroît lorsqu'elles ont déjà échoué à le faire en tentant de s'entendre directement.

SUR L’AUTEUR

Avocat au barreau de paris depuis 2004, David Lutran est également médiateur (agréé CMAP, certifié IFCM et IMI, référencé CNMA, inscrit sur la liste des médiateurs de plusieurs cours d’appel françaises et d’organismes de médiation en France et à l’étranger).

Il intervient comme médiateur et comédiateur dans des dossiers commerciaux, successoraux, de conflits d’associés et immobiliers pouvant impliquer des parties de nationalités différentes. Il enseigne la médiation dans plusieurs universités et y consacre régulièrement des conférences, en France et à l’international.

Au milieu des parties en conflit, le médiateur œuvre à améliorer la qualité de leur communication

Médiateur vient du mot latin mediator, qui signifie "entremetteur". Le médiateur est celui qui est au milieu des parties en conflit, auquel celles-ci demandent d’œuvrer à leur rapprochement sans être investi du pouvoir juridictionnel d’imposer une solution. Plus généralement, "celui qui, choisi par les [parties] seules ou par le juge avec leur accord, qui intervient à toutes fins pacificatrices pour tempérer le conflit si celui-ci ne peut être résolu, et inciter les intéressées, à défaut de règlement global, à chercher au moins à discerner les points d’accord et de désaccord" (Cornu).

Le rôle du médiateur – dont le seul pouvoir est de mettre fin à la médiation et qui ne dispose d’aucun moyen de contraindre les parties – est donc de faciliter l’établissement d’un dialogue de qualité entre elles et de les accompagner dans leur démarche amiable afin de rétablir/apaiser une relation qui a été rompue ou endommagée et aboutir à une solution au conflit qui les oppose.

D’origines variées, provoqués ou non, les conflits obéissent à une dynamique entretenue par un échange problématique de signaux et d’informations délivrés à mauvais escient qui vont enfermer les parties dans des postures, amenées à se durcir et à s’amplifier au fur et à mesure de leur confrontation, jusqu’à ce que la situation se fige et qu’aucun progrès ne soit plus envisageable.

À ce stade, seule l’intervention d’un tiers peut permettre de débloquer la situation, que ce tiers ait pour mission de décider au lieu et place des parties (rôle du juge et de l’arbitre dans un cadre juridictionnel) ou de les aider à restaurer une communication constructive – ayant donc pour objectif d’apporter une amélioration, de construire quelque chose – pour être débarrassée, autant que faire se peut, de son halo ­conflictuel.

Il revient donc au médiateur de juguler l’adversité, dissiper la méfiance et rétablir la confiance pour permettre aux parties de privilégier la substance en échangeant – de façon fluide – des informations structurantes, susceptibles de leur permettre de comprendre les causes de leur confit d’une part, et de résoudre durablement celui-ci d’autre part en identifiant et en s’accordant sur leurs intérêts (individuels et communs) pour ce faire.

La valeur ajoutée du médiateur réside donc dans sa capacité à permettre aux parties de communiquer – au sens d’entrer en relation directe – de façon optimale et adopter une attitude d’ouverture indispensable à l’entrée en négociation. Ce faisant, il devient le point focal permettant la coordination du comportement des parties, la vigie d’un processus nécessitant respect de l’autre et concorde en vue de l’intégration du contenu informationnel diffusé par la parole des parties et leur comportement non verbal.

Le médiateur en tant que réceptacle et dérivatif du conflit opposant les parties

Par son positionnement intermédiaire, le médiateur reçoit les parties en leur conflit et agit tout à la fois comme son réceptacle et son dérivatif. La triangulation qui s’opère dans la médiation, et notamment lors de la phase exploratoire du conflit et de ses causes, permet de dégonfler le conflit et de libérer les parties de son poids. Cela est d’autant plus vrai qu’il appartient au médiateur d’établir un rapport de confiance entre les parties et avec elles, le médiateur étant également le confident nécessaire des parties auquel elles pourront livrer leur secret et lui demander de dévoiler à l’autre ce qu’elles ne savent, n’osent ou ne peuvent lui dire directement.

