J’observe depuis quelque temps une judiciarisation importante des procédures
Décideurs. L’activité législative en matière de restructuring a été mouvementée récemment, comment analysez-vous ces changements ?
Lionel Spizzichino.
Le premier changement est la modification, attendue depuis sa promulgation il y a déjà un an, de la législation sur la sauvegarde financière accélérée. Les holdings de groupes sous LBO, qui portent classiquement une partie de la dette, ont enfin accès à cette procédure. Cependant, cette procédure n’a pour l’instant jamais été utilisée à ma connaissance et on peut légitimement se demander si elle le sera davantage à l’avenir. En effet, son utilité réside principalement dans son pouvoir de dissuasion par la simple perspective de l’ouverture d’une telle procédure qui permet de convaincre les créanciers financiers minoritaires récalcitrants. La seconde actualité concerne la loi du 12 mars 2012 relative aux mesures conservatoires en matière de procédure collective dite loi Petroplus. Une loi d’émotion, d’application immédiate, ce qui est assez rare en la matière pour être souligné. Il n’est jamais bon de réformer ainsi de manière précipitée en fonction de l’actualité. Le droit des procédures collectives mérite mieux que des lois d’émotion. En outre, notre marché est souvent perçu de manière assez anxiogène pour les investisseurs étrangers, et ces nouvelles mesures risquent malheureusement d’amplifier le phénomène.

Décideurs. Quels sont les dossiers importants sur lesquels vous avez travaillé dernièrement ?
L. S.
Nous travaillons actuellement, avec mon associé Guillaume Kellner, sur la restructuration du groupe Coop Alsace, entreprise de distribution, avec plus de 4000 collaborateurs et un chiffre d’affaires de 610 millions d’euros. C’est un dossier original puisqu’il s’agit d’une structure coopérative, et donc sans actionnaires, mais avec 170.000 sociétaires. Cette restructuration passe notamment par une filialisation des activités afin de permettre de renforcer les liens avec des partenaires identifiés de la distribution sur chacune des activités du groupe. Un autre dossier récent est celui de Manurhin, leader mondial dans la fabrication de machines à produire des munitions. Le groupe confronté à des difficultés de trésorerie, aggravées par une réduction du crédit-fournisseur et une remise en cause des garanties bancaires sur les marchés en cours a du trouver des investisseurs au nombre desquels, Giat Industries, que nous représentions et qui est intervenu en minoritaire au côté de Sofired et d’un industriel slovaque de la défense. L’intérêt de ce dossier résidait notamment dans la sensibilité du secteur d’activité concerné.

Décideurs. Quelle est la valeur ajoutée de votre équipe restructuring chez Paul Hastings ?
L. S.
Comme vous le savez, j’ai rejoins Paul Hastings en septembre dernier pour créer l’équipe restructuring. L’esprit qui nous anime s’apparente à un modèle de start up, un projet entrepreneurial dans lequel nous sommes tous très impliqués. Notre manière de travailler est très collaborative au sein même de l’équipe comme avec les autres départements du cabinet (corporate, tax, immobilier, etc.). En ce qui concerne notre activité, nous n’avons pas de secteurs de prédilection et nous sommes intervenus récemment dans des secteurs aussi variés que l’armement, le service, la distribution, la téléphonie, l’ingénierie et les médias. Nous intervenons dans le cadre très large de la prévention et du traitement des entreprises en crise, que ce soit du côté du débiteur, de ses actionnaires, des créanciers ou des repreneurs.

Décideurs. Un certain nombre d’entreprises sous LBO vont devoir se refinancer dans les années à venir, faut-il s’attendre à une vague de restructurations ?
L. S.
Cela fait déjà un certain temps que l’on entend parler du mur de la dette et une étude récente parle même de 550 milliards de dette au niveau européen. Je crois qu’il ne faut pas exagérer ce phénomène. Le management de sociétés sous LBO ainsi que les fonds d’investissements sont généralement d’excellents gestionnaires. D’ailleurs comparativement aux autres entreprises, les sociétés sous LBO ont, en moyenne, mieux résisté à la crise de 2009. D’un autre côté, il est vrai qu’un certain nombre d’opérations de LBO des années fastes 2004/2008 avec des business plan beaucoup trop optimistes et des leviers beaucoup trop importants vont être confrontées à des renégociations d’autant plus difficiles qu’elles risquent d’arriver sur le marché en même temps. La gestion de ces restructurations dépendra bien évidement de la disponibilité alors des financements bancaires ou de sources alternatives comme le high yield. Cela étant certains acteurs avisés, et bien conseillés, préfèrent d’ores et déjà anticiper en renégociant leur endettement en amont de la maturité de leur dette.

Décideurs. Quelles sont selon vous les tendances concernant le marché du restructuring ?
L. S.
Tout d’abord, j’observe depuis quelque temps une judiciarisation importante des procédures avec une augmentation de la taille des sociétés en cause. Nous l’avons vu avec des affaires rendues médiatiques comme Petroplus, Mory, Lejaby, Seafrance, La Tribune et j’en passe. Déjà fragilisées par la crise de 2008, ces sociétés n’ont pu faire face à la nouvelle phase aigue de la crise et au gel des financements lié aux tensions sur les dettes souveraines.
Pour la reprise à la barre des entreprises en procédures collectives, nous avons vu apparaitre ces derniers temps des acteurs industriels étrangers et notamment asiatiques, ce qui demande aux praticiens que nous sommes un véritable travail d’explication des spécificités de ce type de reprise. Cet intérêt récent permet d’élargir le scope des repreneurs potentiels et de permettre de nouvelles perspectives de sortie en plan de cession pour les entreprises et ses salariés.
Ensuite, de manière plus conjoncturelle, la crise actuelle provoque des crises sectorielles, ce qui devrait nourrir les futures opérations de restructuration. Je pense notamment au secteur du retail, fortement touché par la crise comme tous les secteurs B to C. Je pense également aux équipementiers qui traversent depuis quelques années déjà un période très difficile, pour lesquels des solutions sont parfois trouver directement auprès des constructeurs. Je pense enfin aux sociétés d’ingénierie qui traversent également une période difficile et dont la restructuration est difficile car d’une part le soutien des pouvoirs publics en cette période est moins immédiat car il s’agit d’une population d’ingénieurs moins affectée par la crise de l’emploi. Il est également plus difficile de trouver des repreneurs dans ce secteur car ces sociétés n’ont souvent comme actif que leurs forces vives et le risque est alors pour les repreneurs de se retrouver avec une « coquille vide » si les ingénieurs repris n’adhèrent pas au projet.
Enfin, un autre élément marquant qui n’est pas une tendance mais qui mérite d’être souligné est l’importance accrue du CIRI. Il a été extrêmement utile et efficace depuis le début de la crise et continue à l’être. C’est devenu un acteur incontournable du paysage français du restructuring aux cotés bien évidemment des administrateurs judiciaires et des mandataires.


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