Par Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé. CMS Bureau Francis Lefebvre
Groupe de sociétés, droit du travail et principe de sécurité juridique
Le principe de sécurité juridique fait partie des principes généraux du droit. Ses critères essentiels sont la clarté, l’intelligibilité et la stabilité ; ils procèdent d’une simple exigence de qualité du droit. Le principe devrait valoir avec force dans le domaine des relations du travail. Comment pourtant ne pas constater que les exigences de compréhension et de prévisibilité du droit y font cruellement défaut ainsi que le révèle, en particulier, l’appréhension de la notion de «?groupe de sociétés?» ?
Les difficultés réitérées à appréhender les notions de groupe et de co-emploi font de celles-ci des sources d’incertitudes renouvelées.
Groupe de sociétés et prime de partage des profits
Le régime de cette prime tel que résultant de la loi du 28?juillet 2011 a conduit à un réexamen de la notion de groupe. La loi fait référence aux sociétés appartenant à un «?groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail?» et semble soumettre son bénéfice à une condition tenant à l’augmentation du montant des dividendes attribués par la société dominante. La référence à ce texte n’a pas manqué de soulever des difficultés, singulièrement en ce qui concerne la détermination de la société dominante. N’est ainsi pas considérée comme telle, à titre d’exemple, ce en application de l’article 2331-4 du code du travail issu de la loi du 12?novembre 1996, les sociétés dites de participation financière. Un arrêt de la cour d’appel de Paris, en date du 1er?avril 2010, a pu rappeler que n’est pas une entreprise dominante celle dont «?l’objet unique est la prise de participations dans d’autres entreprises ainsi que la gestion et la mise en valeur de ces participations sans que ces sociétés s’immiscent directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises?». La portée du texte au regard des sociétés holdings demeure néanmoins incertaine.
Groupe de sociétés et société de gestion de portefeuille
L’appartenance de l’entreprise à un groupe de sociétés est prise en compte, notamment, pour déterminer le périmètre de mise en œuvre de l’obligation de reclassement en cas de licenciement pour motif économique (ce parmi les entreprises du groupe dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel). La notion de groupe, fonctionnelle, voit son périmètre varier selon l’objet des normes. L’obligation de reclassement n'incombe, pour la Cour de cassation qu'à l'employeur ; une société du même groupe n'est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés de celle-ci (occurrence qui peut induire les dérives du co-emploi).
Un contentieux délicat (en vue de faire reconnaître l’existence d’un groupe) a intéressé à cet égard les relations qu’entretiennent une société de gestion, des fonds d’investissement, et les entreprises qu’ils détiennent, ce quel que soit le secteur d’activité dont elles relèvent. Dans l’affaire dite Sublistatic, la cour d'appel de Douai a relevé l'absence de contrôle au sens du code de commerce, le fait que la société de gestion ne détenait aucune action de la société employeur et n'était que gestionnaire du fonds commun de placement. De même, la cour d'appel de Versailles a conclu, dans l'affaire dite SGD, que les éléments fournis par le comité d’entreprise demandeur ne permettaient pas de «?constater une convergence directionnelle, une continuité d'intérêt entre (les sociétés de gestion et la société opérationnelle) ouvrant, en considération de leur lieu d'exploitation, une possibilité de permutation de tout ou partie du personnel?». Ces décisions semblent s’inscrire dans une approche plus générale qui écarte la notion de groupe dans les relations de simple participation financière qui ne font pas apparaître la convergence d’intérêt et d’action qui caractérise parfois les groupes industriels classiques. Au demeurant, dès 2008, la Cour de cassation avait affirmé que la détention indirecte par une banque d’une participation dans le capital d’une société ne suffisait pas à créer un groupe au niveau duquel doit être apprécié le motif économique de licenciement et que n’était pas caractérisé entre les sociétés financières gérant des fonds de placement et les sociétés dans lesquelles ces fonds ont investi un groupe de reclassement.
