Le 5 novembre prochain, nous connaîtrons le vainqueur de l’élection présidentielle américaine 2024. Entre un second mandat pour le républicain Donald Trump et un premier pour la démocrate Kamala Harris, tout un pays se déchire. L’occasion de s’intéresser aux répercussions économiques pour le Vieux Continent en cas de victoire de celle qui pourrait être la première femme à s’installer à la Maison Blanche.

Bien malin celui qui pourrait prédire les résultats du prochain scrutin présidentiel américain qui pour certains apparaît comme le plus serré de l’histoire outre-Atlantique. Les derniers sondages du 29 octobre de la chaîne CBS et de l’institut de sondages YouGov donnent Kamala Harris à 51% et Donald Trump à 49%, pile dans la marge d’erreur que comporte toute étude de ce type. Le programme économique est, comme souvent, un des points clés de l’élection entre un Donald Trump qui se présente comme le chantre de la réussite financière et une Kamala Harris qui s’inscrit dans le sillage de Joe Biden.

"Réduire le coût de la vie" aux États-Unis

Kamala Harris souhaite imprimer sa marque démocrate par des mesures concrètes qui toucheront directement le porte-monnaie des Américains. Concernant le pouvoir d’achat, elle promet des allégements fiscaux à plus de 100 millions de citoyens à faibles revenus mais aussi d’interdire, au niveau fédéral, des hausses de prix abusives sur les denrées alimentaires. Une politique toujours difficile à mettre en place sans fortes dépenses publiques. Pour faciliter l’accès à la propriété, elle propose une aide allant jusqu’à 25 000 dollars d’apport à l’achat aux primo-accédants et pour favoriser la natalité, elle imagine un crédit d’impôt enfant accordant jusqu’à 6 000 dollars aux familles au cours de la première année de vie d’un nouveau-né.

Quand Donald Trump promet de détricoter les mesures prises par Joe Biden en la matière, sa vice-présidente garantit, elle, de plafonner les prix de certains médicaments

Enfin, Kamala Harris ne pouvait pas omettre l’épineux sujet de la santé, grande ligne de démarcation entre républicains et démocrates. Quand Donald Trump promet de détricoter les mesures prises par Joe Biden en la matière, sa vice-présidente garantit, elle, de plafonner les prix de certains médicaments tout en s’attaquant à l’endettement des Américains pour se soigner. "Donald Trump se bat pour les milliardaires et les grandes entreprises", déclare-t-elle. "Je me battrai pour redonner de l’argent aux travailleurs américains et à la classe moyenne."

La riposte de l’ancien président ne s’est pas faite attendre, qualifiant sa rivale du sobriquet de "camarade Kamela" la taxant d’être "à fond dans le communisme", quand certains experts décrivent le programme de l’ancienne procureure de Californie comme peu engagé et dénué de politiques fortes. Pourtant, sur la scène internationale, les mesures économiques auront aussi leur lot de conséquences.

Protectionnisme à la sauce démocrate

Si Kamala Harris remporte l’élection présidentielle, les Européens pourront souffler. La politique extérieure menée sera moins agressive à leur égard que celle de l’ancien présentateur de téléréalité. Consciente de son atout, elle a insisté sur ce point lors de la présentation de son programme économique rappelant que son rival souhaite augmenter les droits de douane, une mesure qui imposerait "une taxe nationale sur la consommation" aux effets dévastateurs, qu’elle évalue à 3 900 dollars par an pour une famille moyenne. Ces taxes "Trump" sur l’énergie, l’alimentation, les technologies auraient aussi des répercussions fortes sur les entreprises européennes qui verraient la compétitivité prix de leurs produits outre-Atlantique se réduire comme peau de chagrin et leurs ventes diminuer drastiquement.

"Les démocrates sont aussi très protectionnistes. Par le biais de subventions sectorielles, ils créent les conditions d’une concurrence déloyale avec les Européens", selon l'économiste Maxime Darmet

Pour autant,  les portes du pays de l’Oncle Sam ne seraient pas grandes ouvertes aux entrepreneurs européens. Maxime Darmet, senior économiste chez Allianz Trade, spécialiste des zones américaines et françaises confirme que, "à leur façon, les démocrates sont aussi très protectionnistes. Par le biais de subventions sectorielles, ils créent les conditions d’une concurrence déloyale avec les Européens". La politique industrielle s’amplifierait, notamment dans cinq secteurs ciblés : le biomédical, l’intelligence artificielle, l’aéronautique, le spatial et les énergies vertes. Ces domaines stratégiques à forte valeur ajoutée seront soumis à une plus grande concurrence au détriment des champions du Vieux Continent.

Pas de surchauffe de l’économie

Les dirigeants américains vont aussi pousser leurs homologues européens à être plus agressifs à l’égard des IDE provenant de Chine, afin de préserver la domination économique des États-Unis. "La politique de Donal Trump pourrait aliéner les dirigeants européens et les éloigner des Etats-Unis, voir les rapprocher de la Chine. Les démocrates seront beaucoup plus subtils et agiront plus dans le calme des discussions de couloirs plutôt que sur le devant de la scène", avance l’économiste.

Plus prudente sur le plan budgétaire, l’actuelle vice-présidente n’engendrerait probablement pas de surchauffe de l’économie américaine

Une certitude, les conséquences macroéconomiques pour les Européens seraient moindres en cas de victoire de la Californienne. Plus prudente sur le plan budgétaire, l’actuelle vice-présidente n’engendrerait probablement pas de surchauffe de l’économie américaine ni "de retour de l’inflation, à la différence des politiques républicaines", confirme Maxime Darmet.

Si le programme économique démocrate peut apparaître comme une réussite aux yeux des entrepreneurs de l’UE, ce n’est pas le cas de sa politique climatique. Afin de faire basculer la Pennsylvanie, un des sept états clés des élections, Kamala Harris a assuré qu’elle ne s’opposerait pas à la fracturation hydraulique, une méthode d'extraction d'hydrocarbures extrêmement nocive pour l’environnement. En cas de victoire démocrate le 5 novembre, tous les feux ne seront donc pas totalement au vert pour les Européens.

Tom Laufenburger