Concrétisation d’une aventure professionnelle, la cession de l’entreprise constitue un tournant dans la vie de son dirigeant. Elle doit, pour être réussie, s’anticiper et amener le chef d’entreprise à se préparer et à se projeter dans une nouvelle étape de sa vie : celle de la gestion de son patrimoine privé. Thierry Creux, associé fondateur et Sandrine Colas-Jacomme, directrice associe, décryptent cet enjeu. 

 

Les questions sont multiples : quelle fiscalité ? Quels projets personnels et/ou professionnels après la cession de l’outil de travail ? Compléter ses revenus ? Transmettre au sein de son cercle familial ? Développer un projet philanthropique ? Autant de questions complexes sur lesquelles le temps de la réflexion et de structuration est indispensable pour aborder sereinement cette opération.

Préparer la cession de son entreprise, c’est être prêt à passer le flambeau À l’instar d’un sportif qui se prépare pour une compétition, le dirigeant doit, pour réussir sa cession, identifier ses motivations à céder, se projeter dans son changement de vie et de statut social. Céder ne s’improvise pas pour préparer "l’après" sur le plan personnel.

Préparer la vente de son entreprise, c’est en premier lieu mesurer la fiscalité applicable à l’opération Il s’agit dans un premier temps d’identifier la fiscalité applicable à la plus-value de cession réalisée et d’opter pour le régime fiscal le plus favorable : flat tax ou réintégration au barème de l’impôt sur le revenu avec bénéfice d’un abattement pour durée de détention ? Dispositif du dirigeant partant à la retraite ? Les objectifs patrimoniaux d’une cession, parmi les plus courants la donation (enrichissement des enfants, préparation de la transmission), le projet philanthropique ou entrepreneurial, permettent, s’ils sont mis en oeuvre en amont de l’opération, d’alléger sa charge fiscale et donc de préserver au mieux la valeur créée par son parcours professionnel.

Préparer la vente de son entreprise, c’est identifier ses projets et les moyens consacrés à leur réalisation. 

REPRENDRE UN PROJET PROFESSIONNEL

Il n’est pas rare que le dirigeant cédant ne souhaite pas définitivement tourner le dos à l’aventure entrepreneuriale et souhaite investir dans de nouveaux projets professionnels, en tant que dirigeant ou investisseur. Plutôt que de vendre ses titres, payer l’impôt et disposer d’un capital à investir plus faible, apporter une partie de ses titres préalablement à la cession à une holding à l’IS, qui elle-même les vendra, lui permettra de bénéficier d’une fiscalité plus intéressante : mettre en report d’imposition la plus-value constatée sur les titres apportés avec la contrainte de remployer 60 % du prix de cession, sous un délai de vingt-quatre mois, dans une activité économique directe ou indirecte. Le solde de l’apport, soit 40 % étant libre de toute contrainte d’investissement. Cette solution permet ainsi de reporter la taxation sur la plus-value des titres apportés et de disposer d’un capital "investissement" égal à la valeur de cession des titres avant fiscalité. Cette solution permet également d’organiser une partie de la gestion de son patrimoine à l’IS et d’échanger, entre autres, une fiscalité sur les revenus et plus-values d’un patrimoine financier géré en direct à 30 % contre une fiscalité à 25 %. Attention toutefois à respecter les dispositions de l’article 150 OB ter du CGI et bien mesurer le périmètre d’apport pour conserver des actifs suffisants pour optimiser la gestion de son patrimoine personnel (assurance-vie, immobilier de jouissance, poche pour revenus complémentaires).

ENRICHIR ET TRANSMETTRE

La cession est une opportunité pour amorcer une réflexion sur la transmission au profit de ses enfants : partager avec eux l’enrichissement en donnant en pleine propriété ou anticiper fiscalement sa transmission en se réservant un droit d’usufruit ? L’anticipation se doit d’être double : quelle stratégie de transmission au regard de ses propres besoins financiers pour financer ses projets et à quel moment la mettre en oeuvre ? Si elle est réalisée avant la cession, l’interposition d’une stratégie de donation de titres permet d’organiser un partage de patrimoine en optimisant la fiscalité : gommer tout ou partie (selon que la donation porte sur la pleine propriété ou la nue-propriété des titres) de la plus-value sur les titres transmis et son impôt relatif pour lui substituer des droits de donation au barème progressif (20 % en ligne directe jusqu’à 552 000 euros par enfant, après déduction d’un abattement parent/enfant de 100 000 euros, renouvelable tous les quinze ans). On préférera la donation en pleine propriété pour enrichir définitivement son cercle familial et on utilisera la donation en démembrement de propriété pour profiter de l’usufruit réservé pour conserver les revenus des sommes transmises ou associer ses enfants autour d’un projet familial, souvent immobilier. On notera dans ce dernier cas que la gestion des actifs démembrés pourra se faire en direct, mais également au travers de sociétés civiles familiales.

COMPLÉTER SES REVENUS

L’un des enjeux de la gestion de patrimoine post-cession est d’assurer au dirigeant un niveau de revenus complémentaires pérennes. Pour évoluer dans un environnement post-cession "serein" le dirigeant doit identifier en amont de la cession quels seront ses besoins de revenus futurs et quel niveau de capital il devra détenir pour les financer sans aléa, dans un contexte économique redevenu inflationniste. Il s’agit ici de structurer dans la stratégie de cession un capital net de fiscalité qui servira cet objectif et sera financé par une cession directe de titres opérée par le dirigeant. La modélisation des revenus projettera le dirigeant dans son objectif de revenus et lui permettra d’appréhender son nouvel environnement entre horizon et cadres d’investissement, classes d’actifs (financier, immobilier), liquidité (liquides ou non), profil de risque.

DÉVELOPPER UN PROJET PHILANTHROPIQUE

Donner du sens est une question centrale pour nombre de dirigeants. Il est aujourd’hui possible de combiner générosité et fiscalité. Si donner des titres avant la cession permet au dirigeant de gommer l’impôt de plus-value sur les titres transmis et de bénéficier d’une réduction d’IR au titre du don réalisé (66 % du don réalisé dans la limite de 20 % de son revenu imposable), c’est surtout le moyen de réunir la famille autour d’un projet philanthropique et d’inscrire le patrimoine dans une approche pérenne extra financière. La cession n’est pas seulement une fin mais aussi le départ d’une réflexion patrimoniale globale qui impose préparation et anticipation. 

 


Sur les auteurs

Balthazar Gestion Privée accompagne depuis quinze ans des dirigeants dans toutes les phases de la vie de leur entreprise et a développé une expertise spécifique dans l’accompagnement des dirigeants lors de la cession/transmission de leur outil de travail.

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