L’approche qualité et croissance confirme sa pertinence dans un environnement inflationniste. Éclaircissements avec Sébastien de Frouville, responsable relations investisseurs chez Comgest.
Décideurs. Comment la hausse des taux a-t-elle affecté votre style de gestion ?
Sébastien de Frouville. Il convient de distinguer l’aspect valorisation de l’aspect opérationnel à travers notamment l’évolution des bénéfices. C’est d’ailleurs le paradoxe de l’année 2022 : la valorisation de nos portefeuilles a baissé car les taux d’intérêt ont fortement progressé. Mais si l’on regarde du côté du moteur de performance à long terme des actions, la croissance des bénéfices, ces derniers ont progressé plus fortement en raison de l’inflation. Cela démontre bien le fort pouvoir de fixation des prix de nos sociétés en portefeuille qui pour bon nombre d’entre elles passaient des hausses de prix durant des années au cours desquelles il n’y avait pas d’inflation.
Parmi les fonds de Comgest, y en a-t-il un qui se distingue particulièrement dans ce contexte ?
Nos deux flagships en France que sont Comgest Monde et Renaissance Europe font plutôt une bonne année 2023 dans un contexte difficile et ne sont pas loin de leur plus haut. Comme évoqué précédemment, l’année 2022 a été celle de la prise en compte dans la valorisation des sociétés d’un niveau de taux d’intérêt qui pénalise tous les actifs risqués dont les actions.
"La performance 2022 ne reflétait aucunement des sociétés en difficulté"
La performance 2022 ne reflétait donc aucunement des sociétés en difficulté. La croissance de bénéfices durant ces deux années est proche de 15 % dans les deux fonds mentionnés. Elle devrait encore progresser positivement en 2024, indépendamment de l’évolution des taux d’intérêt.
La géopolitique actuelle affecte-t-elle votre gestion ?
Notre style qualité nous évite de nous poser trop de questions. Prenez Microsoft par exemple. D’ici cinq ans, nous estimons qu’il y a une probabilité forte que la société ait plus de bénéfices par action, grâce à la croissance du nombre d’utilisateurs, le cloud, l’intelligence artificielle…
Quelle est votre politique de diversification et concentration de portefeuille ?
Notre philosophie générale est de laisser les gagnants gagner. Nous sommes néanmoins contraints par les règles UCITS de diversification. Un titre ne peut pas dépasser 10 % du portefeuille, et l’ensemble des positions au-delà de 5 % ne doit pas constituer plus de 40 % de la valeur totale du fonds.
Quelle est l'importance de l'investissement responsable dans votre stratégie globale ?
Nous sommes connus pour garder les sociétés en portefeuille longtemps, voire très longtemps puisque nous implémentons une stratégie essentiellement d’achat-conservation. Un critère non financier le devient financier à long terme. De ce point de vue, omettre les aspects extra-financiers et de durabilité ne nous permettrait pas d’évaluer correctement le niveau de qualité de l’entreprise.
"Omettre les aspects extra-financiers et de durabilité ne nous permettrait pas d’évaluer correctement le niveau de qualité de l’entreprise"
Notre philosophie d’investissement n’a pas changé depuis près de 40 ans. Nous faisions de l’ESG sans le savoir puisque l’approche qualité inclut de facto ces dimensions. L’empreinte carbone de nos fonds est en moyenne 80 % inférieure à leur indice de référence. Nous sommes par ailleurs convaincus que l’urgence est là et que pourrait se poser un jour la question du droit d’opérer pour certaines sociétés.
Quels sont vos principaux objectifs pour les prochaines années ?
Nous aimerions ressembler aux sociétés dans lesquelles nous investissons. Le seul moyen que nous avons de solidifier notre modèle économique est d’avoir plusieurs de nos fonds reconnus : Japon, États-Unis, Europe et global. Nous avons actuellement sept fonds ouverts dont l’actif est supérieur à 500 millions d’euros. L’objectif est de consolider ces positions et d’atteindre ce niveau pour d’autres portefeuilles. Notre fonds sur les actions américaines dont l’actif est aujourd’hui supérieur 800 millions d’euros, était tout petit il y a sept ans.
Propos recueillis par Marc Munier