Attaché à la richesse du dialogue social, Metro France a instauré un dispositif social rarissime où les représentants syndicaux ont accès au même niveau d’information que celui du comité exécutif. Nicolas Heron, directeur des affaires sociales, de la communication interne et du care, revient sur l’Observatoire des transformations sociales mis en place dès 2019.

 

Décideurs RH. Vous avez remporté le prix de l’Innovation RH 2023 pour votre Observatoire des transformations sociales. En quoi consiste-il ?

Nicolas Héron. Notre projet initial était de coconstruire avec les partenaires sociaux un espace d’échanges innovant que l’on incorporerait dans notre accord global visant à accompagner la transformation stratégique de Metro. Ainsi, nous avons créé l’Observatoire des emplois et des compétences, dont l’objectif est de préparer les salariés à la transformation de leurs métiers et à l’évolution des conditions de travail associées.

"Nous souhaitions avoir un dialogue social ouvert, responsable et favorable à l’intérêt général"

Ce projet, qui a duré deux ans, a connu un important succès. Quelle était l’ambition principale de ce dernier ?

Ce projet avait pour ambition d’accompagner la transformation de l’entreprise de manière opérationnelle. Il fallait apporter une réponse différente de ce que nous faisions avec nos partenaires sociaux et notre corps social. Très rapidement, m’est venu l’idée de coconstruire avec nos délégués syndicaux une proposition ad hoc, que l’on a appelé l’Observatoire des transformations sociales, avec une particularité : l’ensemble des membres bénéficient du même niveau d’information. C’est important car nous souhaitions engager un dialogue social ouvert, responsable et favorable à l’intérêt général.

Durant deux ans, les membres de cet observatoire se sont réunis un à deux jours par mois, au plus près des salariés, en se rendant dans les points de vente et les plateformes logistiques. À l’issue de cette période, des négociations avec les organisations syndicales ont été engagées pendant trois mois. Un accord global "de gestion des emplois, des parcours professionnels et de la mixité des métiers" qui contenait quatre autres accords, a été signé début 2022, avec trois organisations syndicales sur cinq représentées au sein du groupe.  Cette période n’a pas été un long fleuve tranquille, mais il y avait une véritable envie d’aller à la recherche du compromis social tout en préservant l’intérêt économique du groupe.

"Nous ne sommes pas du même bord mais nous allons dans le même port"

L’employabilité des collaborateurs semble au centre de vos attentions. Est-ce pour vous une façon de conjuguer impératif économique et une approche care vis-à-vis des collaborateurs ?

Si cette transformation engendrait de nouveaux emplois, elle provoquait également la disparition de certains métiers. Il nous fallait donc prévoir un accompagnement social. Si nous souhaitons favoriser la mobilité interne, nous accompagnons également de la meilleure des façons la mobilité externe. Pour les salariés ayant fait le choix de quitter le groupe, ils ont été suivis dans leurs projets professionnels, dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective ou du dispositif de transition collective. La mobilité externe sécurisée est cruciale pour nous. En interne, le développement des compétences et du parcours professionnel continu représente la clé de réussite de ce projet.  Prendre soin de nos collaborateurs en améliorant leurs compétences est fondamental. Cela s’inscrit dans la symétrie des attentions.

"Le temps social est long mais le temps du business est court"

Comment avez-vous conquis les représentants syndicaux lors de la mise en place de l’Observatoire ?

Je pense que c’est avant tout grâce à la confiance réciproque que nous sommes parvenus à la construction de cette instance. Cette confiance s’acquière au fur et à mesure. Comme je le dis à nos partenaires sociaux : nous ne sommes pas du même bord mais nous allons dans le même port. Nous avions des objectifs différents mais cette volonté partagée de coconstruire ensemble un projet nous animait de façon unanime. De plus, le sentiment de partage a renforcé la crédibilité de ce vers quoi nous allions puisque l’ensemble des parties prenantes ont pu trouver leur compte. Par son audace, le comité de direction a cassé les codes des relations sociales, créé de nouvelles façons de travailler et concrétisé de façon novatrice ce que nous avons effectué ces dernières années, avec un ingrédient principal : le temps. Le temps social est long mais le temps du business est court. De prime abord, nous aurions pu imaginer que cette réflexion commune nous retarderait mais elle s’est avérée bénéfique. Bien sûr, cet accord n’est pas acquis de manière définitive. Il faut rester humble et continuer de tisser du lien social, du compromis social avec les partenaires sociaux afin de partager cette ambition commune dans cette société où il y a tant à construire. 

Propos recueillis par Alexis Ellin

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