Sur un marché juridique encore fragilisé par la crise, deux cabinets − l’un américain, l’autre britannique − ont décidé d’allier leu forces. Le mariage traatlantique fait naître un colosse du droit, Hogan Lovells, qui figurera bientôt parmi les dix premie cabinets globaux.

Sur un marché juridique encore fragilisé par la crise, deux cabinets − l’un américain, l’autre britannique  − ont décidé d’allier leurs forces. Le mariage transatlantique fait naître un colosse du droit, Hogan Lovells, qui figurera bientôt parmi les dix premiers cabinets globaux. Retour sur l’événement de l’année 2010.


Ce qui n’était encore qu’une rumeur à l’automne dernier s’est rapidement transformée en annonce officielle. Fin décembre 2009, l’Américain Hogan & Hartson et le Britannique Lovells annoncent leur fusion. Une véritable bombe dans le monde des cabinets d’avocats d’affaires, encore ébranlé par un contexte général de crise. À l’heure où réductions d’effectifs et fermetures de bureaux restent d’actualité pour certains, les équipes dirigeantes des deux structures ont donc choisi d’appliquer le célèbre dicton selon lequel « l’union fait la force ».


Une fusion ambitieuse et inédite

Ce n’est pas la première fois qu’un rapprochement s’opère entre deux firmes originaires de part et d’autre de l’Atlantique. En 2000, la fusion de Clifford Chance et du New-Yorkais Rogers & Wells avait marqué les esprits, comme celle entre le cabinet né à Pittsburgh Kirkpatrick Lockhart (devenu depuis K&L Gates) et le Londonien Nicholson Graham & Jones, en 2005.
Pourtant, jamais une fusion transatlantique n’aura été réalisée entre deux cabinets de taille et de réputation équivalentes. Car Lovells et Hogan & Hartson sont de très beaux cabinets, aux talents et aux rentabilités comparables (cf. tableau 1).


Fort de l’histoire et de la couverture géographique de chacun, le nouveau cabinet, baptisé Hogan Lovells, s’impose comme le premier cabinet international capable d’offrir la même qualité de services non seulement aux États-Unis, à Londres ou en Europe continentale, mais aussi en Asie et en Amérique latine (cf. carte).


Pour James Vaudoyer, précédemment responsable du bureau parisien d’Hogan & Hartson et aujourd’hui co-managing partner, avec Marie-Aimée de Dampierre, de Hogan Lovells à Paris, « la fusion ne s’est pas faite dans une optique défensive. Bien au contraire, elle a été opérée au service d’une belle ambition, celle de devenir l’un des premiers cabinets d'avocats globaux ».

Pourtant, au-delà d’une synergie évidente, le développement international des deux firmes ne s’est pas fait sur le même modèle. Et pour cause, Lovells est un cabinet de culture britannique, et Hogan & Hartson, un cabinet d’origine américaine.


Lovells, la dame de fer

Né dans la City en 1899, Lovells est aujourd’hui le sixième cabinet de Londres, classé juste derrière le quartet formé par les géants du magic circle (cf. tableau 2), mais également l’un des premiers cabinets internationaux, avec plus de 1 800 avocats répartis dans le monde. Le cabinet figure même au 21e rang du Global 100, classement des meilleures firmes internationales en termes de chiffres d’affaires publié chaque année par LegalWeek et The American Lawyer.
Pour accéder à un tel rang mondial, les équipes dirigeantes successives de Lovells, conduites depuis 2005 par le managing partner David Harris, n’ont pas hésité à absorber des cabinets entiers, d’abord à Londres, puis en Europe continentale. En 1966, Lovells se rapproche du Londonien Haslewoods et en 1988, avec une autre firme de la City, Durrant Piesse.

