Les experts présents aux Rencontres économiques d’Aix sont unanimes : la France doit se réformer. Reste à savoir si elle est en état de le faire.

Trois jours durant, le diagnostic a été répété, unanime et sans appel : la France doit se réformer. Certes. Mais alors que Stéphane Richard, P-DG d’Orange, rappelait la nécessité qu’une réforme soit porteuse de sens – « et non motivée uniquement par du défensif » – pour fonctionner, l’économiste et écrivain Jacques Attali pointait un écueil plus important encore en s’interrogeant sur la capacité de la France à absorber une réforme par les temps qui courent. Des temps « de colère et de rage » plus propices, selon lui, à un soulèvement révolutionnaire qu’à l’acceptation d’une série de réformes, aussi légitimes et nécessaires soient-elles. Démonstration.

 

« Encore un instant Monsieur le bourreau… »

 

« Ce qui pousse les entreprises à la réforme et à l’action, c’est la peur de disparaître, explique Jacques Attali. Les États savent qu’ils ne peuvent pas disparaître. Et cette certitude, cette absence de peur entraîne chez eux une tendance au « Encore un instant Monsieur le bourreau... » qui encourage l’immobilisme. »

« Je ne crois plus à la réforme puisqu’on est englué dans un État incapable d’agir. Je crois à la révolution ! »

Jacques Attali

 

Une logique qui, selon lui, enferme le pays dans un refus de la réforme d’autant plus catégorique qu’il est alimenté par un double frein au changement : celui du « moi d’abord » et du « c’était mieux avant », tous deux solidement ancrés dans l’inconscient collectif français. À cela s’ajoute le poids d’un État qui, selon Jacques Attali, ne parvient pas à donner l’impulsion nécessaire.

« Je ne crois plus à la réforme puisqu’on est englué dans un État incapable d’agir. Je crois à la révolution, affirme-t-il. Nous sommes dans la colère, nous sommes dans la rage, et celles-ci se canalisent dans la révolution, pas dans la réforme. D’autant que nous n’avons jamais été une nation de réforme. »

 

Révolution !

 

Pour l’économiste, le seul vecteur de changement envisageable au sein de la société française reste la révolution - « démocratique bien sûr » - qu’il juge impérative sur trois axes fondamentaux : l’éducation – « la loi El Khomri est une aberration parce qu’elle facilite le licenciement sans accroître l’employabilité, sans développer ni améliorer la formation » assène-t-il –, la sécurité et la justice et, enfin, la gouvernance. « Parce que c’est une folie que d’avoir une classe politique aussi endogamique ! », estime Jacques Attali.

Une vision des axes prioritaires de changement globalement partagée par Henri de Castries, P-DG d’Axa, pour qui la première condition du changement reste les élites et leur capacité à être porteuses d’une vision d’avenir. « C’est parce qu’elles sont aujourd’hui incapables de porter une telle vision sur la transformation du monde qu’elles apparaissent illégitimes » assène-t-il. « Il faut nous réinventer car on ne peut aborder le monde nouveau qui émerge avec  d’anciens schémas dont certains datent du XIXe siècle ! », ajoute-t-il avant de conclure : « Ce qui manque dans ce pays n’est jamais l’intelligence mais parfois le courage. »

 

Par Caroline Castets

 

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