Alors que les professionnels de l’immobilier s’alarment de la discrétion de la question de la production de logements au sein du débat politique, alertent sur la perspective d’une crise majeure, la question du logement reste au second plan dans les programmes.

Comment combiner l’impérieuse nécessité d’une certaine frugalité avec le besoin résidentiel pressant ? La question reste sans réponse tant les injonctions semblent contradictoires pour ce qui concerne la production de logements : l’exécutif l’encourage, par la voix de sa ministre de tutelle comme par celle du Premier ministre, quand la réglementation, indispensable compte tenu de l’urgence environnementale, l’entrave. Les professionnels de l’immobilier l’ont assez largement expliqué ces derniers mois : le logement ont disparu du débat  public. Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) dénonçait cet état de fait dans une tribune diffusée le 11 février : "La problématique de l’habitat a été abordée par le seul prisme du logement aidé et très aidé, occultant les autres segments de la chaîne globale du logement. Or, c’est précisément parce qu’il y aura suffisamment de logements libres ou intermédiaires que le parcours résidentiel des locataires du parc HLM sera encouragé dès lors que l’évolution de leurs ressources le permettra."

L’exécutif  encourage  la production  de logements  quand la réglementation, indispensable compte tenu de l’urgence environnementale, l’entrave

Les passoires au crible

Pour mémoire et pour illustrer l’ampleur de la tâche, jusqu’au 1er  juillet 2021, un logement dont le diagnostic de performance énergétique s’établissait au-delà du "E" était un logement de classe "F" ou "G". Désormais, il s’agit d’une passoire thermique. En tout état de cause, tout le monde semble d’accord sur un effort concerté. Plan de rénovation énergétique pour Jean-Luc Mélenchon, rénovation énergétique obligatoire pour Fabien Roussel, enveloppe de 10 milliards d’euros par an pour la rénovation des bâtiments et des services publics pour Yannick Jadot, multiplication par six des moyens consacrés à l’isolation thermique pour Nicolas Dupont-Aignan, subvention du remplacement des chaudières au fioul pour Marine Le Pen. Éric Zemmour compte, lui, en finir avec les passoires thermiques, tout simplement. Anne Hidalgo se distingue en proposant une mesure déjà en place : l’instauration d’une prime pour rénover les logements.

L’accès à la propriété

Concernant l’accès à la propriété, Yannick Jadot entend permettre l’accès à tous au crédit bancaire, Anne Hidalgo propose la création de foncières publiques, Valérie Pécresse la mise en place d’un prêt à taux zéro pour les jeunes hors des grandes villes, Marine Le Pen pour les jeunes couples primo-accédants, quand Nicolas Dupont-Aignan envisage de l’élargir au plus grand nombre. De son côté, Éric Zemmour suggère de supprimer les frais de notaires aux primo-accédants. Tout le monde est d’accord donc, même s’il convient de rappeler à nos candidats la loi de l’offre et de la demande qui exige, en dehors de toute considération de prix, un certain équilibre. Autrement dit, si le nombre d’acquéreurs progresse, le nombre de logements mis en vente doit augmenter. Or, la FPI estime qu’il manque aujourd’hui un million de logements en France et qu’il faudrait en construire 500 000 par an pendant dix ans pour satisfaire les besoins annuels quand la moyenne de production s’établit à 366 000 logements par an.

Plus de logements sociaux et d'aides aux locataires

Sur  la question des logements sociaux, Yannick Jadot planifie d’en construire 700 000 en cinq ans, Anne Hidalgo 150 000 par an et Jean-Luc Mélenchon 200 000 logements écologiques par an tout en sanctuarisant 30  % de logements sociaux. Fabien Roussel et Jean Lassalle projettent de faire appliquer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Valérie Pécresse se donne dix ans pour éradiquer les "ghettos urbains", Nicolas Dupont-Aignan souhaite créer un contrat de location-accession, lorsque Marine Le Pen et Éric Zemmour aspirent, à instituer une "priorité nationale" pour le logement social et étudiant, et privilégier les Français ayant un emploi ainsi que les mères célibataires. En matière d’aides aux locataires, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot proposent de généraliser l’encadrement des loyers et, respectivement, l’interdiction des expulsions et l’instauration d’une garantie universelle. Fabien Roussel vise une revalorisation et une extension des aides au logement et Valérie Pécresse une extension de la garantie immobilière solidaire. Jean Lassalle aspire à une augmentation du montant des APL quand Éric Zemmour, fidèle à sa ligne, souhaite les réserver aux Français. Notre président chaque fois qu’il le doit et candidat chaque fois qu’il le peut, avait défendu son action en matière de logement face au secrétaire général de la Fondation Abbé Pierre, se félicitant de son bilan tout en reconnaissant qu’une marge de progression demeurait. Un deuxième mandat pourrait lui permettre d’honorer cette enthousiasmante promesse. 

Et en vrai ? 

Si les ventes ont progressé par rapport à une année 2020 cataclysmique, elles sont restées nettement inférieures à leur niveau des années précédentes. Les contraintes qui pèsent sur l’offre interdisent de satisfaire à une demande au rendez-vous, portée par la progression du revenu des ménages, des conditions d’accès au crédit toujours favorables et l’attractivité persistante du logement neuf. Les mises en vente, indicateur clé de la dynamique de production de la promotion immobilière, ont considérablement baissé entre 2019 et 2020, avant d’enregistrer un rebond au premier semestre 2021, puis une nouvelle dégringolade au troisième trimestre (-5 %). Un recul qui trouve son explication dans un phénomène devenu structurel  : en rythme annuel, les maires autorisent aujourd’hui 50 000 logements collectifs de moins qu’en 2017.

Il faudrait  construire 500 000 logements  par an pendant dix ans pour satisfaire  les besoins

Afin de régler la problématique du logement, s’entend celle de sa production, la FPI a établi cinq orientations visant à corriger la situation actuelle : l’émergence de foncier constructible, l’incitation des maires à délivrer des permis de construire, la facilitation de l’acte de construire à travers la cessation de la surenchère normative, le soutien aux ménages accédants et la reconnaissance du rôle des investisseurs particuliers via la création du statut de bailleur privé professionnel. Des axes pas assez pris en compte par les candidats, particulièrement dans un contexte où la politique consiste à flatter aveuglément plutôt qu’à se projeter raisonnablement. Et Pascal Boulanger de conclure : "Si les pouvoirs publics n’agissent pas vite et fort, on s’oriente vers une crise majeure du logement en France. Alors que le logement collectif répond aux enjeux environnementaux et sociétaux, notamment en termes de sobriété énergétique et foncière, il a été oublié au cours de ces cinq dernières années et continue de l’être pendant cette campagne présidentielle." Car, et cette assertion mérite d’être lue assis et bien accroché à sa chaise, pour loger, il faut des logements. 

Alban Castres

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