Plus de dix ans plus tard, le cabinet accélère son expansion internationale, notamment en Europe continentale. En 2000, Lovells fusionne avec l’un des leaders outre-Rhin, l’Allemand Boesebeck Droste, puis avec le Néerlandais Ekelmans Den Hollander. La même année, la firme s’implante à Budapest, gagne l’Italie, puis double de taille en France en se rapprochant du cabinet Siméon & Associés en 2001. L’Asie n’est pas en reste. En 2001, Lovells signe à Singapour une joint venture avec l’équipe Lee & Lee et ouvre un bureau à Shanghai, en 2003.
Mais la crise mettra un terme à cette phase de croissance à tout-va : Lovells accuse le départ d’équipes d’associés. Lovells va traverser quelques années difficiles, notamment à Londres, où les firmes américaines arrivent massivement, séduisant de nombreux associés avec un système de rémunération plus individualisé basé sur la méritocratie.
Dès lors, David Harris lance une vaste opération de reconstruction : Lovells doit retrouver sa forme, son aura. Le cabinet fait alors le choix, en 2006, de fermer son bureau berlinois et de concentrer ses efforts, en Allemagne, sur les villes de Francfort et de Munich. Dans le même temps, le managing partner aménage progressivement une rémunération à l'époque basée sur le système du lockstep, pour se rapprocher d’un système méritocratique. Le cabinet recrute de nouvelles équipes, à Londres comme à Paris, et renforce encore sa réputation dans les domaines du corporate, du private equity, du contentieux et des finances. En quelques années seulement, le géant Lovells, qui comprend alors vingt-six bureaux dans le monde, est de retour et réfléchit à une fusion avec un cabinet américain, toujours dans l’objectif de parachever son dispositif international. Lovells a en effet retrouvé une santé de fer, avec un chiffre d’affaires global de 479 millions de livres sterling pour l’année 2006-2007, contre 425 millions l’année précédente. De quoi attiser les jalousies sur un marché qui subit une nouvelle crise.

Si Lovells a construit sa croissance à grand renfort de fusions, Hogan & Hartson a appliqué une stratégie plus organique, malgré trois acquisitions d’équipe (dont deux à New York en 2000, et une à Berlin, en 2001). Warren Gorrell, précédemment chairman du cabinet américain et aujourd’hui codirecteur général de Hogan Lovells, explique : « Pour devenir global, le cabinet s’est d’abord développé sur l’ensemble du territoire américain, à partir de son bureau historique de Washington DC. Et est ensuite parti à  la conquête  du marché international ».


Hogan & Hartson, la belle Américaine

Né en 1904 à Washington DC, où la cabinet regroupe encore l’essentiel de ses effectifs, Hogan & Hartson fait partie des institutions juridiques du grand est américain. Dès ses débuts, le cabinet conseille de prestigieux clients, comme Theodore Roosevelt, et développe une expertise de pointe dans le domaine de la régulation et des institutions gouvernementales, une activité qui représente aujourd’hui encore l’un des piliers du cabinet.
Mais au fur et à mesure de son histoire, Hogan & Hartson développe de nouvelles compétences comme le contentieux, l’IP/IT et les nouvelles technologies, conseillant par exemple Genentech, première société américaine de biotechnologies. Le cabinet gagne également l’ensemble du territoire américain avec, entre autres, l’ouverture d’un bureau à New York et la plus grosse fusion de son histoire en 2000 avec l’absorption de la firme aux 35 avocats Davis, Weber & Edwards. Dès lors, Hogan & Hartson est implantée de la Virginie à la Californie, en passant par le Colorado, le Texas, la Floride et New York.

C’est donc à partir d’une solide présence aux états-Unis que le célèbre cabinet de Washington, au début des années 2000, décide de se développer à l’international. Hogan & Hartson ouvre à Moscou en 1994, à Tokyo en 2000 et à Berlin en 2001 puis, en 2002, à Pékin. En parallèle, la firme renforce ses équipes londoniennes et parisiennes.
Dès lors, le cabinet gagne son étiquette de firme internationale. Les portes pour une fusion avec Lovells sont ouvertes.


Hogan Lovells, unique en son genre

D’une ampleur inédite sur le marché global, la fusion a déjà fait naître quelques anecdotes. Ainsi, une rencontre fortuite entre deux associés d’Hogan & Hartson et de Lovells à Los Angeles durant l’été 2008, aurait lancé les discussions entre les deux cabinets. Légende ou pas, deux ans plus tard, les noces anglo-américaines sont célébrées. Comme le résume David Harris, ce mariage « permet à chacun de renforcer ses propres capacités, et de devenir plus compétitif sur le marché international. De ce point de vue, Hogan Lovells sortira de la crise en position renforcée ».

