Ray Yalenghadian (Atos) : "Le M&A est devenu un levier stratégique de différenciation pour les entreprises"
DÉCIDEURS. Comment êtes-vous arrivé au poste d’Head of M&A chez Atos ?
Ray Yalenghadian. J’ai grandi à Beyrouth, où j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur, complété par le programme Grande École d’HEC. J’ai ensuite rejoint BNP Paribas, où j’ai passé 14 années entre Paris et Londres, à couvrir les activités M&A dans l’industrie. Lorsque le Brexit a bouleversé les équilibres, j’ai choisi de relocaliser ma carrière à Paris. Au tournant de la décennie, j’aspirais à davantage d’implication opérationnelle. J’étais proche de rejoindre un acteur de l’aéronautique, c’est alors qu’Atos m’a approché, et j’ai été séduit par ce groupe technologique international aux fortes ambitions de croissance. J’ai rejoint l’entreprise en avril 2020, en pleine crise du Covid.
Comment se déroule le M&A chez Atos depuis votre arrivée ?
J’ai été recruté pour réaliser des acquisitions bolt-on structurantes à l’étranger afin de développer de nouvelles activités. J’ai pu en conclure plusieurs, notamment celle de EcoAct en 2020. Cette société de conseil en stratégie de réduction des émissions de carbone a permis de soutenir l’ambition d’Atos en matière de décarbonation et d’enrichir son portefeuille de solutions dans le secteur de l’énergie. À partir de 2022, avec l’arrivée d’un nouveau CEO, la stratégie du groupe a évolué. La décision a été prise de scinder Atos en deux entités distinctes : l’une reprenant les actifs historiques, l’autre concentrée sur les activités digitales à forte croissance. Cette séparation, importante par son ampleur et sa complexité, a nécessité des cessions stratégiques pour financer l’opération et réduire notre dette. Des transactions comme la vente de nos activités italiennes à Apax Partners, la cession d’EcoAct à Schneider Electric ou plus récemment celle de Worldgrid à Alten, s’inscrivent dans cette logique.
"Concernant les cessions engagées, le point clé est de démontrer que ces activités sont non seulement viables, mais fortement attractives pour tout acheteur, en évitant toute perception de vente contrainte"
Comment appréhendez-vous votre poste en tant qu’Head of M&A dans un contexte de restructuration financière ?
Mon rôle est crucial dans cette période charnière. Il s’agit de structurer les opérations tout en maximisant la valeur des actifs cédés, grâce à une analyse fine du portefeuille. Concernant les cessions engagées, le point clé est de démontrer que ces activités sont non seulement viables, mais fortement attractives pour tout acheteur, en évitant toute perception de vente contrainte. Maintenir un processus compétitif et rigoureux est donc fondamental. En parallèle, la relation étroite avec les dirigeants et l’équipe financière est essentielle pour piloter ces opérations complexes avec succès.
Quelle est votre vision actuelle du marché du M&A ?
Le M&A est devenu un levier stratégique de différenciation pour les entreprises. Il permet non seulement de renforcer leur positionnement, mais aussi de se distinguer dans un environnement de plus en plus exigeant. Face aux tensions géopolitiques, aux enjeux énergétiques et aux fragilités des chaînes d’approvisionnement, les entreprises doivent faire preuve d’une grande agilité. On observe ainsi une régionalisation des marchés plutôt qu’une expansion territoriale, notamment sous l’influence des préoccupations liées à la souveraineté. Dans des secteurs clés, comme la défense, des discussions sont en cours pour que l’État français prenne le contrôle de certaines activités, telles que la production de supercalculateurs chez Atos. C’est un défi passionnant pour les mois à venir.
Comment jonglez-vous entre vie professionnelle et vie privée ?
Je suis marié et père de deux enfants. Le soutien de ma famille m’aide à garder les pieds sur terre et à me ressourcer face au rythme effréné du M&A, un domaine qui me passionne toujours autant. Pour me déconnecter et garder l’esprit clair, je trouve mon équilibre dans la course à pied. Ce sport, simple mais exigeant, me rappelle l’endurance nécessaire dans la gestion des fusions-acquisitions, un marathon plus qu’un sprint.
Parcours :
2004 : achève son master à l’université Saint-Joseph de Beyrouth
2007 : diplômé de HEC Paris, il commence sa carrière chez BNP Paribas, dans le département M&A
2017 : devient directeur M&A Advisory France
2020 : rejoint Atos en tant que Vice President M&A
2023 : promu Head of M&A du groupe
Propos recueillis par Tom Laufenburger