Henri-Claude Le Gall, président de la Cour de justice de la République
Décideurs. Le fonctionnement de la Cour de justice de la République (CJR) diffère-t-il de celui d’une juridiction pénale ordinaire ?
Henri-Claude Le Gall. La procédure suivie devant la CJR ne se distingue pas de la procédure correctionnelle classique. Ses membres sont tenus par le code de procédure pénale. La Cour s’écarte de la juridiction ordinaire concernant sa composition : quinze membres dont douze parlementaires et trois magistrats du siège élus par les membres de la Cour de cassation en leur sein. Par ailleurs, le délibéré a lieu lors d’un vote à bulletin secret après discussion entre les juges. |
Décideurs. Comment jugez-vous les arguments des détracteurs de la CJR qui critiquent sa composition, reflet d’une juridiction d’exception ?
H.-C. Le G. Cet avis a été soutenu dès les débats qui ont conduit à la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, qui créait la CJR. Le parti communiste était, par exemple, favorable à la comparution des ministres concernés devant un tribunal pénal de droit commun, après autorisation de la commission des requêtes. C’est d’ailleurs une position tout à fait défendable.
Décideurs. Pour juger, les membres de la Cour de justice de la République tiennent-ils vraiment compte de critères juridiques ?
H.-C. Le G. La Cour ne se distingue pas d’une cour d’assise, où le jury n’est pas composé de magistrats professionnels. L’optique que les jurés adoptent est donc susceptible de se distinguer de celle de magistrats professionnels. Par son ambiance, la CJR est finalement plus proche d’une cour d’assise que d’un tribunal correctionnel.
Décideurs. Une réforme de la CJR vous paraîtrait-elle opportune ?
H.-C. Le G. Le travail d’un juge consiste à appliquer la loi. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur des voies de réforme. Il est certes possible d’imaginer une juridiction de droit commun, mais cette décision relève d’un choix politique. Certains membres de la Cour ont été amenés à considérer que son fonctionnement, relevant pratiquement d’une justice ordinale, n’était pas satisfaisant. Cette configuration dépend des juges eux-mêmes. Toutefois, une telle réforme doit suivre la procédure d’une révision constitutionnelle. Par conséquent, toute décision est très pesée.
Juin 2010