Ces entreprises qui tentent la semaine de quatre jours
Quête de sens et équilibre vie professionnelle-vie personnelle sont devenus les préoccupations numéro un des salariés, et de ce fait, un enjeu RH majeur. Engager ses salariés constitue un véritable défi et la flexibilité du temps de travail en est un levier. En effet, selon l’étude People At Work réalisée en 2022 par Workforce View, 27% des collaborateurs envisageraient même une baisse de salaire à condition de bénéficier de plus de flexibilité. Un atout de séduction pour attirer les talents dans un contexte où les entreprises rencontrent des difficultés en matière de recrutement. En effet, selon l’ONG 4 Day Week Global, 63% des sociétés considèrent qu’avec la semaine de quatre jours, il devient plus facile d’attirer les candidats. Pour Claude Leblois, directeur général des Mutuelles du Soleil qui l’a adopté en janvier 2023, il est question de fidéliser les talents et de recruter plus. Selon lui, avoir des salariés plus reposés et décontractés est la garantie d’une productivité accrue. "En 2018, nous avons mis en place le télétravail, et nous savions déjà que la semaine de quatre jours serait l’étape d’après." L’entreprise avait dès lors enregistré 20% de productivité en plus et espère aujourd’hui que cette décision s’inscrive dans cette continuité. Tout comme le télétravail, la semaine de quatre jours y est mise en place sur la base du volontariat. À ce jour, seuls 18 salariés sur 250 ont conservé ce rythme pour des raisons d’organisation personnelles.
Les options possibles
En réalité, la semaine de quatre jours existe depuis la loi de Robien en 1996. Cette dernière permet un temps de travail effectif hebdomadaire de 32 heures pour favoriser le recrutement et ainsi créer des emplois. De même que pour le télétravail, tous les secteurs d’activité ne parviennent pas toujours à réunir les conditions nécessaires à sa mise en œuvre Il s’agit d’assurer une continuité de l’activité nécessitant une organisation millimétrée. Des questions, comme le choix du jour imposé ou le périmètre de compétences des salariés, se posent dans le cas d’un besoin de relais en cas d’absence. Certaines entreprises choisissent de répartir le temps de travail actuel sur quatre jours, occasionnant ainsi des journées de travail plus longues quand d’autres maintiennent le salaire en réduisant le temps de travail à 35 ou 32 heures. Plusieurs combinaisons sont possibles, comme chez Love Radius qui opte pour une formule hybride avec une semaine de quatre jours, uniquement entre les mois de mai et d’août, ou MV group qui jongle avec les 21 jours de RTT proposés chaque année aux salariés qui le souhaitent. Claude Delbois a choisi d’ajouter 1h16 de travail quotidien, les jours de télétravail qui sont au nombre de deux par semaine : "Les salariés commencent à travailler à l’heure où ils partent habituellement quand ils viennent sur site, ainsi cela n’impacte pas leur rythme."
Concrètement ?
Si nombre d’entreprises en sont encore au stade expérimental, les résultats laissent peu de place au doute pour celles qui ont transformé l’essai. Plusieurs d’entre elles ont mis en place des binômes permettant d’assurer une continuité de l’activité et les jours de repos choisis sont généralement les mercredis et vendredis pour une organisation optimale. Elles ont majoritairement gagné en productivité et les taux d’absentéisme et de turnover ont chuté. C’est le cas de LDLC qui affiche 6% de croissance et 20% de gains de résultat, des chiffres qui ont permis à l’entreprise de revaloriser les salaires. Laurent de La Clergerie, président de LDCL déclarait fièrement sur Linkedin en avril 2021 que "cette mesure avait un côté égalité hommes-femmes non anticipé, car celles qui étaient à 80% pour garder leurs enfants le mercredi ont pu retrouver un contrat de travail à 100% ".
Pour Yprema, pionnière en la matière, les salariés ont pu élargir leur champ de compétences. Susana Mendes, secrétaire générale de l’entreprise expliquait pour le site de recrutement Cadreemploi : "Pour optimiser les absences, nous avons mis en place des postes "polycompétents".
Chez Mutuelles du Soleil, qui peinait à recruter des commerciaux, avant même que la décision soit effective, l’entreprise a comptabilisé huit recrutements en peu de temps et reçoit désormais de nombreuses candidatures spontanées, détaille Claude Leblois.
Une mesure qui revêt également une dimension environnementale, puisque les salariés se déplacent moins.
Pour l’heure, seules 5% des entreprises françaises ont accepté d’expérimenter la semaine de quatre jours, malgré l’engouement suscité chez les salariés. Dans un marché du travail tendu, 95% des entreprises sont-elles prêtes à faire le grand saut ?
Clara Elmira