« L’hypothèse d’une récession économique amène les investisseurs à se diriger vers les actifs prime dans des marchés core »
Décideurs. La crise de la dette menace de peser sur les coûts de financement de l’immobilier. Quels sont les effets sur le marché ?
Magali Marton. Malgré la détérioration du climat économique en Europe et les nombreux remous que provoquent les agences de notations, le marché de l’investissement immobilier se porte plutôt bien. Bien sûr, cette dégradation n’aura pas été sans effet puisque nous avons tout de même dû revoir nos prévisions d’évolutions des taux de rendement et de loyers à la baisse. Nous devrions finir l’année autour de 100 milliards d’euros investis en immobilier d’entreprise en Europe au lieu de 123 milliards prévus en début d’année. De plus, la problématique du financement immobilier s’accentue du fait que les principales banques ont stoppé momentanément leurs opérations de financement en immobilier.
En Europe, plusieurs catégories de pays se distinguent selon la structure de leur marché d’investissement. Tout d’abord, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ainsi que les pays nordiques possèdent un socle important d’investisseurs locaux. C’est la raison majeure pour laquelle ils seront moins touchés par les soubresauts de l’économie européenne. En revanche, pour d’autres pays, une part importante des investisseurs se trouve hors de l’Europe. Alors, si le ralentissement de l’économie se poursuit en 2012, doublé par un scénario de contagion de la dette, les investisseurs jugeront le marché européen comme trop risqué et se retireront.

Décideurs. Quelles directions vont prendre les investissements en Europe ?
M. M. Le bilan du dernier trimestre 2011 sera assez satisfaisant puisqu’en général la fin de l’année reste une période de forte activité. Début 2012, la donne devrait changer. Nous nous attendons à une activité relativement faible et le redressement – si redressement il y a - ne devrait se faire sentir qu’à partir du second semestre 2012. Cependant, tout dépendra de l’évolution de l’économie européenne ou mondiale. L’hypothèse d’une récession économique amène les investisseurs à se diriger vers les actifs prime dans des marchés core, donc moins risqués, conduisant inévitablement à une radicalisation du marché.
En Europe Centrale et de l’Est, la croissance économique se maintient et on relève de belles perspectives économiques pour ces pays en phase de maturité sur les marchés immobiliers, avec notamment de fortes capacités en termes d’investissements venus des acteurs étrangers principalement.
Enfin, à l’autre bout de la chaîne, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce, vont voir leurs volumes d’investissements s’amoindrir sérieusement. Nous pouvons d’ores et déjà imaginer qu’en 2012 ils seront à leur niveau minimum voir nuls pour la Grèce.

Décideurs. Quel est l’impact du retour des fonds souverains sur l’investissement immobilier en Europe ?
M. M.
À l’échelle de la France, les marchés ont largement profité des fonds souverains du Moyen-Orient ou encore du fonds singapourien, comme GIC entre autres. Mais ces derniers ne sont plus les seuls dans le paysage puisque de nouveaux fonds ont fait leur entrée. C’est le cas notamment du fonds norvégien Norges qui est à l’origine d’une joint venture avec Axa Reim. Les investissements immobiliers alors engagés représentent un montant frôlant le milliard d’euros. Nous pouvons également citer l’arrivée de NPS, fonds sud-coréen aux cotés d’Hammerson dans la propriété d’O Parinor, un centre commercial au nord de Paris.
La tendance qui se dessine en France se retrouve en Europe avec un retour des fonds souverains traditionnels sur les opérations immobilières d’envergure. Ces premières acquisitions sont pour eux un moyen de se positionner sur le marché de la dette. Ces joint venture offrent la possibilité aux vendeurs d’obtenir des liquidités pour réaliser leurs projets mis en attente, faute de financement. De plus, tout laisse à penser que 2012 verra l’entrée des fonds chinois sur le marché de la dette. Pour les pays de l’est, ce sont traditonnnement les allemands qui irriguaient le marché d’investissement. Mais les fonds américains seront également présents en 2012 avec un profil sans doute plus opportuniste.
Pour la troisième classe des pays périphériques, celle-ci est certes chahutée, mais des opérations importantes continuent d’être traitées en Italie et en Espagne. L’immobilier commercial notamment est assez résilient et offre de belles capacités de création de valeur. Par exemple, Westfield, un fonds australien prend part au développement d’un centre commercial à Milan, un actif d’un montant d’un milliard d’euros. Dans ces pays, il n’y a aucune raison pour que les bonnes recettes ne fonctionnent pas.

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