Pour autant, l’on peut présager que la notion de contrôle ou d’influence dominante telle que définie par les dispositions du code de commerce auxquelles renvoie l’article L 2331-1 du code du travail fera l’objet de contentieux, y compris en ce qui concerne l’obligation de constituer un comité de groupe. Il devrait ainsi être considéré que la société de gestion ne dispose pas du droit de vote dans les assemblées d’actionnaires, mais exerce les droits appartenant à d’autres (les porteurs de part) en vertu d’un mandat qui lui est confié en exécution des dispositions de l’article L 533-22 du code monétaire et financier. C’est ce qu’a pu juger tout récemment la cour d’appel de Grenoble.
Groupe de sociétés et co-emploi
Quelle que soit l’organisation juridique ou opérationnelle des groupes de sociétés, faire reconnaître une société comme co-employeur d’un salarié permet à ce dernier de lui imputer l’ensemble des responsabilités de l’employeur et, surtout, de rechercher, directement à son encontre, sans préjudice des contraintes purement commercialistes tenant aux critères de la direction de fait ou de la confusion des patrimoines. Inutile dans la plupart des cas face à un défenseur in bonis, cette adjonction d’un codébiteur trouve toute son efficacité dans des situations où le recouvrement s’avérerait difficile (employeur situé à l’étranger) ou impossible (employeur en liquidation judiciaire). Les liens capitalistiques ne suffisent évidemment pas à caractériser la qualité de co-employeur. Dans un arrêt du 18 janvier 2011, la chambre sociale a conforté au-delà du critère tenant au lien de subordination un critère autonome du co-emploi, déjà esquissé depuis quelques années, reposant sur une notion de «?confusion d’intérêts, d’activité et de direction?». Gestion du personnel commune, critère de détention capitalistique, intervention dans la détermination des orientations stratégiques de la filiale, direction opérationnelle et administrative, tels sont les éléments souvent pris en considération par le juge. Derrière le voile de la personne morale, ils permettent pour le juge de tenter d’appréhender l’ensemble de la «?communauté de travail?» en y incluant ceux qui ne sont pas dans une relation de subordination juridique directe. On ne peut douter que sur ces questions délicates la jurisprudence soit à parfaire et que son évolution doive être suivie avec attention.
Les difficultés réitérées à appréhender les notions de groupe et de co-emploi font de celles-ci des sources d’incertitudes renouvelées.
Groupe de sociétés et prime de partage des profits
Le régime de cette prime tel que résultant de la loi du 28?juillet 2011 a conduit à un réexamen de la notion de groupe. La loi fait référence aux sociétés appartenant à un «?groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail?» et semble soumettre son bénéfice à une condition tenant à l’augmentation du montant des dividendes attribués par la société dominante. La référence à ce texte n’a pas manqué de soulever des difficultés, singulièrement en ce qui concerne la détermination de la société dominante. N’est ainsi pas considérée comme telle, à titre d’exemple, ce en application de l’article 2331-4 du code du travail issu de la loi du 12?novembre 1996, les sociétés dites de participation financière. Un arrêt de la cour d’appel de Paris, en date du 1er?avril 2010, a pu rappeler que n’est pas une entreprise dominante celle dont «?l’objet unique est la prise de participations dans d’autres entreprises ainsi que la gestion et la mise en valeur de ces participations sans que ces sociétés s’immiscent directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises?». La portée du texte au regard des sociétés holdings demeure néanmoins incertaine.
Groupe de sociétés et société de gestion de portefeuille
L’appartenance de l’entreprise à un groupe de sociétés est prise en compte, notamment, pour déterminer le périmètre de mise en œuvre de l’obligation de reclassement en cas de licenciement pour motif économique (ce parmi les entreprises du groupe dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel). La notion de groupe, fonctionnelle, voit son périmètre varier selon l’objet des normes. L’obligation de reclassement n'incombe, pour la Cour de cassation qu'à l'employeur ; une société du même groupe n'est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés de celle-ci (occurrence qui peut induire les dérives du co-emploi).
