Ordinateur, téléphone portable, cafetière, voiture… à l'achat de tous ces produits, le coommateur, est, sa le savoir, victime d’une vente liée.

Ordinateur, téléphone portable, cafetière, voiture… à l'achat de tous ces produits, le consommateur, est, sans le savoir, victime d’une vente liée. Interdite par la loi, cette pratique abusive est cependant employée par les entreprises qui y trouvent un moyen simple de fidéliser leurs clients tout en soignant leurs marges. Les sanctions prévues par la législation ne semblent pas assez dissuasives.
 

Quel est le point commun entre le fabricant d’ordinateurs Hewlett-Packard, l’opérateur de télécommunications Orange, le géant américain Microsoft et les imprimantes Xerox ? Tous réalisent, ou ont réalisé, des ventes liées. Selon le gouvernement, cette pratique, également appelées vente subordonnée, consiste à « regrouper dans un lot, ne comportant qu’un prix, plusieurs produits ou services sans qu’il ne soit possible de se les procurer séparément ».

 Ainsi, Hewlett-Packard livre ses ordinateurs avec un système d’exploitation préinstallé, Orange disposait d’un accord d’exclusivité pour vendre l’iPhone et Microsoft vend ces cinq logiciels (Word, Excel, Outlook, PowerPoint et OneNote) sous forme de pack et non à l’unité.
Cette définition officielle ne recouvre pas l’ensemble des situations constatées. Lorsque Xerox fabrique des imprimantes qui ne peuvent fonctionner qu’avec leurs propres cartouches, la société ne réalise pas, à proprement parlé, de ventes liées puisqu’elle propose les deux produits séparément. Pourtant le résultat est le même. En effet, grâce à une contrainte d’interopérabilité, le consommateur est contraint d’acheter les deux produits auprès de la même société.

Bien que la loi interdise les ventes liées, cette pratique reste largement utilisée par les entreprises. Les ventes subordonnées sont devenues si courantes qu’elles passent pratiquement inaperçues. Qui est encore surpris d’être contraint de payer son petit déjeuner avec sa chambre d’hôtel ? Pourtant, le client est en mesure de demander une réduction du prix égale au coût du petit déjeuner s’il ne souhaite pas le consommer.

Que dit la loi ? Selon l’article L.122-1 du code de la consommation, « il est interdit de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service, ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit ». Mais depuis le 24 avril 2009, la Cour de justice des communautés européennes autorise les offres conjointes pour les produits ou services gratuits offerts en accompagnement d'un achat.
Selon la hiérarchie des normes, tous les codes de commerce des différents pays interdisant ce genre de ventes ne sont plus conformes. Les entreprises peuvent déjouer les législations et passer entre les mailles du filet. Elles peuvent aussi s’appuyer sur le « principe de la liberté du commerce et de l’industrie », qui stipule que toute entreprise peut attirer vers elle le client d’une autre entreprise. Le seul fait d’acquérir ce client n’est en soi par répréhensible. En revanche, les moyens mis en place pour y parvenir le sont.


Une voiture sans pneu s’il vous plaît !

Le droit se heurte à des considérations techniques. Quand s’arrête la prestation fournit par une société ? Par exemple, il ne vous viendra pas à l’idée de considérer qu’une voiture constitue une vente liée. Pourtant, elle est composée de différents produits qu’il est parfois possible d’acheter séparément. Les entreprises jouent sur cette ambiguïté. Certes le bien vendu correspond à un ensemble de produits qui aurait pu être acheté séparément mais le consommateur a besoin du tout pour son usage. Les fabricants d’ordinateurs utilisent fréquemment cet argument pour expliquer leur stratégie de vente. Aujourd’hui, il est impossible d’acheter un ordinateur sans système d’exploitation ni logiciels préinstallés.


