Place de choix dans le monde de la finance, la Suisse brille par sa stabilité et sa sécurité. Retour sur l’expérience genevoise d’Anaëlle Morbidelli, fondatrice de Lodge Family.
Décideurs. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Anaëlle Morbidelli. Après avoir obtenu le Diplôme Supérieur de Notariat en 2013, j’ai intégré une étude parisienne. À l’époque, j’étais très jeune et avais envie de découvrir de nouveaux horizons. Je suis donc partie vivre à Genève où j’ai travaillé durant sept ans, au sein d’une étude de notaire puis en tant que cheffe du service des opérations foncières pour l’État de Genève. J’ai également obtenu un LLM (Master of Law) de fiscalité internationale à l’Université de Genève. Puis, de retour en France en 2021, j’ai repris mes fonctions de notaire.
Vous avez ensuite créé votre structure…
J’ai quitté le notariat en 2023 pour fonder mon propre family office et aligner mes valeurs sur mon expertise. Grâce à Lodge Family, je suis revenue à ce qui me passionne : accompagner les familles sur le long terme. Le passage du métier de notaire à celui de family officer s’est fait naturellement, grâce à mon expérience en tant que professionnelle de la famille, de l’immobilier et de l’optimisation du patrimoine.
 
Quelles différences avez-vous notées entre les pratiques suisses et françaises ?
Le Code civil suisse est fortement imprégné du Code Napoléon. Il y a des similitudes, notamment concernant le Code des obligations, cependant, certaines notions portant le même nom ne sont absolument pas identiques. Par ailleurs, les pactes sur succession future sont prohibés en France, alors qu’ils sont autorisés, et très utiles, en Suisse. Cela ouvre la porte à des montages très intéressants du point de vue de la transmission. Concernant l’immobilier, les étrangers ne peuvent pas acquérir librement en Suisse. Il faut respecter la Lex Koller, avec une multitude de cas de figure différents. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en traiter un certain nombre à l’étude. Sur un plan culturel, j’ai eu la chance d’être très bien accueillie dans mon travail et par des amis bien implantés à Genève. Mais il n’est pas si facile pour un Français de s’y intégrer.
 
Il y a également une différence sur le système de cotisation de retraite ?
En Suisse, le régime de retraite fonctionne avec un système de piliers. Le premier correspond au régime de base. Le deuxième est prélevé par l’employeur sur le salaire, et l’employeur en verse également une partie. Selon les entreprises, le régime est plus ou moins intéressant car la part employeur est variable. Cela fait partie des avantages qu’il faut bien connaître car c’est une partie de la rémunération non négligeable. Enfin, le troisième pilier est libre : il est possible d’y souscrire auprès d’une banque ou d’une assurance pour compléter sa retraite.

 

"C’est un atout indéniable de connaître à la fois le droit civil et le droit fiscal de chaque côté de la frontière"

Il est possible d’utiliser les deuxième et troisième piliers pour acquérir une résidence principale en Suisse comme à l’étranger. Une mention de restriction du droit d’aliéner est alors inscrite au registre foncier, afin de protéger cette retraite. Lors de la revente du bien, le notaire doit rembourser la caisse de pension en Suisse. En France, il n’y a pas d’équivalent pour cette mention aux hypothèques, il est donc possible d’utiliser une retraite suisse pour investir en France, sans obligation de remboursement de la caisse de retraite en cas de revente.

 
Existe-t-il des points d’attention lorsque vous travaillez sur un dossier ayant une composante internationale ?
Savoir lire et appliquer les conventions fiscales est indispensable mais insuffisant. C’est un atout indéniable de connaître à la fois le droit civil et le droit fiscal de chaque côté de la frontière. À titre d’exemple, il est intéressant pour les Genevois d’acheter une résidence principale ou secondaire en France car les travaux de rénovation sont déductibles des revenus pour le calcul du taux d’imposition. En France, cela déclenche d’autres avantages fiscaux également très attractifs, notamment en cas de mise en location du bien. J’ai été amenée à conseiller à des clients de changer de régime matrimonial en France, tout en conseillant un pacte successoral à Genève pour contrôler certains effets de ce changement de régime.
 
En tant que family officer en France, quelles sont vos limites sur les problématiques d’extranéité de vos clients ?
Si nous gardons l’exemple de Genève, je ne pourrai pas y exercer en tant que CIF car c’est interdit par l’Autorité des Marchés Financiers. Cette partie de mon activité est strictement limitée à la France. Je peux en revanche intervenir comme courtière immobilière librement, pourvu que je paye les impôts au bon endroit.
 
Quel conseil donneriez-vous à un professionnel qui souhaite exercer à l’international ?
Le réseau, local ou international, se crée au fil du temps et des expériences, très naturellement. Exercer à l’international demande une certaine expertise. 
 
Propos recueillis par Marine Fleury

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