9 429,40 km. C’est la distance qui sépare l’île Maurice, où Françoise Maigrot est née, de la rue Marignan, où elle dirige le bureau parisien de Linklaters. Envies d’évasion, courage, père visionnaire, audace… Voici les ingrédients de la réussite de la managing partner.
Françoise Maigrot, ou comment imposer sa chance
"Un tour du monde en bateau." C’est ce qu’aurait fait Françoise Maigrot si elle n’avait pas enfilé la robe. Un rêve sans doute inspiré par son enfance insulaire. L’avocate quitte sa terre natale à 18 ans, encouragée à faire du droit par un père avant-gardiste qui répétait toujours que "[sa] fille aurait toutes les opportunités ce que [ses] fils auraient". Elle s’envole pour le sud de la France, guidée par son appétence pour la littérature française. "Il fallait bien un minimum de soleil." Elle entreprend alors des études à l’université d’Aix-en-Provence. Elle aurait pu tout faire – Françoise Maigrot est curieuse – mais le droit la passionne. Elle commencera son activité professionnelle un peu plus au nord, chez Linklaters à Paris. D’abord en droit des sociétés, dans les années quatre-vingt-dix, puis en droit immobilier, une matière qu’elle trouve plus concrète : "L’immobilier est présent partout dans notre vie : logement, vie professionnelle, loisirs, etc." Françoise Maigrot n’avait jamais pensé à devenir avocate et n’avait pas d’autre plan de carrière que celui de saisir les occasions qui se présenteraient à elle. C’est ainsi qu’elle passe quelques années chez Lefèvre Pelletier & Associés. Avant de retrouver, en qualité d’associée, Linklaters en 1999, son "milieu naturel", et dont le leitmotiv "rien n’est impossible" lui correspond. Là-bas, aussi, le collectif est très important, "on peut toujours compter sur quelqu’un".
Pas les codes parisiens
Cette mère de deux enfants, pour qui il était impossible de ne pas avoir de vie de famille, travaille dur et jongle pour tout concilier. Elle admet que cela "relève parfois du défi". L’avocate a une règle d’or : celle d’être toujours joignable par ses enfants. Il lui est arrivé de prévenir ses clients que leur réunion prendrait fin à telle heure parce qu’elle devait accompagner son fils à une sortie scolaire. Être parent et bâtir une pratique professionnelle de premier plan requiert un grand sens de l'organisation et une certaine habileté. Avec le temps, elle a appris que "le savoir-faire est essentiel mais le faire-savoir est encore plus important" et qu’"il faut se donner le pouvoir de ce qu'on veut, surtout lorsqu'on est une femme". Alors elle ne laisse rien tomber. "Impose ta chance, va vers ton risque, serre ton bonheur. À te regarder, ils s’habitueront", écrivait René Char. Une maxime qui la suit depuis qu’elle a atterri en France pour ses études, loin de l’île Maurice où "on vivait un peu dans une bulle".
"La longévité des relations humaines", les amitiés, c’est aussi ce que recherche l’avocate à travers ses dossiers.
Françoise Maigrot n’a pas peur d’aller au-devant de nouvelles problématiques car "quand tu es chez Linklaters, tu sais tout faire". Partir à Séoul rencontrer des Coréens qui investissent dans l’immobilier parisien, traiter avec des clients américains, australiens, allemands, hongkongais, elle adore. Elle y voit une manière de découvrir des modes de fonctionnement différents, d’aller vers l’autre. Une aubaine pour celle qui dit qu’elle aurait aimé être profiler parce qu’elle prend plaisir à analyser l’humain. "La longévité des relations humaines", les amitiés, c’est aussi ce que recherche l’avocate à travers ses dossiers. Elle reconnaît avoir parfois "fait confiance spontanément" mais se réjouit de ce tempérament positif qui la caractérise. Une qualité bienvenue dans un monde des affaires parfois cynique. Françoise Maigrot cultive sa différence. Elle n’a pas fait siens tous les "codes parisiens" et c’est peut-être ce qui fait son charme. Surtout, cela ne l’a pas empêchée d’être désignée managing partner, une "reconnaissance" dont elle a mesuré la portée grâce aux messages de félicitations de ses clients et de ses pairs.
Bourgogne rouge
De son île, Françoise Maigrot n’a rien oublié. Elle lit toujours son journal mauricien chaque matin. De son père, elle a hérité de sa force de caractère et de ce côté iconoclaste. Lui, visionnaire, "dessinait l’itinéraire des vacances en fonction des restaurants à découvrir". Elle aussi cultive un goût pour la bonne cuisine : l’avocate ne dit jamais non à un dîner à la table de Yannick Alléno mais aime aussi cuisiner des œufs brouillés à la truffe le dimanche soir. Qu’elle accompagnera sûrement d’un bourgogne rouge, son préféré. Elle adorerait d’ailleurs vivre, un jour, au milieu des vignes, "car le vin invite au voyage". En attendant, François Maigrot se consacre à sa carrière et Linklaters qui offre "tant de choses à faire", au-delà du droit aussi. En matière d’art par exemple, avec l’accueil de l’artiste Smith en résidence au cabinet. Vous l’aurez compris, Françoise Maigrot est un cocktail de soleil, d’authenticité et de travail qui vous dira toujours que "toute difficulté ramène à meilleur chemin".
Anne-Laure Blouin