Mondelez écope d’une amende de 337,5 millions d'euros pour entrave au jeu de la concurrence de l’Union européenne. L’affaire a réveillé l’intérêt des décideurs européens pour la question des restrictions territoriales imposées par quelques entreprises au détriment du portefeuille des consommateurs.

337,5 millions d’euros. C’est le montant que devra verser le producteur des Tuc, des Mikado, du Milka, des petits Lu, etc. à la Commission européenne pour n’avoir pas respecté les règles de l’Union en matière de concurrence. Au terme d’une enquête lancée en 2019, Bruxelles a mis en lumière une entrave au commerce transfrontalier intraeuropéen de produits à base de chocolat, de biscuits et de café, organisée par Mondelez.

Maintenir les prix élevés

Après des inspections inopinées dans les locaux de l’entreprise américaine en Autriche, en Belgique et en Allemagne, la Commission a ouvert une procédure formelle à laquelle la multinationale a coopéré. Ce qui lui a valu un rabais de 15 % sur son amende. Mondelez a par ailleurs reconnu sa responsabilité face aux 22 accords et pratiques anticoncurrentiels et à l’abus de position dominante reprochés. Entre 2012 et 2019, le leader mondial des biscuits et produits à base de chocolat a manœuvré pour “éviter que le commerce transfrontalier entraîne des baisses de prix dans les pays où les prix étaient plus élevés”, selon Bruxelles.

Mondelez a convenu avec sept de ses clients, de gros (négociants), des accords pour limiter leur espace de revente à certains pays. L’entreprise a également interdit à dix distributeurs exclusifs d’opérer des ventes transfrontalières sans son autorisation. Elle a, par ailleurs, refusé d’approvisionner un courtier en Allemagne, ne pouvant pas se résigner à ce qu’il écoule ses tablettes dans un pays où leur prix était élevé. Même schéma avec un fournisseur établi aux Pays-Bas, qu’elle ne voulait pas voir inonder les marchés autrichien, belge, bulgare et roumain, où là encore ses produits se vendaient à des prix très élevés.

Résultat des courses : si les détaillants n’ont pas le loisir de s'approvisionner dans les États membres à des prix inférieurs, les prix affichés pour le consommateur final ne peuvent pas diminuer. En période d’inflation critique, c’est une couleuvre difficile à avaler pour le gendarme de Bruxelles. Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, explique la décision de la Commission : “Le commerce par-delà les frontières des États membres dans le marché intérieur peut faire baisser les prix et augmenter la disponibilité des produits pour les consommateurs européens, ce qui est particulièrement important en période de forte inflation.”

“Prévenir la politique de certaines multinationales de commercialisation des produits de consommation identiques ou similaires sous différentes marques dans différents pays membres”

Après la sortie publique du dossier, plusieurs États membres sont montés au créneau. La Belgique, la Croatie, la République tchèque, le Danemark, la Grèce, le Luxembourg, la Slovaquie, et les Pays-Bas en tête ont appelé Bruxelles à réagir aux agissements des multinationales qui font in fine enfler les prix. Le 18 mai dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a reçu un courrier du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis qui pointait les problèmes de fonctionnement des marchés révélés par l'inflation. Et le rôle des multinationales qui avaient imposé des contraintes territoriales d'approvisionnement sur les marchés des États membres de l'UE pour tirer parti de leur position dominante. Face à la crise inflationniste que traverse le Vieux Continent, le chef d’État grec met en balance “le pouvoir asymétrique de certaines grandes entreprises multinationales” et “le pouvoir collectif inexploité de notre Union”. Il propose de lutter contre “la politique de certaines multinationales de commercialiser des produits de consommation identiques ou similaires sous différentes marques dans différents pays membres, ce qui leur permet une tarification différente”. Il préconise par ailleurs d’interdire les pratiques commerciales déloyales dans les relations fournisseurs-détaillants et de supprimer les restrictions linguistiques sur l'étiquetage des biens de consommation essentiels. Il exhorte la Commission à agir rapidement dans le contexte des élections de juin prochain, pour prendre des “mesures encore plus audacieuses”.

Taux d’inflation annuel de 2,4 % dans la zone euro

La Commission s’est penchée sur la question de l’amélioration de l’écosystème du retail dans un document “Transition Pathway for the Retail ecosystem” publié en mars 2024, qui propose notamment de lancer le débat entre les fournisseurs internationaux de produits de marque, les détaillants et les consommateurs. Un écosystème qui pèse dans le marché européen de 450 millions de consommateurs : il représente 11,5 % de la valeur ajoutée de l'Union et emploie directement 30 millions de personnes dans 5,5 millions d'entreprises, dont 99,9 % sont des PME, selon le rapport.

Ce sont les hausses de prix des services (+1,64 point de pourcentage (pp)), suivis de l'alimentation, alcool & tabac (+0,55 pp), des biens industriels hors énergie (+0,23 pp) et de l'énergie (-0,04 pp) qui ont le plus contribué au taux d'inflation annuel de la zone euro de 2,4% en avril 2024 (contre 7 % en avril 2023). Parmi les pays les plus exposés, la Roumanie (6,2%), la Belgique (4,9%) ou encore l’Espagne (3,4). La Lituanie et le Danemark s’en sortent le mieux avec des taux ne dépassant pas 0,5 pp.

Anne-Laure Blouin

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