Par Bernard Geneste, avocat associé, et Saliha Rhaimoura. CMS Bureau Francis Lefebvre
Nombreuses sont les dispositions de la loi n°2011-2012 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, dite « loi médicament », qui doivent encore être précisées par des textes réglementaires d’application, décrets ou arrêtés ministériels notamment.

À la mi-août, sur les 43 textes d’application ainsi attendus, seuls 7 ont été publiés au JORF, laissant ainsi planer le doute quant à l’entrée en vigueur de plus de 36 mesures introduites ou modifiées par la loi.

Parmi ces 36 mesures, deux méritent une attention particulière, compte tenu du contexte dans lequel est intervenue la loi. Il s’agit des deux mesures présentées comme les mesures phares pour restaurer la confiance dans le système de sécurité sanitaire : l’obligation de transparence, d’une part, et le renforcement de la pharmacovigilance, d’autre part.

Une transparence à effet différé
Aux termes du nouvel article L. 1453-1 du Code de la santé publique, les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé sont tenues de rendre publics les conventions conclues et les avantages consentis aux acteurs intervenant dans le champ de la santé (professionnels de santé, associations de professionnels de santé, étudiants, établissements de santé…). Deux décrets sont attendus : un décret simple précisant le seuil au-delà duquel l’obligation de transparence des avantages s’applique et un décret en Conseil d’État relatif à la nature des informations devant être publiées, ainsi que les modalités de publication de ces informations.

Le manquement à cette obligation de transparence est sanctionné pénalement par une amende pouvant atteindre 45 000 euros prévue à l’article L. 1454-3. Selon les termes de la loi, cette sanction pénale ne sera applicable qu’à compter de la publication du décret d’application de l’article L. 1453-1 ou, au plus tard, le 1er août 2012.

Le décret d’application n’ayant pas été publié à cette date, la question de l’entrée en vigueur de l’obligation de transparence telle qu’elle résulte de la loi se pose. En l’absence des modalités pratiques, les dispositions législatives ne peuvent pas s’appliquer. Dès lors, aucune sanction ne peut être infligée aux entreprises alors que les contours de l’obligation qui pèse sur elles (seuils de publication, contenu de l’information à publier…) sont flous.

Cette analyse est d’ailleurs partagée par l’administration. Dans un communiqué de presse daté du 31 juillet 2012, la ministre chargée de la Santé annonce sa décision de reporter l’entrée en vigueur du dispositif – et donc des sanctions – au mois d’octobre prochain.

On notera également, s’agissant toujours de l’entrée en vigueur de la sanction pénale, que, postérieurement à son entrée en vigueur, elle s’appliquera « rétroactivement » puisqu’aussi bien elle s’appliquera y compris aux conventions appliquées ou conclues et aux avantages accordés à compter du 1er janvier 2012.

Sans attendre les textes d’application, certaines entreprises pharmaceutiques ont anticipé l’entrée en vigueur de cette obligation afin de s’y conformer au 1er août 2012. Elles devront sans doute revoir leur stratégie de transparence en octobre 2012…

De la pharmacovigilance sans prescription
Autre mesure phare de la « loi médicament », les règles qui incombent aux acteurs de la santé en matière de pharmacovigilance n’ont pas, à ce jour, été suivies de mesure d’application.

En effet, même si la loi n’a fait que reprendre des dispositions réglementaires préexistantes, ces dernières nécessitent d’être précisées notamment au regard des dispositions de la directive européenne 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2010 modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Or, aux termes de son article 3, « les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 21 juillet 2012 ».
Force est de constater que, une fois encore, la majorité des articles de la directive européenne sur la pharmacovigilance n’a pas à ce jour été transposée en droit français, alors que le délai imparti aux États membres pour ce faire a expiré. Seuls figurent dans la « loi médicament » les articles de la directive concernant les autorisations de mise sur le marché et notamment la possibilité pour les autorités compétentes de demander des études de sécurité et d’efficacité post-autorisation.

Cette situation risque de créer des disparités entre les États membres, dans la mesure où tous les États ne seront pas au même stade de transposition de ladite directive. Une attention toute particulière devra ainsi être portée aux obligations de pharmacovigilance par les entreprises qui commercialisent leurs médicaments dans plusieurs États de l’Union européenne.

En tout état de cause, même en l’absence des textes d’application, il est difficile pour une entreprise pharmaceutique de se soustraire à ses obligations de pharmacovigilance, d’autant que désormais certaines d’entre elles sont susceptibles d’être sanctionnées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au titre de son nouveau pouvoir de sanction administrative. Ainsi, l’ANSM peut désormais infliger une sanction financière pouvant atteindre un million d’euros à tout industriel qui s’abstiendrait, par exemple, de signaler un effet indésirable suspecté.

Dans les deux cas, transparence ou pharmacovigilance, on voit ainsi que le retard pris pour l’adoption et la publication des mesures d’application de la loi place les industriels en situation d’insécurité juridique, par essence insatisfaisante. Erreur de diagnostic ou surcoût du traitement… ou de la prise en charge ? Le patient doit savoir patienter.

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