Dans un rapport remis au gouvernement le 19 novembre, l’Autorité de la concurrence préconise d’organiser la disparition future des tarifs réglementés de vente d’électricité. L’objectif ? Favoriser la concurrence sur ce marché, longtemps monopolisé par EDF.
Disparition des tarifs réglementés de vente d’électricité : l’ADLC fournit ses recommandations
Bientôt la fin des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV) ? C’est en tout cas ce que recommande l’Autorité de la concurrence dans un rapport remis aux ministres de l’Énergie et de l’Économie ce mardi 19 novembre.
Protection du consommateur
Fixés par les pouvoirs publics sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie, les tarifs réglementés visent à protéger le consommateur des variations de prix de l’électricité. EDF et les distributeurs locaux d’énergie – qui couvrent 5 % du territoire – les proposent sous forme de contrat unique aux consommateurs les plus vulnérables face à la hausse des prix, particuliers et petites entreprises.
Le dispositif rencontre un franc succès, “59 % des consommateurs particuliers et 35 % des petits consommateurs non-résidentiels [ayant recours] aux TRV” selon l’ADLC dans son rapport. Si les intentions sont louables, le régulateur estime toutefois que les TRV ne répondent plus pleinement à leurs objectifs. “Les TRV tendent à remplir, sans toujours y parvenir, un certain nombre de rôles sur les marchés de détail de l’électricité, sans poursuivre d’objectif d’intérêt économique général précis qui justifierait leur existence, explique le gendarme de la concurrence. Il affirme aussi que si le lissage des TRV contribue à la stabilité des prix, ce plafonnement des tarifs d’électricité ne serait pas si profitable que cela pour les consommateurs, hors période de crise. Pire, en période de crise, les TRV ne suffiraient pas à eux seuls à mettre à l’abri des hausses de prix les Français les moins aisés. À charge de l’État d’activer de nombreux autres dispositifs supplémentaires, comme les boucliers tarifaires d’électricité, pour soutenir les petits porte-monnaie. Les TRV ont également mauvaise presse à l’heure de la prise de conscience écologique : “Ils brouillent le signal prix qui devrait inciter les consommateurs à une plus grande sobriété énergétique.”
Rôle transitoire, entrave à la concurrence et politique énergétique
Autre angle d’attaque de l’Autorité de la concurrence : le caractère transitoire que confère le droit européen aux TRV. En 2021, la Commission européenne s’est prononcée en faveur de leur suppression. Si la vente au détail d’électricité a été ouverte progressivement à la concurrence depuis les années quatre-vingt-dix, la tarification réglementée dont seul EDF a le monopole empêche les autres acteurs de l’électricité de percer le marché. Une part importante des consommateurs se réfère aux TRV comme une valeur refuge, ce qui pousse les nouveaux fournisseurs à fixer leurs prix en fonction du tarif réglementé. Dans le cas où le gouvernement déciderait de ne pas supprimer les TRV, l’Autorité de la concurrence suggère de casser le monopole d’EDF en la matière. But de la manœuvre : effacer dans l’esprit du consommateur l’image dominante de l’entreprise dans le secteur de l’électricité pour laisser le champ libre à ses concurrents pour s’implanter effectivement.
L’ADLC pointe aussi du doigt un détournement des TRV qui permet aux pouvoirs publics de répondre aux crises énergétiques par une action sur les prix. Et ce, au détriment des objectifs économiques du contrat unique (favoriser le libre jeu de la concurrence, l’innovation et la mise en place de prix plus attractifs) qui passent à la trappe. Pour l’ADLC, il est essentiel de ne plus faire des TRV “le principal levier des politiques publiques en matière d’électricité”.
Fournisseur de dernier recours, protection des territoires, offre à indemnité de résiliation
Pour remplacer les TRV, l’ADLC suggère des outils ciblés. À commencer par la désignation d’un ou plusieurs “fournisseurs de dernier recours” pour permettre aux consommateurs les plus précaires de continuer à bénéficier d’un tarif avantageux. Pour la renforcer la cohésion sociale, elle invite aussi le gouvernement à accélérer le processus d’abaissement des barrières à l’entrée des fournisseurs dans les zones où la distribution et la fourniture de l’électricité et du gaz sont assurées par des entreprises locales, ainsi que dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique métropolitain continental – les régions et département d’outre-mer, pour la plupart.
L’enjeu pour le secteur de l’électricité français consiste aussi à motiver les fournisseurs à proposer des tarifs basés sur la variation des prix à long terme de façon à protéger le consommateur des fluctuations tarifaires à court terme. Pour cela, les auteurs du rapport suggèrent la mise en place d’offres à indemnité de résiliation. Comprendre : les fournisseurs s’engagent à fixer un tarif basé sur une anticipation à long terme de la variation des prix de l’électricité, contre quoi le consommateur qui voudrait résilier son contrat lui devra une contrepartie financière. Une solution dénoncée par UFC-Que choisir qui anticipe la survenue de litiges en masse. “Les fournisseurs commercialiseraient des offres à ‘prix réellement fixes’ (qu’il conviendrait donc de distinguer des ‘offres à prix fixes, mais pas vraiment’), et passeraient largement sous silence, particulièrement dans le cadre de démarchages, l’existence de pénalités en cas de rupture du contrat par les consommateurs.” Affaire à suivre.
Ilona Petit
Crédit image : Anne-Laure Blouin