Dans une vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) entre professionnels, le vendeur-promoteur exige une garantie efficace pour le paiement à terme du prix, qui prend souvent la forme d’une garantie de paiement à première demande (GAPD) bancaire. Mais celle-ci présente quelques inconvénients pour les acquéreurs, qui pourraient utilement la remplacer par une délégation de paiement bancaire.
Vefa entre professionnels : GAPD ou délégation de paiement ?
Le mécanisme de la Vefa suppose pour le promoteur le versement des échéances de prix à bonne date et en totalité. Une attention particulière est donc accordée à la qualité de la garantie proposée par l’acquéreur. La GAPD constitue une garantie très prisée des promoteurs, en substitution (voire en complément) de leur hypothèque légale spéciale. Néanmoins, elle a pour l’acquéreur l’inconvénient :
- de son coût ;
- d’être comptabilisée dans le montant de ses encours bancaires, réduisant d’autant sa capacité d’emprunt, (sauf si la GAPD est délivrée par la banque qui finance l’acquisition) ;
- de l’obliger à fournir une contre-garantie (cautionnement, cession Dailly…) s’ajoutant aux garanties qu’il doit déjà fournir pour le financement de son acquisition. Moins pratiquée, la délégation de paiement mise en place entre le banquier qui finance l’acquisition, l’acquéreur-emprunteur et le vendeur, est un mécanisme de paiement qui pourrait apporter une sécurité analogue à celle de la GAPD sans en présenter les inconvénients.
GAPD et délégation de paiement : deux mécanismes bien distincts
Relativement semblables dans leur exécution, GAPD et délégation de paiement présentent une nature bien différente: sûreté d’un côté, mécanisme de paiement de l’autre.
La GAPD, une garantie autonome de paiement
Le code civil définit la GAPD comme une garantie aux termes de laquelle le garant (labanque) s’engage unilatéralement à payer le créancier (le vendeur) à première demande de sa part, sans pouvoir lui opposer les exceptions tenant au contrat principal (la vente). Le refus de payer de l’acquéreur, même légitime, ne peut donc être opposé par la banque au vendeur. Dès que l’appel en garantie est conforme au formalisme prévu, le garant doit s’exécuter. Car l’efficacité de la GAPD réside dans son autonomie par rapport au contrat principal.
La délégation de paiement, un mécanisme de paiement
La délégation de paiement fournie en garantie de paiement du prix de la Vefa est un mécanisme de paiement impliquant : le vendeur d’une part, l’acquéreur et sa banque d’autre part. Elle suppose l’existence de trois relations contractuelles :
- un contrat de Vefa entre un vendeur et un acquéreur ;
- un contrat de crédit entre un acquéreur-emprunteur et sa banque ;
- une délégation de paiement entre le vendeur, l’acquéreur et sa banque.
La délégation de paiement est une modalité de paiement des échéances de prix par un tiers dont la solvabilité est établie
En pratique le vendeur adresse ses appels de fonds directement à la banque de l’acquéreur, qui les paie en utilisant le crédit. Le paiement ainsi réalisé libère progressivement (i) la banque de son obligation de verser les sommes empruntées à l’acquéreur, et (ii) l’acquéreur de son obligation de payer au vendeur les échéances du prix. La délégation de paiement n’est donc pas une véritable garantie, car le paiement par la banque ne suppose pas une défaillance préalable de l’acquéreur. Elle est plutôt une modalité de paiement des échéances de prix par un tiers dont la solvabilité est établie (la banque), sans que l’acquéreur ne puisse s’y opposer.
La délégation peut être :
- parfaite, ce qui libère l’acquéreur de ses obligations envers le vendeur qui ne dispose alors plus que d’un seul débiteur : la banque de l’acquéreur ;
- imparfaite, ce qui permet au vendeur de conserver deux débiteurs : son acquéreur et la banque ;
- incertaine, ce qui permettrait à la banque d’invoquer les dispositions de la vente ou du crédit pour refuser de débloquer les fonds du prêt directement au vendeur ;
- certaine, ce qui rend l’engagement de la banque autonome des contrats de vente ou de crédit, la banque ne pouvant invoquer les dispositions de l’un ou l’autre pour se soustraire à son engagement.
La délégation de paiement à titre de sûreté à l’épreuve de la pratique
La délégation de paiement peut donc avoir une efficacité analogue à celle de la GAPD. Son utilisation en garantie du paiement du prix de vente reste pourtant assez marginale.
Une sûreté efficace et économique - Sûre pour le vendeur
Utilisée à titre de garantie de paiement du prix de vente, la délégation de paiement sera imparfaite (l’objectif étant d’additionner les débiteurs plutôt que les substituer) et certaine (pour assurer au vendeur que la banque s’exécutera sans discussion).
Dans cette configuration, l’efficacité de la délégation de paiement s’avère très proche de celle de la garantie à première demande :
- elle offre deux débiteurs au vendeur (l’acquéreur et sa banque) ;
- elle est autonome des contrats de vente et de prêt.
Économiquement avantageuse pour l’acquéreur
La délégation de paiement :
- est moins onéreuse qu’une GAPD ;
- n’est pas comptabilisée au rang des encours de l’acquéreur envers la banque, ce qui libère d’autant sa capacité d’emprunt ;
- ne nécessite pas la fourniture d’autres garanties que celles que l’acquéreur constitue dans le cadre de son financement.
Une utilisation pourtant marginale
Malgré ses atouts, la délégation de paiement imparfaite et certaine est assez peu utilisée par la pratique en garantie du paiement d’un prix de vente, sans doute pour deux raisons :
- Les banques acceptent difficilement la délégation certaine car elle leur demande de renoncer – temporairement – aux clauses du contrat de prêt leur permettant de ne pas s’exécuter (en fonction d’un changement dans la situation de l’acquéreur, par exemple).
- Adossée à un financement, la délégation de paiement ne fonctionne qu’à hauteur de la somme empruntée. En d’autres termes, la partie du prix qui serait payable sur fonds propres devra faire l’objet d’une garantie séparée de type GAPD.
Sur le premier point, il devrait pourtant être considéré que les exceptions permettant à la banque de ne pas s’exécuter ont vocation à jouer en phase d’amortissement plutôt qu’en période de déblocage des fonds. La banque pourrait se passer de leur bénéfice pendant les deux ans de la construction (environ), permettant la délivrance d’une délégation de paiement certaine qui ne fonctionne de toute façon que pendant cette même période. La banque retrouvant ensuite, en phase d’amortissement, le bénéfice de ces exceptions.
Sur le second point, le recours même partiel à la délégation de paiement n’en reste pas moins intéressant car il permet notamment une baisse des encours bancaires.
Dans un contexte d’accès au crédit plus difficile, la maîtrise des encours et des frais financiers recherchée par les investisseurs pourrait entraîner un regain d’intérêt pour la délégation de paiement.
Sur les auteurs
Associés de Bremens | Notaires, Laurène Allart, Thibault Quilton et Godefroy Quilton interviennent sur des opérations d’aménagement, d’investissement et de financement. Implantée à Paris et à Lyon, Bremens | Notaires regroupe une centaine de juristes spécialisés, et s’attache à délivrer une prestation à forte valeur ajoutée. Bremens | Notaires est une société du groupe pluriprofessionnel Bremens qui comprend également une cinquantaine d’avocats d’affaires.