Il aurait pu faire toute sa carrière dans les banques d’affaires internationales, mais, motivé par la volonté de prendre part à la stratégie d’un groupe, Pierre-Emmanuel Degermann a choisi de prendre la tangente. Aujourd’hui, Group Head of Strategy, M&A and Public & Regulatory Affairs chez Worldline, il s’attache à inscrire le M&A au service de la stabilité du groupe.

Décideurs. Dès le début, votre carrière s’est construite en M&A, pourquoi avoir fait le choix de passer de la banque au corporate ?

Pierre-Emmanuel Degermann. Ma carrière a commencé par une expérience de 7 ans au sein de la banque Citi. Un parcours assez classique mais qui a commencé en plein pendant la crise financière des subprimes. Pour être honnête, j’ai assez peu ressenti cette conjecture un peu "Rock’n’roll", car j’étais encore un jeune banquier et j’évoluais dans les secteurs de l’énergie et des utilities alors en pleine expansion. J’ai beaucoup appris de cette période passée dans un environnement international, avec une culture de l’excellence bien ancrée, entouré de gens vraiment brillants.

J’avais à cœur d’inscrire le M&A dans un univers industriel, de prendre part à la stratégie. J’ai alors fait un choix audacieux en passant d’une banque américaine internationale à Tereos, un groupe coopératif sucrier français. Autant dire que le changement culturel a été radical. Ces trois années ont été très formatrices et j’ai apprécié l’aspect entrepreneurial de mon poste en travaillant sur des opérations dans des régions "exotiques".

Vous avez ensuite rejoint Ingenico qui a connu une croissance remarquable au cours des dernières années avant d’être racheté en 2020 par Worldline. Comment avez-vous vécu en interne ces étapes?

À mon arrivée chez Ingenico en 2016, j’ai découvert un groupe très structuré, coté au SBF 120 et qui enregistrait une hypercroissance. Cependant, l'avenir du petit boîtier du terminal était déjà incertain. L’ambition était de réinvestir le cash-flow dans des métiers de services de paiement aux commerçants. Le M&A s’est alors concentré sur cette transition du groupe.

En 2020, notre concurrent Worldline a lancé une OPA amicale et les deux groupes ont fusionné autour du service aux commerçants. Je me suis alors retrouvé chez Worldline en passant nécessairement par un moment de flottement post-fusion lorsque certains postes font doublon. J’ai eu la chance d’être maintenu et de voir mes missions élargies, une superbe opportunité. A l'époque le marché européen du paiement était très fragmenté. et le M&A était au coeur de l'ambition de Worldine, qui s'est développé aux deux tiers par acquisitions. 

"le marché a évolué ces dernières années avec de nouvelles tendances plus complexes à apprécier. C’est dans ce contexte que j’ai repris la stratégie du groupe"

Depuis quelques mois, Worldline est chahuté en Bourse, qu’est-ce que cela implique ?

L’ambition de Worldline est d’être le leader européen du paiement, capable de distribuer ses solutions digitales dans un marché européen particulièrement complexe et fragmenté. Nous avons atteint cette ambition à travers une vague de consolidation au cours des dix dernières années, dans un marché favorable, porté par le développement des paiements digitaux, au détriment du cash, particulièrement post-covid. Mais le marché a évolué ces dernières années avec de nouvelles tendances plus complexes à apprécier. C’est dans ce contexte que j’ai repris la stratégie du groupe. Notre objectif dans les prochains mois est de retrouver la stabilité et de se refocaliser sur les segments porteurs. Cette situation est le reflet que le M&A peut aussi être une source de complexité et mobilise des équipes sur des projets d’intégration, parfois au détriment du développement organique. C’est pour cela que nous avons mis sur pause les opérations transformantes pour se concentrer sur la finalisation de nos intégrations et l’innovation produit.

Quel message primordial enseignez-vous à vos équipes?

J’aime m’entourer de personnes qui possèdent une bonne formation technique, ce qui sert de base pour insuffler le sens du business et aller au-delà des chiffres. J'accorde une grande importance à la communication interne, notamment pour préparer le PMI. Bien sûr, la confidentialité est également à prendre en compte mais la clef de la réussite d’un deal M&A, est plus largement d'un plan stratégique, tient à son appropriation par les équipes.

Parcours : 

  • 2007 : diplômé de l’Essec
  • 2007 : intègre Citi d’abord à Londres puis à Paris dans les équipes Investment banking
  • 2013 : rejoint Tereos en qualité de Head of M&A
  • 2016 : devient directeur M&A d’Ingenico
  • 2020 : à la suite de la fusion entre Ingenico et Worldline, il devient Head of M&A de Worldline avant d’être nommé, en 2022, Group Head of M&A and Development
  • Depuis 2023 : Group Head of Strategy, M&A and Public & Regulatory Affairs chez Worldline


Propos recueillis par Béatrice Constans