Quand Hogan & Hartson muscle considérablement sa présence en Europe continentale, en renforçant plus particulièrement ses bureaux de Londres et de Paris (lire encadré ci-dessus), Lovells gagne les clés du marché américain. Déjà implanté à New York, avec une équipe de près de quatre-vingt avocats, et à Chicago avec vingt-deux avocats, le cabinet britannique bénéficie désormais d’une véritable porte d’entrée sur le marché juridique le plus concurrentiel au monde, avec les équipes d’Hogan & Hartson qui comptent neuf cents professionnels.

Fort des positionnements respectifs de l’Américain et du Britannique, le nouvel acteur Hogan Lovells regroupe 2 500 avocats et affiche un chiffre d’affaires de deux milliards de dollars. De quoi s’imposer en tête du classement des cabinets globaux, largement mené par les géants du magic circle (cf. tableau 4).
Au-delà de ce bond en avant stratégique et ambitieux, les équipes dirigeantes vont devoir gérer la phase la plus délicate – et la plus longue − de la fusion : celle de l’intégration.


L’après-fusion

La fusion est désormais officielle, le cabinet Hogan Lovells est opérationnel depuis le 1er mai dernier.
L’heure est donc à l’intégration des équipes, à la définition stratégique et financière de la nouvelle structure. Parmi les premiers chantiers que vont devoir mettre en place les deux coprésidents Warren Gorrel et David Harris, figure celui d’un système commun de rémunération des associés.

Autre décision prise par le duo, celle, délicate, de la fermeture du bureau de Lovells à Chicago d’ici la fin du mois d’octobre 2010. Bien qu’Hogan & Hartson ne soit pas présent dans la région, l’arrêt définitif a été décidé pour des raisons liées au contexte économique. Marie-Aimée de Dampierre, récemment nommée co-managing partner d’Hogan Lovells à Paris, commente cette décision : « L’activité du bureau de Chicago, ouvert en 1995, était essentiellement liée au secteur de la réassurance et a connu de très bons résultats pendant plusieurs années. Depuis quelques temps, les changements qui se sont opérés dans ce secteur ont impacté négativement les résultats de notre bureau. La décision de le fermer a été prise en bonne intelligence avec les associés sur place ». L’implantation regroupait sept associés et quinze collaborateurs qui seront, pour certains d’entre eux, replacés.

Au-delà de ces considérations internes et comme dans toute fusion, quelques associés ont annoncé leur départ. À Varsovie, Hogan & Hartson a perdu son équipe au profit de l’Américain K&L Gates. « Mais Lovells y dispose d’un bureau solide »,  nuance James Vaudoyer. À Berlin (où Lovells avait fermé son bureau en 2006), c’est une partie de l’équipe locale du cabinet américain qui part créer une structure indépendante baptisée Raue. James Vaudoyer  souligne que l’Allemagne, et plus particulièrement Berlin, demeure une place très importante pour Hogan Lovells. L’associé affirme que « le cabinet poursuivra son activité dans la capitale, où nous disposons d’une belle réputation dans le domaine des médias ». Toujours du côté d’Hogan, le bureau genevois a fermé ses portes le 1er mai, au moment de la fusion. Le cabinet américain s’était implanté à Genève en septembre 2005 avec l’associé Charles Adams, qui a finalement décidé de rester au sein d’une firme américaine, Akin Gump. Le bureau regroupait sept avocats.


Pour le co-managing partner à Paris, « ces départs se sont faits sans tension, ni aigreur. Il s’agit malheureusement d’effets inhérents à toute grande opération de fusion et il est préférable que ces départs aient lieu en amont, plutôt que plus tard, lorsque la phase d’intégration des équipes aura commencé ».
Avec une opération d’une telle envergure, Hogan Lovells joue désormais dans la cour des grands. Bien que son bureau new-yorkais regroupe moins de deux cents avocats (un effectif insuffisant pour un marché comme celui de la Big Apple où la taille critique d’un cabinet avoisine les trois cents avocats), ses concurrents directs, au niveau global, ne sont autres que les géants du magic circle, mais également les cabinets internationaux d’origine américaine comme Skadden Arps, Latham & Watkins ou encore Jones Day.

Une chose est sûre : le nouvel acteur fera une entrée fracassante dans la prochaine édition du Global 100, classement des plus grands cabinets internationaux. 

Mai 2010

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