Modes alternatifs de règlement des conflits, pénalisation des affaires, nouvelle réglementation européenne de la protection des données… De nouvelles pratiques chamboulent l’univers du droit. La 19e édition du Sommet du Droit organisée par Décideurs et Leaders League revient sur les expériences des acteurs du monde juridique et expose les solutions pour s’adapter à cet environnement mouvant.

Un chemin de pierre indique la voie à suivre à la lisière du bois de Boulogne. Quelques variétés d’arbres courbent l’échine au-dessus d’une étendue d’eau endormie. On entendrait presque les oiseaux chanter et quelques gouttes de pluie subliment ce paysage digne d’un tableau de Monet. Pourtant, à l’intérieur du pavillon d’Armenonville, l’émulation. Le petit bâtiment de chasse réunissait le 31 janvier dernier les représentants des professions juridiques du monde des affaires. L’après-midi s’est ouvert sur la conférence plénière qui les accueille en nombre suivie de tables rondes sur des sujets très variés : « Faire face à de nouvelles formes de risques », « Les nouveaux enjeux de l’arbitrage » ou encore « Fiscalité : un cadre en perpétuel mouvement »

 

Des clients plus exigeants

Les entreprises ont des besoins qui évoluent, et leurs exigences en matière de prestations juridiques grandissent. L’équilibre entre la qualité de la prestation et son prix devient de plus en plus important. « On n’a pas de client fidèle aujourd’hui », lance le fondateur et associé dirigeant de Simon Associés, Jean-Charles Simon, sur un ton provocateur. Avant de donner l’une des clés de son cabinet pour enrayer le phénomène : « C’est avec beaucoup de bienveillance interne que nous les retenons. » Le meilleurs moyen selon lui, couplé à une grande technicité, d’obtenir leur confiance. Avant de rajouter que les clients sont également sensibles au fait qu’il existe une bonne communication entre les équipes, surtout lorsque les plus expérimentés prennent le temps de partager avec les juniors. L’une des raisons pour laquelle Simon Associés a récemment recruté une spécialiste du business developpment dont l’un des rôles est d’accompagner les avocats du cabinet à la détermination de leur stratégie commerciale. Certains des professionnels du droit les plus talentueux adaptent donc leur pratique aux nouveaux paradigmes qui s’installent.

Autrement dit, les métiers des « in-house » évoluent eux aussi. En cause ? Outre le changement de comportement de leurs clients, la montée en puissance des contraintes juridiques dans la détermination de la stratégie de tout un groupe d’une part. SiMartial Houille en effet, secrétaire général et directeur juridique de Direct Energie, voit « le contentieux comme un échec », d’autres en font un élément de direction de l’entreprise. La révolution numérique d’autre part. Élisabeth Monegier du Sorbier, directrice juridique de La Française des Jeux, l’affirme : le mode d’exercice des métiers du droit va changer. Le client ne viendra plus chercher seulement des informations désormais accessibles sur les plateformes informatiques, mais une expérience client enrichissante.Les modes alternatifs de règlement des conflits enfin. Les institutions encouragent de plus en plus de professionnels du droit et d’entrepreneurs à y recourir. L’arbitrage, qui en fait partie, est recommandé par Élisabeth Monegier du Sorbier pour les petits contentieux. Elle rappelle le lien solide entre contentieux et droit : « La stratégie judiciaire et le judiciaire nourrissent le droit au quotidien ». Pour Noémie Du Rivau en revanche, general counsel d’Aperam, l’arbitrage est « une machine à gaz », en raison, dit-elle, de sa mouvance et de sa complexité.

 

L’arbitrage international : un combat permanent

Majoritairement, les opinions se rejoignent : l’arbitrage international demande de prendre des précautions particulières. La localisation des audiences arbitrales par exemple pose problème lorsque les pratiques juridiques locales diffèrent fortement de celles qui ont cours en France. « Je me battrai si le tribunal se situe dans un pays en lequel je n’ai pas confiance », affirme Patrick Noonan, ancien secrétaire général, directeur juridique et membre indépendant du comité d’investissement de Profile Investment (Third Party Litigation Finance) de Nexans. Yves Derains témoigne lui-aussi : « Deux choses qu’il ne faut pas accepter : une institution qui n’est pas sérieuse et des pays non démocratiques. »