Un contentieux délicat (en vue de faire reconnaître l’existence d’un groupe) a intéressé à cet égard les relations qu’entretiennent une société de gestion, des fonds d’investissement, et les entreprises qu’ils détiennent, ce quel que soit le secteur d’activité dont elles relèvent. Dans l’affaire dite Sublistatic, la cour d'appel de Douai a relevé l'absence de contrôle au sens du code de commerce, le fait que la société de gestion ne détenait aucune action de la société employeur et n'était que gestionnaire du fonds commun de placement. De même, la cour d'appel de Versailles a conclu, dans l'affaire dite SGD, que les éléments fournis par le comité d’entreprise demandeur ne permettaient pas de «?constater une convergence directionnelle, une continuité d'intérêt entre (les sociétés de gestion et la société opérationnelle) ouvrant, en considération de leur lieu d'exploitation, une possibilité de permutation de tout ou partie du personnel?». Ces décisions semblent s’inscrire dans une approche plus générale qui écarte la notion de groupe dans les relations de simple participation financière qui ne font pas apparaître la convergence d’intérêt et d’action qui caractérise parfois les groupes industriels classiques. Au demeurant, dès 2008, la Cour de cassation avait affirmé que la détention indirecte par une banque d’une participation dans le capital d’une société ne suffisait pas à créer un groupe au niveau duquel doit être apprécié le motif économique de licenciement et que n’était pas caractérisé entre les sociétés financières gérant des fonds de placement et les sociétés dans lesquelles ces fonds ont investi un groupe de reclassement.
Pour autant, l’on peut présager que la notion de contrôle ou d’influence dominante telle que définie par les dispositions du code de commerce auxquelles renvoie l’article L 2331-1 du code du travail fera l’objet de contentieux, y compris en ce qui concerne l’obligation de constituer un comité de groupe. Il devrait ainsi être considéré que la société de gestion ne dispose pas du droit de vote dans les assemblées d’actionnaires, mais exerce les droits appartenant à d’autres (les porteurs de part) en vertu d’un mandat qui lui est confié en exécution des dispositions de l’article L 533-22 du code monétaire et financier. C’est ce qu’a pu juger tout récemment la cour d’appel de Grenoble.
Groupe de sociétés et co-emploi
Quelle que soit l’organisation juridique ou opérationnelle des groupes de sociétés, faire reconnaître une société comme co-employeur d’un salarié permet à ce dernier de lui imputer l’ensemble des responsabilités de l’employeur et, surtout, de rechercher, directement à son encontre, sans préjudice des contraintes purement commercialistes tenant aux critères de la direction de fait ou de la confusion des patrimoines. Inutile dans la plupart des cas face à un défenseur in bonis, cette adjonction d’un codébiteur trouve toute son efficacité dans des situations où le recouvrement s’avérerait difficile (employeur situé à l’étranger) ou impossible (employeur en liquidation judiciaire). Les liens capitalistiques ne suffisent évidemment pas à caractériser la qualité de co-employeur. Dans un arrêt du 18 janvier 2011, la chambre sociale a conforté au-delà du critère tenant au lien de subordination un critère autonome du co-emploi, déjà esquissé depuis quelques années, reposant sur une notion de «?confusion d’intérêts, d’activité et de direction?». Gestion du personnel commune, critère de détention capitalistique, intervention dans la détermination des orientations stratégiques de la filiale, direction opérationnelle et administrative, tels sont les éléments souvent pris en considération par le juge. Derrière le voile de la personne morale, ils permettent pour le juge de tenter d’appréhender l’ensemble de la «?communauté de travail?» en y incluant ceux qui ne sont pas dans une relation de subordination juridique directe. On ne peut douter que sur ces questions délicates la jurisprudence soit à parfaire et que son évolution doive être suivie avec attention.