Avec sa levée de fonds de 53 millions d’euros réalisée en 2020, en plein Covid, le leader français de produits de santé connectée, Withings, compte bien, dans un premier temps, développer son nouveau segment BtoB aux Etats-Unis. Rencontre avec Mathieu Letombe, son CEO.

Décideurs. Quels ont été les impacts de la crise sur vos ventes et activité ? 

Mathieu Letombe. Nous avons observé, au niveau de notre activité historique BtoC, une prise de conscience du grand public de l’importance de préserver sa santé et prévenir les risques liés à l’obésité, et ce, en toute autonomie car l’accès aux médecins a été compliqué pendant cette période. Nous avons donc connu une augmentation significative des ventes de nos produits en 2020, de l’ordre de 50% et cette tendance se prolonge en 2021. Les produits concernés sont notre balance connectée, qui reste un "best-seller", et notre tensiomètre qui est en train d’en devenir un ; le Covid ayant mis l’accent sur l’hypertension.  

"Nous avons connu une augmentation significative des ventes de nos produits en 2020, de l’ordre de 50%"

Sur la partie BtoB, créée il y a deux ans, de nouveaux produits physiques ont été développés sur la base de ceux destinés au BtoC, en les rendant cellulaires ; c’est-à-dire en les dotant d’une carte SIM, comme un téléphone, ce qui facilite grandement leur utilisation par les professionnels de santé. Un choix opéré en ce sens car les programmes de santé aux États-Unis, mais aussi en France, s’adressent en particulier aux personnes plus âgées, qui peuvent ne pas disposer des moyens suffisants. Nous avons donc essayé de nous affranchir de la complexité technologique souvent inhérente à l’installation d’un produit mais aussi de la dépendance à la technologie qui en est le corollaire, notamment le smartphone. Une interface patient-médecin a également été déployée. Celle-ci permet aux professionnels de santé de suivre leurs patients à distance et d’être remboursés par l’équivalent de notre Sécurité sociale. La crise a vraiment accéléré la demande en matière de télémédecine. Nous avons gagné trois ans, à l’image du télétravail. 

Que représente le marché américain dans votre chiffre d’affaires ? 

En BtoC, cela représente 40% de notre business mondial, soit l’équivalent de l’Europe entière. En revanche, sur la partie BtoB, on atteint 85% à 90% ; une part qui augmentera encore avec l’étendue de ce type de programme de prévention en Europe. Le Royaume-Uni est notre voisin le plus avancé en la matière, car la National Health Service (NHS) encourage ce type d’initiatives, à l’instar des États-Unis. 

Vous vous partagez le marché de la santé connectée avec des acteurs tels que Apple, Xiaomi ou encore Fitbit. Quels sont vos avantages et positionnement par rapport à ces concurrents ? 

Le seul produit que nous avons en commun avec ces acteurs est notre montre connectée. Mais c’est de notre capacité à mesurer une vingtaine de paramètres médicaux que se démarque notre avantage concurrentiel, et ce, sur l’ensemble de nos produits. Aucun de ces protagonistes ne disposent d’un tensiomètre par exemple et Apple n’a pas de balance. Or, le point central de la plupart des maladies chroniques reste le poids car l’obésité mène à l’hypertension qui mène à l’apnée du sommeil et entraîne bien d’autres problèmes de santé. Notre balance est numéro 1 en France et aux États-Unis, un avantage non négligeable quand on envisage de pénétrer le marché BtoB. 

"C’est de notre capacité à mesurer une vingtaine de paramètres médicaux que se démarque notre avantage concurrentiel"

Autre avantage concurrentiel, celui de la durabilité de nos produits. Pour cela, nous avons misé sur le design et l’autonomie de la batterie. Résultat : au bout de deux ans, 88% des usagers de nos produits les utilisent toujours et au bout de dix ans, 50% se servent encore de leur première balance. En moyenne, le taux d’utilisation des produits connectés de santé des acteurs que vous avez cités est de 60% au bout de six mois. 

Vous avez réalisé une levée de fonds de 53 millions d’euros en 2020, en plein Covid. Un vrai défi ! 

Cela a effectivement été difficile au début car nous ne savions pas si nous allions pouvoir la réaliser. Mais nous avons été rapidement rassurés et heureux de retrouver Bpifrance et Idinvest qui nous avaient accompagnés au début de l’aventure en 2015. Nous cherchions également un fonds dédié à la santé expérimenté dans les IPO au Nasdaq, qui inscrit la suite de l’histoire pour nous. C’est pourquoi nous avons misé sur le fonds hollandais Gilde Healthcare.

Cette levée va nous permettre d’accélérer sur la partie BtoB aux États-Unis, à la fois avec les bons produits mais aussi la force commerciale nécessaire pour se lancer. Nous avons donc fait grossir notre bureau de Boston avec des ressources marketing et commerciales BtoB.  

"Cette levée va nous permettre d’accélérer sur la partie BtoB aux États-Unis"

L’autre moitié de cette levée de fonds est dédiée à l’accélération de notre R&D. Rappelons que nous avons déjà remporté un premier challenge de taille : celui d’être entré dans la vie des gens. Nous souhaitons à présent, à travers nos produits, leur permettre de mesurer plus de choses, en toute autonomie.  

Nous envisageons également d’acquérir des entreprises et leurs brevets pour nous développer, et en France ces pépites ne manquent pas ! Un projet que nous aimerions réaliser fin 2021. Nous avons par ailleurs recruté une Chief Medical Officer, basée à Boston, qui va nous permettre d’entrer dans une nouvelle dimension, BtoB notamment. 

En matière de sécurisation des données, quelles sont les garanties de Withings ? 

La sécurité des données est au cœur de toute notre activité. Une équipe y est dédiée et nous nous faisons audités en permanence sur les conséquences d’une cyberattaque. De plus, en stockant les données à différents endroits, nous nous testons en continu. 

À la suite de votre levée de fonds, quelles sont vos ambitions de croissance ? 

Avec cette levée, nous avions prévu de recruter 100 personnes en un an. C’est déjà chose faite. Nos effectifs comptent actuellement 320 collaborateurs. En termes de croissance, nous serons sur le même ordre de grandeur que ce que nous avons vécu depuis deux ans, soit autour de 50% avec une croissance BtoB qui prendra une part plus importante. 

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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