Tony Bernard dirige Impact Tank, un think-tank européen dédié à "l’économie à impact positif" créé par le groupe SOS et quatre universités (Sciences-Po, Sorbonne Université, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris Dauphine). Il évoque ses missions et le Sommet qu’il organise le 13 février prochain à l’Assemblée nationale.

 

Décideurs RH. Quelle est l’ambition d’Impact Tank ?

Tony Bernard. Le terme "impact" est un peu galvaudé. Il est largement utilisé au sein des entreprises, associations et collectivités locales, alors même qu’il n’y a pas de consensus entre ces acteurs ni sur ce qu’il signifie, ni sur la façon dont on doit le mesurer. Il existe pourtant plusieurs outils de collecte de données, et différentes méthodes d’évaluation, qualitatives, quantitatives et monétaires. Cette absence de consensus peut désorienter et même discréditer les actions publiques et privées. Impact Tank entend réunir entreprises, administrations, associations, chercheurs et acteurs de l’économie sociale et solidaire autour de la construction de référentiels d’indicateurs partagés. Aujourd’hui, ils fonctionnent en silo alors qu’ils ont des sujets communs. L’objectif est de leur permettre de parler le même langage pour mieux collaborer. Nous organisons notamment le 13 février prochain le premier Sommet de la mesure d’impact, qui réunira plus de 120 dirigeants d’entreprise et d’associations, ministres, députés pour bâtir le "New deal de l’impact".

Sur quels thèmes œuvrent les groupes de travail du mouvement ?

Ils se saisissent d’enjeux sociaux qui ont besoin de solutions nouvelles, et les abordent par le prisme de la mesure d’impact. Entre la précarité menstruelle, l’inclusion numérique, l’égalité des chances, la revitalisation des territoires… il existe des besoins dans tous les domaines. Nous réunissons une coalition d’acteurs publics et privés, autour d’une méthodologie d’évaluation, afin de construire des indicateurs de compréhension des inégalités et de mesure de l’impact des initiatives. Travailler sur la preuve, c’est aussi le moyen de rebâtir la confiance des citoyens. On peut prendre l’exemple des programmes de transition écologique, et en particulier des zones à faible émission. Quand on interdit l’accès de véhicules polluants à des centres-villes, les personnes qui n’ont pas les moyens financiers d’acquérir un véhicule "propre" se retrouvent exclues. Les conditions sociales jouent fortement sur les possibilités de changer son quotidien. Cela démontre que c’est à la conception de l’action que la notion de mesure d’impact doit être envisagée, afin de comprendre les défis sociaux et mieux les éviter ou les compenser.

Où en sont les entreprises dans la mesure de l'impact de leurs engagements sociétaux, de leurs politique RSE ?

Les entreprises se transforment et leur place dans la société change, c’est une évidence. L’évolution législative en France depuis la loi Pacte, et récemment en Europe avec l’extension du devoir de vigilance et les obligations de publication des performances non financières, donne de l’ampleur à ce mouvement. Elles revisitent leurs modèles économiques pour penser autrement leurs marchés et leurs modes de production et sont nombreuses à s’engager avec force. Mais elles manquent d’indicateurs pour évaluer l’impact de leurs actions. Le reporting et les bonnes pratiques ne se confondent pas avec l’impact. Quand on mène un vaste programme d’inclusion des femmes, il est essentiel de savoir ce que sont devenues celles qui l’ont suivi. Lorsqu’on forme des managers à la non-discrimination, il faut étudier avec précision la modification de leurs comportements sur le terrain à l’issue du programme. L’impact se mesure concrètement dans les changements. À cela s’ajoute la nécessité de s’adapter à la taille des entreprises. Les TPE et PME sont très engagées. Neuf sociétés à mission sur dix et 96% des entreprises mécènes sont des PME. Mais, souvent, elles n’ont pas les moyens humains et financiers des grands groupes pour instaurer des démarches complètes de mesure d’impact. Or, elles représentent plus de 95% du total des entreprises en France, leur engagement est donc crucial.

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot

Crédit photo : Adrien Thibault

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