Christophe Roquilly : favoriser l'émergence du juriste augmenté
À l’origine, Christophe Roquilly ne se destinait pas forcément à l’enseignement. Pourtant cela fait maintenant plus de trente ans qu’il exerce au sein de l’Edhec, une grande école de commerce française. "Pendant ma thèse en droit privé, une de mes professeurs m’a parlé d’un poste d’assistant-professeur à l’Edhec et j’y suis allé, se souvient-il. Je suis resté car j’ai eu l’occasion de faire des choses variées et intéressantes, de prendre des responsabilités, y compris de direction, et de relever des challenges très différents." À cette époque l’école ne possédait pas de département d’enseignement et de recherche juridique. C’est lui qui, quelques années après son arrivée, a créé le centre LegalEdhec dont l’équipe a peu à peu développé les cours de droit au sein de la business school, ainsi que plusieurs programmes développés avec des partenaires. Sous l’impulsion de l’enseignant, un autre cap est passé en septembre 2020 avec la création de l’Edhec Augmented Law Institute dont Christophe Roquilly devient le directeur.
"J’aime l’idée de travailler sur un projet commun, qui a de l’impact auprès des étudiants, de nos partenaires et plus généralement sur le marché du droit"
L’équipe de onze personnes qui composent aujourd’hui l’institut travaille évidemment sur la formation et l’enseignement dispensé aux étudiants et aux professionnels, mais pas seulement. "Nous faisons également de la recherche en essayant de couvrir deux grands sujets : l’évolution du droit dans sa prise en compte des enjeux technologiques et l’évolution plus générale des professions juridiques", détaille le directeur. Enfin, l’Edhec Augmented Law Institute développe des services innovants à destination des professionnels du droit, comme des offres de formation ou encore des indices de performance et des certifications. "Tout ça à un lien grâce à une approche qu’on a appelée 'start-up recherche', explique Christophe Roquilly. Le but est de créer des offres et des services innovants à partir de nos travaux de recherche." La mission de ce dernier ne s’arrête pas là puisque son poste implique également du management et de la coordination d’équipe, du développement stratégique et du financement. C’est cette diversité qui lui plaît tout particulièrement : "J’ai la chance de pouvoir échanger, en interne et en externe, avec des personnes qui possèdent des compétences que je n’ai pas, ce qui me permet de continuer à apprendre. J’aime aussi l’idée de travailler sur un projet commun, qui a de l’impact auprès des étudiants, de nos partenaires et plus généralement sur le marché du droit."
Contribuer à l’évolution du marché
Christophe Roquilly s’est intéressé très tôt à la place du numérique dans les métiers du droit. "Notre équipe a beaucoup travaillé, à la fin des années 1990 et début 2000, sur la relation entre le droit et Internet, notamment avec un groupe international de chercheurs en droit qui s’intéressait à l’intelligence artificielle, raconte ce dernier. Je côtoie aussi des collègues spécialistes d’autres matières que la mienne, ce qui m’a aidé à prendre conscience de certains sujets. Je me suis par exemple beaucoup nourri de mes échanges avec des professeurs en stratégie qui essayent notamment d’imaginer la façon dont le business et l’économie vont évoluer dans le futur." L’Edhec a aussi la particularité d’entretenir une proximité historique avec le monde des entreprises, le directeur reconnaît que cela l’a amené à envisager l’évolution des professions juridiques de manière très concrète. Il déclare : "Nous sommes en permanence en contact avec le marché du droit, ce qui nous permet de sonder les futurs besoins de formation des juristes. Nous captons les expériences, les besoins et les problématiques rencontrés par les entreprises, puis nous nous emparons de ces sujets dans notre activité de recherche. On essaye d’être à l’écoute du marché et en même temps de contribuer à son évolution."
Le directeur constate qu’aujourd’hui les praticiens ne tombent plus des nues lorsqu’on leur parle du juriste augmenté, car pour bon nombre d’entre eux, cette notion fait partie de leur quotidien. Du côté des étudiants, bien qu’ils soient conscients de cette transformation, ils restent souvent concentrés sur la technique juridique. "Notre rôle est alors de leur expliquer que, même si des compétences en droit sont indispensables, elles ne seront plus suffisantes, souligne Christophe Roquilly. D’autres skills leur seront demandées. Nous les poussons donc à être curieux, à ne pas se laisser enfermer dans une voie toute tracée et à se donner le maximum de chances." Prônant la bienveillance, l’enseignant cherche aussi à transmettre des valeurs humaines : être fier de son travail en restant respectueux et savoir dire merci. Il considère "qu’à l’arrivée, ce qui est difficile à acquérir et qui n’a pas de prix c’est un réseau de confiance".