Stanislas de Bentzmann, président de Devoteam et de Croissance Plus
Décideurs. Quelles sont les causes des difficultés que rencontre la France ?
Stanislas de Bentzmann.
La grande majorité des problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés vient du blocage de notre économie. En la dégrippant, nous lutterions efficacement contre le chômage, nous financerions nos besoins régaliens et endiguerions la montée des extrémismes.
Il est évident qu’il n’y a pas de pays prospère sans entreprises florissantes. Or durant ces vingt dernières années, les lois votées ont tout simplement vidé notre économie de sa substance. Et dire que nos difficultés sont dues à la mondialisation est un argument spécieux. Mis à part la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, les pays de l’OCDE présentent tous un taux de chômage moitié moins important et un niveau de dette plus soutenable que le nôtre. Malheureusement, la France reste sur la voie du chômage de masse en faisant peser sur les entreprises et les ménages une fiscalité confiscatoire, et cela pour financer un État providence qui n’a pas su se réformer. Certes les pays scandinaves, par exemple, ont également fait le choix d’une fiscalité « lourde » auprès des particuliers mais, contrairement à nous, ils ont pris soin de sanctuariser leurs entreprises en mettant en place une fiscalité allégée à leur intention.

Décideurs. La France peut-elle se relever ?
S. de B.
De formidables opportunités se présentent devant nous. Un nouveau monde émerge mais nous sommes trop enfermés dans nos problèmes structurels locaux pour nous en apercevoir.
Le phénomène de délocalisation par les coûts touche à sa fin en raison notamment du boom salarial que connaissent les pays émergents.
L’explosion de l'innovation et des systèmes d’information engendrent, en outre, des gains de productivité importants et encore difficilement quantifiables.
Enfin, nous assistons à l’émergence de nouveaux business models. Le monde se transforme à une vitesse considérable. Nos enfants consomment, communiquent, se soignent et se déplacent différemment. Ce phénomène est en train de rebattre toutes les cartes. Un Ipad fabriqué en Chine et vendu 500 euros aux États-Unis crée seulement 5 euros de valeurs dans l’Empire du Milieu et près de 495 euros au pays de l’Oncle Sam ! Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que la richesse se crée notamment avec les brevets. Ce sont les pays les plus innovants qui sortiront gagnants et la France a, dans ce domaine, de nombreux atouts à faire valoir.

Décideurs. Que pensez du nouveau gouvernement ?
S. de B.
Aucun membre de ce nouveau gouvernement n’a de réelle expérience en entreprise. Comment un gouvernement qui est censé représenter tous les Français peut être composé à 70 % de fonctionnaires et à 30 % de professionnels du monde politique ? Comment s’étonner ensuite que nos décideurs politiques aient une vision trop figée et dogmatique du monde de l'entreprise. La rigidité des lois votées est extrêmement pénalisante pour l’entreprise. Prenons le code du travail, apparu en 1910, le nombre d’articles qui le compose est passé de 600 en 1973 à 3 800 en 2003 pour atteindre 10 000 aujourd’hui. Cette rigidité est archaïque et source de perte de compétitivité. Résultat, la France a perdu 35 % de part de marché sur le plan du commerce extérieur en dix ans. Des chiffres alarmants qui nous classent en dernière position de l’ensemble des pays de l’OCDE sur la même période.

Décideurs. Vous avez appelé l’État français à baisser de plus de cent milliards d’euros les dépenses publiques : le choc engendré par une telle baisse ne serait-il pas trop déstabilisant pour notre économie ?
S. de B.
Au contraire, ce choc devra être violent si l’on veut relancer notre économie. Cette somme correspond au différentiel de charges et d’impôts que nous subissons par rapport à l’Allemagne. Ces 130 milliards correspondent à de l’investissement, des dividendes, de la recherche et du développement qui ne sont, à l’heure actuelle, pas réalisés. Cette décision de réduction serait un message fort pour relancer l’investissement des entreprises qui se sont appauvries sous le poids de la fiscalité. Une pression fiscale injuste et économiquement improductive. Preuve en est, les rendements des impôts ont baissé. Nous sommes donc arrivés au bout du chemin, il est désormais temps de faire preuve de courage et d’ambition.

Décideurs. L’instauration d’un contrat de travail unique, et par conséquent la suppression du CDI, est-il concrètement possible ?
S. de B
. Bien sûr ! Il ne faut se mettre aucun frein. J’ai la conviction que le contrat unique sera tôt ou tard mis en place, pour la simple et bonne raison qu’il répond aux attentes des entrepreneurs mais également des salariés. En adaptant un contrat de travail unique dont les droits évolueraient au fur et à mesure de l’ancienneté, nous supprimerions la précarité trop souvent attachée aux CDD et donnerions davantage de flexibilité aux entreprises. C’est en outre un outil positif pour sortir de la précarité de nombreux jeunes exclus du monde du travail. La protection des personnes en CDI se faisant au détriment des personnes situées en dehors du marché.

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