La consolidation a été le maître mot de l’année 2023, redessinant ainsi les contours du secteur et faisant émerger des alliances stratégiques, et pour certaines, inévitables. Meyer Azogui, président du groupe Cyrus revient sur la fusion avec Maison Herez.
Meyer Azogui (Groupe Cyrus) : "Notre objectif est de challenger les banques privées"
Décideurs. Quels ont été les faits marquants de 2023 ?
Meyer Azogui. L’année 2023 a été la poursuite de la stratégie de croissance externe du groupe, avec notamment l’acquisition des cabinets Option Patrimoine à Toulouse, DLCM Finances basé à Limoges, Arcachon et Paris, et bien sûr l’opération emblématique que représente la fusion avec Maison Herez.
Pouvez-vous revenir sur cette opération ?
Depuis plusieurs années, notre objectif est de créer une marque réflexe dans le domaine de la gestion de fortune pour des clients directs et indirects. En fusionnant, notre objectif commun est de créer un acteur indépendant de référence en France. Cette ambition nécessite de représenter des volumes importants, pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, disposer d’une taille conséquente permet de mieux servir nos clients et sécuriser nos offres en qualité et quantité suffisante, tout en rendant accessible au plus grand nombre certaines solutions d’investissement, notamment en immobilier, en private equity ou pour construire des produits structurés sur mesure. Dans un deuxième temps, cela crée une attraction et de la visibilité aussi bien pour nos futurs clients mais également pour recruter de nouveaux talents. Enfin, les volumes permettent d’accélérer le développement de notre activité en B2B. En effet, nous souhaitons faire croître notre distribution externe auprès de nos confrères CGP, banques ou encore clients institutionnels.
Comment ce partenariat s’alignet- il avec vos visions et objectifs respectifs ?
Nous possédons le même ADN, la même approche patrimoniale, nous sommes sur le même marché avec les mêmes process, un sens du partage de la création de valeur avec le maximum de collaborateurs. C’était donc une évidence industrielle. De plus, il existe des synergies intéressantes à développer entre les deux entités : par exemple, Maison Herez est moins investie sur les vecteurs immobiliers et les produits structurés mais détient une offre plus large que le groupe Cyrus en private equity. Enfin, cette union stratégique est avant tout une aventure humaine, Patrick Ganansia et moi-même nous connaissons depuis plus de vingt ans. Un lien de confiance indéniable et une forte complémentarité se sont développés.
Vous parlez d’une "expérience à la hauteur de celles des plus grandes banques privées", votre objectif est-il de les concurrencer ?
Notre objectif est très clairement de concurrencer et challenger les banques privées par la prise de parts de marché, certes encore faibles mais en progression. En Angleterre, certains acteurs gèrent plus de 60 à 70 milliards de livres sterling d’actifs ; nous devons être capables de développer ce modèle en France également. De plus, de nombreux pure players de la gestion privée augmentent le seuil d’accès de leurs clients, ce qui nous ouvre la porte à toute une catégorie de clientèle qui est délaissée et à qui nous pouvons proposer nos offres à des niveaux d’entrée plus bas.
Où se place la proximité client au sein d’un si grand groupe ?
Elle reste essentielle et c’est là toute notre différence. Nous avons l’habitude de dire que les CGP sont synonymes d’approche globale, d’ingénierie patrimoniale et de proximité client. Plus le groupe se développe, plus le nombre de conseillers disponibles augmente. Il faut relativiser notre taille par les 22 implantations que nous avons en France, dont chacune compte entre six et dix collaborateurs. Notre objectif est de garder cette agilité, à travers un système de partage de la création de valeur où 73 % du capital du nouvel ensemble du groupe Cyrus – Maison Herez est détenu par les salariés, et un collaborateur sur deux est actionnaire car la relation client passe avant tout par la fidélisation de nos talents.
Comment analysez-vous la consolidation du marché de la gestion de patrimoine ?
Nous avons assisté à une consolidation par le regroupement de petits cabinets, et aujourd’hui nous sommes certainement les premiers à aborder cette tendance par le rapprochement de groupes plus importants. Il y a une accélération de la concentration du secteur de façon générale, avec des acteurs de plus en plus imposants et qui tendent à une segmentation du marché. Dans ce cadre, les CGP connaissent une année record en matière de croissance externe sur 2023.
Pensez-vous qu’il y a une "course à la consolidation" ?
Oui, j’ai ce sentiment d’accélération, poussé par la multiplicité des fonds d’investissement présents dans notre secteur, et la « prime » qu’ils accordent aux leaders. Certains de ces fonds d’investissement vont devoir sortir de leurs investissements au bout de troisquatre ans, ce qui les amène à accélérer cette tendance, qui selon moi est nécessaire. Tout cela est porté par un marché en croissance où le besoin des clients est très fort.
Quelles sont les prochaines étapes de ce rapprochement ?
L’étape essentielle à l’heure actuelle est l’obtention de l’agrément de l’AMF que nous attendons pour pouvoir passer au closing. Ensuite, la fusion de nos deux sociétés de gestion (Fourpoints IM et Amplegest) devrait avoir lieu à la fin du premier trimestre sous la marque Amplegest, et enfin, le mariage de nos activités wealth management est attendu pour 2025, le nouveau nom sera annoncé à ce moment-là.
Des projets pour 2024 ?
Il ne faut pas perdre de vue que l’important est de continuer à bien faire ce que nous faisons déjà et être au plus près des besoins de nos clients. En plus de la mise en route des nouvelles synergies créées par la fusion avec Maison Herez, nous allons réaliser quelques opérations de croissance externe, mais plus limitées dans un premier temps. Le but est de continuer à monter en compétences sur nos expertises (Amplegest, Eternam, Octo AM…), ce qui nous permettra de nous positionner davantage sur le segment du B2B à destination de nos confrères.
Propos recueillis par Marine Fleury