Pour mener à bien sa mission d’accompagnement des parties médiées tout au long des différentes phases du processus – destinées à permettre aux parties de renouer contact puis à identifier et comprendre l’origine des points de désaccord (qui apparaissent souvent plus nombreux et variés qu’exposés à l’origine) et, enfin, à envisager un panel de solutions complètes en procédant par tâtonnement –, le médiateur doit posséder un certain nombre de qualités.

Les qualités du médiateur obéissent à des registres variés

Ces qualités empruntent à des registres fort divers : personnalité, histoire personnelle, parcours professionnel, incarnation de la dimension éthique de la médiation (le triptyque classique indépendance/impartialité/neutralité), aptitude à saisir les problématiques du litige quel qu’en soit le type et à se les approprier pour comprendre les préoccupations des parties, sensibilité (…) – tous ces éléments occupant une place variable en fonction de la nature du dossier sur le fond, de ses enjeux, du profil des parties…

N’étant ni juge, ni arbitre, ni expert – même si la connaissance ou à tout le moins une certaine familiarité avec les questions abordées (techniques, juridiques, sectorielles…) est de nature à faciliter sa mission et à rassurer les parties –, le médiateur constitue un personnage singulier, dont le talent réside d’abord et surtout dans son aptitude à servir de canal de communication entre les parties pour les faire évoluer sur le chemin toujours sinueux de la solution, en ayant constamment le souci que les discussions se traduisent in fine en réponse concrète et opérationnelle aux préoccupations exprimées au cours du processus.

Fondamentalement, le médiateur agit comme un canal dont la fonction est de permettre aux parties de communiquer – à travers lui dans un premier temps et directement entre elles dans un second temps lorsque celles-ci sont parvenues, avec son aide, à s’extraire de leur gangue conflictuelle pour poser les jalons de la solution à leur conflit. Car la médiation est fondamentalement axée sur la solution, entendue comme une réponse raisonnable, raisonnée et globale aux besoins des parties, dont l’économie et l’équilibre tient compte du rapport de force existant entre elles (à envisager de façon large : juridique, économique, psychologique… chaque affaire possédant sa singularité).

Comme l’ont relevé certains, avec une pointe d’humour, "le médiateur idéal est un oiseau rare !". Il ne devra pas seulement être neutre, indépendant et impartial et il lui appartiendra d’avoir d’autres qualités. Outre son aptitude à saisir, comprendre et problématiser les différentes dimensions (juridique, technique, économique, psychologique…) du conflit, il s’agit notamment de l’empathie, de l’endurance, de l’intuition  mais également de la capacité à se placer en retrait lorsque les parties sont parvenues à travailler de concert à la solution – retrait non assimilable à une certaine forme de passivité, le médiateur devant rester attentif et prêter concours aux parties lorsqu’elles le sollicitent dans la phase opérationnelle de la médiation.

Enfin, le médiateur doit faire preuve d’autorité. Se définissant comme "l’ascendant grâce auquel quelqu’un se fait respecter, obéir, écouter" (Le Larousse), l’autorité prend ici une signification particulière dans la mesure où le médiateur, qui n’a aucun pouvoir, est en définitive seulement porteur d’une volonté qu’il devra manifester par sa présence active et le tempo qu’il donnera à la médiation : celle de faire aboutir le processus. C’est donc la confiance que les parties placent en lui qui confère au médiateur son autorité.

Comme l’écrivait André Gide dans son Journal, "de même sans cesse et partout, dans la nature, la solution ne se sépare pas du problème. Ou mieux : il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions. L’esprit de l’homme invente ensuite le problème. Il voit des problèmes partout." Au médiateur donc d’aider les parties à changer de regard sur leurs difficultés de tous ordres pour les amener, avec optimisme et détermination, à la solution, qui est ­toujours plus proche que ce que l’on pourrait croire.

 Les points clés
 Alors que la médiation est en plein essor, le rôle du médiateur demeure assez mal compris. Les conflits ont souvent pour origine des problèmes de communication, que le médiateur va aider les parties à résoudre pour parvenir à une solution complète et mutuellement satisfaisante.
Dépositaire du conflit et confident nécessaire des parties, le médiateur concourt à leur rapprochement en leur permettant de communiquer de façon qualitative en privilégiant le fond. Outre l’incarnation des principes éthiques cardinaux de la médiation (indépendance, neutralité impartialité), le médiateur doit posséder des qualités empruntant à différents registres afin d’orchestrer le processus de façon optimale.

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