Le succès foudroyant des procédures préventives tend à éclipser les procédures collectives de redressement ou de sauvegarde, qui sont perçues comme moins nobles et plus rudimentaires, au risque d’en détourner les acteurs. Mais sont-elles toujours adaptées à la situation ? Et comment trancher entre ces deux options de procédure ? Quelques clés pour décider.

Il est de bon ton dans notre milieu du restructuring de braquer le projecteur sur les procédures de prévention. Leurs mérites sont indéniables: confidentialité, rapidité d’action (la crise est souvent résolue façon task force en moins de 6 mois), et un taux de succès qui frôle les 70 à 75 % suivant les années. Elles sont réputées moins traumatisantes pour le dirigeant d’entreprise et plus créatives pour les praticiens; là où le redressement judiciaire peut être vécu comme un carcan, la prévention laisse une large place à la négociation et au sur-mesure. De fait, c’est à elle que l’on doit un grand nombre d’initiatives jurisprudentielles qui ont contribué à enrichir les réformes successives. Il est donc bien légitime d’en faire la promotion auprès des entrepreneurs, d’autant que l’encouragement à recourir aux procédures de prévention est aussi un encouragement à venir le plus tôt possible chercher les conseils des spécialistes quand les difficultés se présentent, ce qui est en soi un facteur de succès.

 

Une procédure en fonction des perspectives
Attention pour autant à ce que cet engouement n’alimente pas une forme de snobisme et ne détourne les praticiens et les entrepreneurs des procédures collectives, jugées moins nobles, alors même qu’elles sont plus efficaces dans bien des cas. Quand un outil a fait ses preuves depuis près de 40 ans, c’est qu’il est bon. C’est le cas du redressement judiciaire (dont la sauvegarde n’est qu’une déclinaison): quoique modifié à maintes reprises, le concept inventé en 1985 reste le même, aussi simple que brillant: le gel des dettes, la restauration d’une capacité bénéficiaire, puis l’octroi d’un crédit gratuit sur une durée longue, le tout sous le contrôle du tribunal et de l’administrateur pour éviter les effets d’aubaines. Alors, effectivement, c’est rudimentaire, cela ne fait pas rêver, on ne peut pas se congratuler d’avoir inventé un système ultra-sophistiqué à base de comités de créanciers et de « cram down » mais cela reste diablement efficace. Le plan de redressement, c’est le « percheron » des difficultés de l’entreprise : pour peu que votre entreprise soit redevenue peu ou prou rentable, il vous guidera d’un pied sûr et aplanira la route devant vous, sans beaucoup de finesse mais en sécurité. La conciliation, à l’inverse, ressemble davantage au pur-sang : noble, élégant et rapide… À condition de courir sur du gazon. Il faut rappeler que les procédures préventives sont inefficaces, et même dangereuses, quand l’insuffisance de trésorerie est trop marquée et entrave l’activité quotidienne. De la même manière, et contrairement à une idée trop répandue, ces procédures ne gèlent rien par elles-mêmes et ne doivent pas être utilisées pour faire du dilatoire et retarder des paiements en l’absence de stratégie claire. Elles supposent enfin une très importante mobilisation du dirigeant sur une période brève, consommatrice de ressources internes, et se conçoivent difficilement sans l’implication financière de l’actionnaire. Quand un outil a fait ses preuves depuis près de 40 ans, c’est qu’il est bon. C'est le cas du redressement judiciaire. Il est donc important de faire aussi la promotion du redressement judiciaire qui n’est pas un échec ou une sous-procédure mais tout simplement une technique différente de résolution des difficultés, comportant de nombreux avantages, au premier rang desquelles sa simplicité d’utilisation et sa robustesse. Ajoutons que dans un contexte d’inflation galopante, la faculté de rembourser son passif en dix ans sans intérêts redevient bien plus attractive qu’en période de taux bas. Bref, en fonction du terrain, choisissez votre monture.

 

Sur l'auteur : 
Julie Lavoir est administrateur judiciaire depuis 2010. Elle a créé le cabinet Ascagne en 2014, principalement basé à Paris et Versailles, et s’est associée en 2019 à Aurélien Morel pour ouvrir Ascagne Sud Ouest.

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