Dans la première partie de cette interview, le président du groupe Cegid revient sur les raisons qui l'ont amené sur le chemin de l'entrepreneuriat. 
Décideurs. Quelles sont les principales raisons qui vous ont poussé sur le chemin de la création d’entreprise ?
Jean-Michel Aulas.
Le désir de créer mon entreprise s’est nourri de la conjoncture sociale et politique de l’époque. Soixante-huitard précoce, j’ai été très marqué par une affiche placée à Odéon sur laquelle était inscrit : «?Il est interdit d’interdire?». C’est ce créneau qui m’a guidé et, effectivement, tout paraissait possible. Cette irrésistible envie d’entreprendre a également été forgée en réaction à mon environnement familial. Mes parents étaient tous deux fonctionnaires et je dois reconnaître que je me suis très rapidement imaginé un avenir en rupture totale avec cette tradition familiale.

Décideurs. Dans votre parcours d’entrepreneur, quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?
J.-M.?A.
Si j’ai eu à faire face à de nombreux obstacles, aucun d’eux ne fut rédhibitoire. La volonté et l’enthousiasme étaient tels que ces difficultés se sont rapidement transformées en opportunités. Durant cette période, il était encore simple de créer son entreprise et de la développer. Il était tout aussi aisé de trouver de l’épargne de proximité. La fin des années soixante correspond également à des changements technologiques majeurs. L’appétit du marché pour ces nouvelles technologies a donc grandement facilité le lancement de mon aventure entrepreneuriale.

Décideurs. Vous avez dernièrement souligné avoir bénéficié, lors du lancement de Cegid en 1983, du soutien de l’ensemble d’un écosystème (politique et social notamment). Serait-ce encore le cas aujourd’hui ?
J.-M.?A.
Je pense que le contexte était effectivement plus favorable qu’il ne l’est aujourd’hui. Nous étions, d’une part, dans une période de forte croissance où l’offre et la demande se croisaient. Il s'avère plus facile de créer l’offre lorsqu’il y a de la demande que l’inverse. D’autre part, les banques étaient organisées différemment. Elles n’étaient pas encore devenues les prêteurs sur gages que l’on connaît aujourd’hui et se trouvaient donc en capacité d’accompagner les créateurs d’entreprises.

Décideurs. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui ont aujourd’hui l’envie de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?
J.-M.?A.
Je leur dirais tout simplement de foncer et d’avoir le courage de prendre des risques. Les banquiers exigent désormais des business plans très détaillés. Mais si leur réalisation est une chose, la réalité en est une autre. Il appartient, à mon sens, aux établissements bancaires et aux prêteurs de jouer le jeu du crédit et d'accorder ou non leur confiance en fonction de statistiques établies sur le passé. Je suis exaspéré d’entendre dire que certains secteurs d’activité ne sont pas ouverts à la création ou au développement sous prétexte qu’il y a eu des sinistres dans le passé. Nous sommes aujourd’hui entrés dans des cycles économiques fondamentalement différents, beaucoup plus courts. Il ne faut plus juger les projets sur des modèles statistiques obsolètes. Les changements et les ruptures induisent désormais de formidables opportunités de développement pour des secteurs en difficulté. Par ailleurs, la performance des personnes ne se mesure pas uniquement à leur capacité à toujours réussir, elle se mesure également en fonction de leur capacité à encaisser un certain nombre d’échecs.

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Propos recueillis par Aurélien Florin

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