Quand on parle infrastructures, on pense tuyaux, routes, chemins de fer, ports ou réseaux électriques… mais pas forcément à une bande d’arbres de 8 000 kilomètres de long et 15 kilomètres de large. C’est pourtant le projet pharaonique qui est sur la table. Explications.

C’est un plan en gestation depuis les années 1980, conçu en réaction aux grandes sécheresses des années 1970. L’objectif ? Freiner la désertification galopante du Sahel tout en offrant débouchés économiques et opportunités de développement aux populations de la région. Cette gigantesque muraille verte qui s’étendrait de Dakar à Djibouti permettrait de créer plus de 10 millions d’emplois – notamment liés à l’exploitation des terres restaurées – tout en séquestrant 250 millions de tonnes de carbone. Le projet est déjà sur les rails, avec environ 4 millions d’hectares réhabilités entre 2011 et 2019, mais selon les projections, il faudrait restaurer 10 millions d’hectares par an pour tenir l’objectif de 2030. Il est temps d’accélérer.

Investissements

Il semblerait que la communauté internationale en ait pris conscience. En janvier 2021, à l’occasion du One Planet Summit, les différents acteurs se sont engagés à mobiliser 18 milliards de dollars d’ici à 2025 pour le projet. Au mois de novembre, en marge de la COP26, Emmanuel Macron estimait que 48 % des fonds avaient été engagés sur le terrain. Encore insuffisant pour Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification : "C’est un très bon départ mais ce n’est pas suffisant. Le Sahel a besoin de 4 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) par an d’ici 2030 pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés." Si Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, s’est également engagé à abonder le projet de 1 milliard de dollars, il faudra donc aller encore plus loin. C’est d’ailleurs du bon sens économique : selon une étude de l’ONU, pour chaque dollar investi dans cette initiative, les investisseurs peuvent atteindre un rendement moyen de 1,2 dollar.

Bénéfices concrets

Conçu en adéquation avec la flore locale et dans une visée écosystémique, le projet doit tout à la fois permettre de freiner la désertification, faire de la région un puits à carbone et offrir des débouchés économiques à des populations qui en manquent cruellement. "La manière la plus rentable de favoriser la paix, la sécurité, le développement et la bonne santé consiste probablement à financer des activités génératrices de revenus liées à la terre, qui est généralement le principal bien dont disposent les personnes les plus pauvres", relève ainsi Ibrahim Thiaw. Au Sénégal, l’un des pays les plus avancés sur ce projet, les effets sont déjà visibles : la zone Nord du pays a gagné en attractivité et plus de mille emplois ont été créés pour gérer les plantations.

Des effets sur le climat encore incertains

Si l’impact local de la grande muraille verte est largement positif pour la région, les scientifiques travaillent actuellement sur des modélisations de ses conséquences sur le climat à une plus large échelle. Les premières études montrent ainsi que si elle contribue à faire baisser la température estivale de 1,5 degré au Sahel, un report de ces températures pourrait toucher d’autres régions déjà parmi les plus chaudes. En outre, le surplus d’humidité généré pourrait renforcer les cycles de mousson ouest-africains et influencer des phénomènes plus globaux comme El Niño. Des données qui demandent à être affinées mais qui démontrent bien qu’en matière de climat, la solution miracle est à ranger au rang des chimères.

Antoine Morlighem

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