Gouvernance horizontale, cabinets full services, rémunération à l’abonnement, nouvelles technologies… En quête de flexibilité et prête à relever de nouveaux défis (compliance, environnement, etc.), la nouvelle génération d’avocats façonne le métier de demain.
Roland Dana : “La relève se distingue de l'élite traditionnelle par sa vision du métier d'avocat”
Décideurs juridiques. Qu’est-ce qui a changé dans les modes de gouvernance des cabinets d’avocats ?
Roland Dana. On observe une rupture significative entre les structures traditionnelles, au fonctionnement pyramidal, et les plus jeunes. Ces dernières ont lancé un mouvement vers une gouvernance plus inclusive et transparente qui encourage la participation de tous les avocats aux décisions importantes. De quoi favoriser un sentiment d'appartenance et une forte culture de cabinet. Les technologies collaboratives n’y sont pas étrangères : leur usage facilite la communication et la prise de décisions collectives, pour une gestion plus agile du cabinet.
Observez-vous dans les cabinets de niche une volonté de s’affranchir des modalités d’exercice du métier classiques ?
Les cabinets de niche cherchent en effet à se démarquer des cabinets full services à l’aide de stratégies innovantes pour améliorer leur rentabilitérentabilité et en se spécialisant dans des sujets de pointe – qui justifie des honoraires premium. De ce côté, ces cabinets relèguent au placard le taux horaire classique pour explorer des modèles de facturation flexibles tels que les abonnements ou les honoraires basés sur le succès. Ils font le choix d’une structure opérationnelle plus légère, qui permet la réduction des coûts généraux et la maximisation de l’efficacité.
Ils automatisent les tâches répétitives grâce aux investissements technologiques pour se concentrer sur la conception de services innovants. Ces cabinets de niche ne lésinent pas sur les partenariats stratégiques pour élargir leur offre sans renier leur spécialisation. En somme, ils assoient leur positionnement “unique” sur le marché et séduisent des clients prêts à payer pour une prestation de niche et de haute qualité.
Quelles différences relevez-vous entre les profils de la Relève et ceux de l’Élite* ?
La relève se distingue de l'élite traditionnelle par sa vision du métier d'avocat. Attirée par l'innovation et la multidisciplinarité, cette nouvelle génération cherche à briser les silos entre les spécialités juridiques pour proposer des solutions complètes et intégrées à ses clients. Contrairement à l'élite qui penche plutôt pour la spécialisation extrême, la relève se tourne vers des approches transversales et cherche à développer des compétences en gestion, en technologie et en communication.
*La Relève et l’Élite du nom des dossiers spéciaux de Décideurs Juridiques qui identifie chaque année 30 avocats aux profils brillants, qu’ils soient seniors ou de la jeune génération.
Comment évoluent les rémunérations ?
La tendance est à l'élaboration de systèmes de rémunération plus flexibles et personnalisés. Ce type de rémunération s’appuie non seulement sur la performance individuelle, mais aussi sur la contribution au succès collectif du cabinet. Avec des bonus liés à l'innovation, à l'engagement dans des projets pro bono, ou encore à l'effort de mentorat et de formation des jeunes avocats, ces systèmes contribuent à la reconnaissance des différentes formes de valeur apportée au cabinet.
Quels sont les secteurs qui marchent le mieux, qui attirent le plus les jeunes avocats ? Les moins jeunes ?
Les jeunes avocats sont attirés par des secteurs qui conjuguent défis juridiques et enjeux sociétaux, comme le droit de l'environnement, le droit des nouvelles technologies et la compliance. Ces domaines séduisent puisqu’ils offrent l’occasion de travailler sur des questions de pointe et d’avoir un impact direct sur les évolutions de la société. Pour les avocats plus expérimentés, les secteurs traditionnels, mais en perpétuelle évolution, comme le financement, le fiscal ou le M&A, continuent d’offrir de belles perspectives de carrière.
Les femmes, a priori plus nombreuses dans la profession, parviennent-elles à des niveaux comparables à ceux qu’occupent les hommes ?
Les cabinets qui ont une culture d’égalité des chances bien rodée bonifient leur réputation, avec à la clef l’attraction des meilleurs talents et des clients, de plus en plus soucieux de la diversité. L’avancée des femmes dans la profession est encouragée par des politiques de diversité et d’inclusion plus robustes, des initiatives de mentorat, des réseaux de soutien internes et des programmes de leadership féminin, etc.
Que pressentez-vous pour le secteur dans les prochaines années ?
Comme partout, l’intelligence artificielle va bousculer le secteur. Pour la profession juridique, cette technologie va s’illustrer dans la gestion des données et l'analyse prédictive. Pour générer des gains d'efficacité significatifs. En parallèle, les conseils juridiques intégrés, qui allient expertise technique, sensibilité commerciale et compréhension stratégique, continueront d’avoir le vent en poupe.
Les cabinets les mieux armés pour naviguer dans cet environnement complexe et en rapide évolution sont ceux qui investissent dans la formation continue de leurs avocats, non seulement dans les domaines juridiques, mais aussi en compétences transversales.
Propos recueillis par Anne-Laure Blouin