Par Hervé Zapf et Betty Toulemont, avocats associés. TZA Avocats
Les impôts directs locaux sont soumis à un régime spécifique et très favorable à l’Administration fiscale lorsque cette dernière souhaite opérer des rectifications des bases imposables. Pour autant, la liberté de l’Administration fiscale en la matière a été encadrée par le Conseil d’État et les droits et garanties du contribuable semblent aujourd’hui gagner du terrain en matière de rectification des impôts directs locaux.

Par un jugement en date du 28 octobre 2010, le tribunal administratif de Marseille a reconnu que les recours hiérarchiques, prévus par la Charte du contribuable vérifié, pouvaient être mis en œuvre en cas de rehaussement des bases imposables à la taxe professionnelle, quand bien même la procédure de rectification contradictoire n’est pas applicable en matière d’impôts directs locaux.
Les rectifications en matière d’impôts directs locaux sont expressément exclues de la procédure de rectification contradictoire – c’est-à-dire la procédure par laquelle l’Administration fiscale propose contradictoirement des rectifications – conformément aux dispositions de l’article L. 56 du LPF. Par suite, l’ensemble des droits et garanties du contribuable qui entourent cette procédure ne s’applique pas lorsque l’Administration procède à des rehaussements de base imposable.
De nombreuses jurisprudences écartent encore régulièrement les garanties spécifiques aux procédures de rectification contradictoire.

Droits de la défense en matière d’impôts directs locaux
Pour autant, le Conseil d’État a posé des garde-fous à la liberté de l’Administration fiscale en la matière en reconnaissant que, malgré l’exclusion de la procédure de rectification contradictoire pour les impôts directs locaux, l’Administration fiscale était tenue au respect du principe général des droits de la défense.
Par suite, lorsque l’Administration fiscale souhaite procéder au rehaussement des bases imposables à la taxe professionnelle ou à la taxe foncière, sur des bases excédant les bases déclarées par le contribuable, elle est tenue d’informer le contribuable préalablement à l’envoi des avis de mise en recouvrement. Cette information doit contenir suffisamment d’éléments pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations.
Si jusqu’alors, le Conseil d’État et les juridictions de première instance s’étaient refusé à reconnaître d’autres droits au contribuable, en particulier les droits offerts par la Charte du contribuable vérifié opposable à l’Administration fiscale conformément aux dispositions de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales, le tribunal administratif de Marseille ouvre une brèche en faveur des contribuables en reconnaissant que les droits et garanties institués par la Charte du contribuable vérifié pourraient s’appliquer en matière de taxe professionnelle dès lors que les rehaussements résultent d’une vérification de comptabilité.

Garanties attachées aux vérifications de comptabilité
Dans cette affaire, une société hôtelière avait fait l’objet d’une vérification de comptabilité au terme de la laquelle elle avait été assujettie à la taxe professionnelle. La société avait indiqué dans son courrier de réponse à la proposition de rectification qu’elle entendait, dans l’hypothèse où un désaccord persisterait, que le litige soit soumis au supérieur hiérarchique.
L’Administration fiscale s’est refusé à accorder un tel droit à la société au motif que la procédure de rectification contradictoire prévue par l’article L. 55 du LPF ne s’appliquait pas en matière de taxe professionnelle et, en conséquence, les droits et garanties reconnus par la Charte du contribuable vérifié ne pouvaient s’appliquer aux rectifications de taxe professionnelle qu’elle avait notifiées.

Un raisonnement en plusieurs étapes
Le tribunal administratif de Marseille ne suit pas la position de l’Administration fiscale et suit un raisonnement en plusieurs étapes.
En premier lieu, le tribunal rappelle que les impôts directs locaux sont exclus de la procédure de vérification contradictoire prévue par les articles L. 57 et suivants du LPF qui oblige notamment l’Administration fiscale à adresser au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
En second lieu, le tribunal constate que la garantie du recours hiérarchique prévue par la Charte du contribuable vérifié est, au regard de la rédaction de la charte, indépendante de la mise en œuvre de la procédure de rectification contradictoire. Au contraire, cette garantie est attachée spécifiquement à la procédure de vérification de comptabilité ou à l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.
Par conséquent, dans la mesure où la société hôtelière a fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui s’est achevée par une proposition de rehaussement en matière de taxe professionnelle, la société était en droit de solliciter le recours au supérieur hiérarchique, nonobstant le fait que la procédure de rectification contradictoire ne s’appliquait pas.
Ce jugement, qui n’a pas fait l’objet d’un appel de la part de l’Administration fiscale, semble ouvrir une brèche à l’application des droits et garanties prévus
par la Charte du contribuable vérifié lorsque les rectifications en matière d’impôts directs locaux résultent d’une vérification de comptabilité.

Un jugement isolé ?
En conclusion, les rectifications en matière d’impôts directs locaux sont entourées par deux types de garanties : soit les garanties attachées aux vérifications de comptabilité, soit les garanties attachées au principe général des droits de la défense lorsque les rectifications notifiées ne résultent pas d’une vérification de comptabilité.
Si le jugement du tribunal administratif de Marseille est particulièrement favorable aux contribuables, cette décision de première instance demeure, à ce jour, isolée et méritera d’être confirmée par d’autres jugements, mais surtout par les cours administratives d’appel et le Conseil d’état. Cette confirmation est d’autant plus importante que les cours administratives d’appel ont jusqu’à présent refusé l’application des droits et garanties de la Charte du contribuable vérifié dans des cas d’espèce similaires.

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