Statu quo de l’application de la loi

Pour les associations de consommateur, il s'agit là d'une pratique « racketicielle ». Selon elles, le client devrait être en mesure d'acheter et de choisir les logiciels qu’il souhaite installer sur son ordinateur. Le gouvernement semble aller dans ce sens. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, affirmait, le 3 juillet 2008, que « le prix des logiciels préinstallés doit être précisé afin que les consommateurs aient le choix et puissent se faire rembourser ».
Le même jour, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) faisait deux propositions : faciliter les procédures de remboursement de logiciels préinstallés et mettre en place un système qui permette au client d’acheter l’ordinateur sans les logiciels. Si le consommateur décide d’acheter le logiciel fourni avec l’ordinateur, un code d’accès lui sera remis, sinon il sera libre de choisir le produit qu’il souhaite. Mais depuis cette date, le statu quo demeure. Sans doute parce que les sanctions encourues ne sont pas dissuasives.
Le 13 février 2008, le fabricant Asus a été condamné à verser 100 euros à un utilisateur ayant acheté un ordinateur de la marque pour 740 euros mais qui ne voulait pas du système d’exploitation préinstallé, Windows Vista. Cet exemple permet de comprendre l’avantage des ventes liées dans le secteur de l’informatique. Dans le prix final d’un ordinateur acheté, près de 10 à 15 % est destiné à payer les logiciels. Cela permet au fabricant d’augmenter son chiffre d’affaires, et l’éditeur du logiciel d’imposer son produit au client. Les partenariats entre fabricants et éditeurs sont donc bénéfique aux deux parties.


Cela ferait baisser les prix

Mais qu’en est-il pour le consommateur ? Est-il lui aussi gagnant ? Selon les entreprises, la mise en place de ventes liées permettrait de faire baisser les prix. En augmentant les quantités vendues, elles seraient à même de faire baisser leur marge sur l’un des autres produits. Résultat, le client paye moins cher que s’il avait acheté les deux produits séparément. En pratique, le constat est plus mitigé.
Prenons l’exemple de l’ouverture d’un abonnement en téléphonie mobile. En France, la vente liée téléphone portable / abonnement est rentrée dans les mœurs. En revanche, la législation finlandaise interdit cette pratique. Les consommateurs achètent alors leur téléphone portable pour un prix équivalent au plein tarif français. En contrepartie, ils bénéficient d’abonnement attractif sans durée d’engagement. Comme les téléphones ne sont pas bloqués, la concurrence pousse les opérateurs téléphoniques à proposer des produits répondants à tous les segments du marché. Si effectivement le modèle français est moins cher au début, puisque l’achat du téléphone se fait à tarif réduit, le prix des abonnements permet de compenser cet écart en moins de cinq mois.


"On a aucun problème à dire qu'on a un système fermé"

Les ventes liées émanant d’un positionnement d’interopérabilité est également source de profit. C’est le principal reproche fait à c. Microsoft a construit son succès sur l'installation systématique de ses logiciels sur les ordinateurs tandis qu’Apple a contrôlé l'utilisation des MP3 téléchargés sur iTunes et a pu imposer ses tarifs au marché de la musique. Nespresso a appliqué la même recette au secteur du café. En créant des capsules expresso, Nestlé a réussi à se créer un monopole. En vendant, ses doses 37 centimes d’euro, le groupe suisse a fait de sa filiale Nespresso une véritable poule aux œufs d’or. Depuis 2000, la croissance du chiffre d’affaires est de 30 % par an en moyenne.

Mais contrairement aux ventes liées traditionnelles, le consommateur est à même de choisir. En achetant une machine Nespresso le consommateur savait qu’il serait contraint d’acheter ses capsules à la même société. « On n'a aucun problème à dire qu'on a un système fermé », explique le directeur général de Nespresso France, Arnaud Deschamps. « On se positionne sur un produit de niche, en vendant des grands crus à des amateurs de café. C'est un système qu'on a pensé de A à Z. Si on cherche la perfection, on doit maîtriser tous les paramètres. »

Dans ce cas précis, la suppression de la concurrence est alors acceptée par le fait qu’elle émane d’une innovation. Apple grâce à son iPod, Microsoft grâce à ses logiciels et Nespresso grâce à ses capsules. Face à ces situations de monopole, le marché se régule parfois de lui-même. Linux est entré en guerre contre Microsoft et Apple, tandis que de nouveaux concurrents entrent en jeux sur le marché des capsules. Le consommateur en sortira alors gagnant : plus de choix et des prix en baisse.

Juin 2010

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