Pour le président de l'association des credit managers, la LME a révolutionné les pratiques quant aux délais de paiement.
Décideurs. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’Association française des credit managers ?
Éric Latreuille : L’AFDCC compte environ 800 adhérents à ce jour et fêtera ses 45 ans en 2015. Le métier de credit manager doit gagner encore en notoriété et asseoir sa profession. Le diplôme constitue un axe majeur de reconnaissance vis-à-vis des employeurs. La formation représente ainsi 55 % de notre chiffre d’affaires. Nous enregistrons un très bon succès sur nos deux types de formation. Un premier axe de formation intra et inter, et un deuxième que l’on souhaite développer, celui de la formation en alternance. Nous disposons déjà d’un titre reconnu au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) de chargé de recouvrement, devenu incontournable dans la profession. Nous proposerons, à l’horizon du deuxième semestre 2015, une licence puis un master. L’association est reconnue aujourd’hui pour son expertise. Nous constituons ainsi des groupes de travail sur des thématiques telles que : logiciels de recouvrement, techniques de recouvrement, etc. La production de ces groupes de travail est appelée à être ensuite restituée à l’occasion d’événements nationaux à l’instar de la journée crédit.

Décideurs. Quelle analyse faites-vous de l’évolution des délais de paiement au cours de ces dernières années ?
É. L. En France, le crédit bancaire court terme représente environ 150 milliards d’euros. Le crédit inter-entreprises, lui, 650 milliards d’euros. C’est un sujet sur lequel les entreprises s’intéressent de plus en plus. On le retrouve d’ailleurs dans l’évolution dans l’organigramme de la place du credit manager. À titre d’exemple, dans le cadre de mes fonctions professionnelles, je suis rattaché au trésorier groupe de SGD. L’enquête sur les délais de paiement que nous venons de restituer révèle que la LME a constitué une vraie révolution. Auparavant, le délai de paiement faisait partie d’une négociation commerciale et le financier n’intervenait pas. Désormais, c’est lui qui est devenu le décisionnaire en la matière. L’encadrement avec les délais maximaux et les risques d’amendes au pénal ont radicalement changé les comportements. Nous avons assisté en 2009 et en 2010 à des chutes brutales du nombre de jours de crédit clients (ou Days Sales Outstanding – DSO) – de l’ordre de vingt à vingt-cinq jours. En 2013, on constate encore une réduction du délai de paiement. Mais elle s’explique cette fois-ci par les techniques et les pratiques mises en place par les credit manager. La progression s’est faite notamment par le recul des retards de paiement. Les retards à plus de 30 jours ont fortement diminué. Toutefois, on constate une légère augmentation des délais de court, c’est-à-dire ceux compris entre un et dix jours ou dix à trente jours. Il existe également des comportements nouveaux de mauvaise foi selon lesquels des entreprises de taille importante inventent de faux litiges pour ne pas régler la facture immédiatement.

Décideurs. Les relations avec un centre de services partagés dédiés à la comptabilité fournisseurs est-elle plus complexe ?
É. L. Oui, indéniablement. Ces centres sont souvent basés dans des pays étrangers. Tout le monde s’accorde à dire que face à un interlocuteur de ce type, la chaîne de paiement s’allonge. Cette industrialisation du processus de paiement implique des répercussions négatives. Bien souvent, les interlocuteurs sont multiples et ne connaissent pas le fournisseur. Cette nouvelle donne suppose que l’entreprise travaille sur une qualité de facturation beaucoup plus forte. La simple omission d’un code ou d’un numéro de bon de commande suffit à faire rejeter la facture et la sortir du système. C’est une évolution en 2013 qui est assez marquante.

Décideurs. L’évolution de la réglementation va-t-elle dans le bon sens ?
É. L. Il existe désormais tout un arsenal réglementaire à la disposition de l’entreprise et du credit manager. Je pense notamment aux frais de recouvrement d’un montant de quarante euros par facture et aux pénalités de retard. C’est une possibilité nouvelle, encore peu ou pas répandue. Actuellement, seulement 63 % des entreprises interrogées dans notre enquête mentionnent les frais et pénalités dans leur facture, et seulement 5 % d’entre elles les facturent. On se trouve dans une situation un peu attentiste où l’on attend de voir ce que les concurrents vont faire. Je pense que nous rejoindrons prochainement les pratiques des entreprises des pays nordiques en la matière qui, elles, intègrent et facturent systématiquement les frais et pénalités, toujours in fine payés. À noter qu’aujourd’hui, l’État calcule et paye automatiquement les pénalités de retard sans que l’entreprise ait à les facturer.

Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz

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