Femmes en cabinet d’avocats : vous avez dit plafond de verre ?
Chaque année, les semaines suivant la journée du 8 mars sont l’occasion de dresser le même constat : les inégalités entre les femmes et les hommes perdurent. Dans l’univers professionnel, au-delà des écarts salariaux, les études montrent que les femmes doivent fournir plus d’efforts pour être entendues et faire reconnaître leurs compétences. Face à ces freins, elles continuent à intérioriser ces situations, s’autocensurant pour les promotions ou attendant d’avoir toutes les qualifications requises pour postuler à une fonction. La législation qui jadis protégeait bien leurs droits ne serait-elle pas aujourd’hui devenue parfois un frein à leur embauche et à leur évolution dans certains secteurs peu ouverts aux femmes ? Et, au quotidien, ne sont-elles pas confrontées à des situations incohérentes ? À l’instar du congé maternité et des jours d’absence pour enfants malades par exemple, qui autorisent, dans les faits, une absence de prime.
Salariat vs libéral : l’absence de protection, un risque et une opportunité
Des propositions visant à instaurer des quotas et/ou une discrimination positive ont été formulées pour casser le plafond de verre. S’il existe bien des domaines professionnels dans lesquels celui-ci est particulièrement résistant, rendant ces mesures absolument nécessaires, il en est un dans lequel de telles mesures paraissent inadéquates : celui des cabinets d’avocats d’affaires, où le salariat n’est pas la règle et où les aides sont limitées. Non pas que la réalité dans ce secteur soit idyllique : le rapport de Kami Haeri L'avenir de la profession d'avocat, soulignait en 2016 que 20 % des femmes quittaient les cabinets au bout de cinq ans en moyenne. Selon l'association Femmes & Droit, les collaboratrices continuent à gagner moins que leurs confrères masculins. Par ailleurs, le métier reste encore sexiste, comme l’illustrent de nombreux témoignages publiés dans les médias.
Mais dans cet univers libéral, tout est paradoxalement possible pour les femmes qui le souhaitent et le peuvent. Notamment devenir associée. Il en est de même pour les hommes. Certains managing partners de cabinets auraient-ils eu une progression aussi fulgurante en étant salarié en entreprise et soumis au Code du travail ? Ils auraient été confrontés à des évolutions plus lentes, plus méthodiques nécessitant notamment des formations et des années d’expérience.
Évolutions de carrière et freins personnels
Comme pour les hommes, cela implique pour les avocates un investissement important dans leur carrière, avec à la clé, parfois, des sacrifices dans leur vie personnelle. Certaines feront un autre choix, tout aussi respectable. Mais celles qui décident de se lancer ne seront pas bloquées par un plafond de verre.
En revanche, elles le seront peut-être par des freins internes et des croyances limitantes. Parce qu’elles ne sont pas habituées à voir d’autres femmes à la tête de leurs cabinets. Parce qu’elles sous-estiment leurs compétences et s’obligent à une pression énorme. Parce qu’elles n’assument pas leurs envies. Parce qu’elles ont un rapport complexe à l’autorité, au pouvoir, à l’argent, fruit d’une éducation partielle et partiale des filles pendant des siècles…
Il serait alors pertinent qu’elles soient accompagnées, en mentoring ou en coaching, pour travailler à lever ces freins les uns après les autres. Par ailleurs, des réseaux, des clubs, des associations peuvent aussi aider la femme qui aspire à des fonctions élevées à se sentir moins seule. La solidarité féminine n’est pas un mythe et le récent livre de Julia Minkowski et Lisa Vignoli L’avocat était une femme, le procès de leur vie confirme des succès remarquables chez beaucoup d’avocates.
Culture inclusive et association vs gouvernance
Si l’association est possible, qu’en est-il de la gouvernance au sein de celle-ci ? Malgré la pertinence des études analysant et illustrant la parité, il est parfois difficile de mettre en évidence le nombre de femmes equity au sein de l’association par exemple. Cette réflexion pose l’éternelle question du contrat d’association et notamment de la réalité économique de celui-ci. Et qu’en est-il de l’accessibilité aux prises de décision pour les engagements les plus structurants et au statut de managing partner ?
Anne Bassi, dirigeante de Sachinka