Le prix de l’arbitrage fait lui aussi débat. Certaines entreprises s’adressent à des tiers payeurs pour le financer. Mais la démarche divise : « À mon sens, le recours au tiers payeur pose un problème évident, lance Stéphane Faucher, le directeur juridique de Spie Batignolles. Les intérêts de l’entreprise et du tiers financeur ne sont pas alignés. » En effet, alors que l’entité impliquée dans une procédure contentieuse cherche à obtenir le meilleur résultat possible, quitte à abandonner la voie judiciaire pour transiger, le fonds qui finance le litige se rémunère avec un pourcentage sur les résultats…

L’arbitrage en revanche peut avoir un effet dissuasif pour les petites entreprises face aux grands groupes, ces derniers ayant les moyens de financer une procédure contentieuseUn élément de pression qui, pour Stéphane Faucher, « pollue la relation commerciale ». Heureusement, la place de Paris continue à déployer tous les moyens en sa possession pour inciter les entreprises à résoudre leurs conflits commerciaux dans nos tribunaux. L'ancienne directrice juridique juridique d’Orano (ex-Areva), Marie-Aude Ziadé, qui a fondé son propre cabinet d’avocats, fait part de son enthousiasme à l’arrivée de la chambre de commerce international de la cour d’appel de Paris.

 

Effrayer le monde des affaires

Pour Cyril Gosset, le nouvel associé d’Emmanuel Marsigny « mis à part Sapin 2, nous n’avons pas observé la création de nouvelles infractions », on assiste plutôt à une modification de la manière dont les enquêtes sont menées ainsi qu’à « une augmentation du niveau de pression pénale. » Alors qu’il y a encore quelques années, le chef d’entreprise évoquait rapidement ces problématiques, aujourd’hui il considère que le risque pénal est particulièrement présent. C’est la raison pour laquelle, les directeurs juridiques et les avocats présents au Sommet du droit prônent la prévention afin d’anticiper toute mauvaise surprise en cas d’enquête pénale. Une prise de conscience globale.

Si les nouvelles mesures de conformité imposées ces dernières années par les autorités de contrôle et d’enquête peuvent effrayer le monde des affaires, il faut savoir que, « au contraire, la compliance est là non seulement pour protéger l’entreprise, ses salariés et ses dirigeants contre des sanctions pénales, mais qu’elle permet aussi d’assurer une croissance pérenne acquise sur de fondamentaux solides », répond Marc Jany, vice-président et global head of business ethics and compliance de Dassault Systèmes. La plupart des entreprises sont prêtes et ne craignent pas de faire l’objet d’une enquête de l’AFA : « La question n’est pas d’être contrôlé ou non, mais plutôt de savoir quand nous serons contrôlés », confirme Sophie Gelbert, la directrice des affaires juridiques et secrétaire du conseil d’administration d’Air France. Le groupe Casino, représenté par son directeur des risques et de la conformité Jean-Marie Gauvain, met en avant son application des programmes de conformité : formations (e-learning, présentiel), déclarations de non-conflits d’intérêt, vulgarisation du questionnaire.

 

La France augmente sa compétitivité internationale

Ces bonnes pratiques n’empêchent cependant pas quelques inquiétudes. Marc Jany témoigne de son expérience à l’international pour Dassault Systèmes. Ce n’est pas toujours simple d’appliquer ces nouvelles normes dans chacune des filiales du groupe, chaque pays disposant de pratiques locales. « Nous avons a déjà eu des désaccords avec nos homologues américains pour tenter d’appliquer la loi Sapin 2 », réagit le vice-président. Et ce d’autant plus que « L’harmonisation des réglementations n’est pas toujours évidente », ajoute Daniel Pinazo, responsable des solutions compliance, BVD info.,Compliqué donc, mais tout de même bénéfique. Les intervenants sont en effet tous d’accord pour dire qu’aujourd’hui, grâce à cette mise à niveau de la compliance dans le pays, la France augmente sa compétitivité internationale.

Rendez-vous dans un an pour observer les évolutions sur secteur juridiques à l’occasion de la très attendue vingtième édition du Sommet du Droit.

 

Marine Noehser (Mnsh57)

 

 

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