Dans un contexte de relance où dirigeants et investisseurs doivent composer avec les refinancements, les réorganisations et les reprises, le chemin est encore sinueux. Caroline Texier, associée spécialisée en restructuration et faillites du cabinet DLA Piper, revient sur ces sujets d’actualité.

Décideurs. Quels sont les grands enjeux des dirigeants qui évoluent dans des secteurs exposés ?

Caroline Texier. Beaucoup ont bénéficié des diverses mesures de soutien qui les ont placés sous perfusion mais celles-ci sont appelées à disparaître. Il faut désormais être capable de rembourser. Après l’euphorie de la réouverture, il est important d’anticiper les charges à rattraper. Espérer maintenir un trend de reprise qui ne soit pas lié à l’optimisme du moment sera essentiel. L’activité devra pouvoir compenser ces fonds qui ont été insufflés depuis un an et demi. Le retail n’est pas encore sorti d’affaire. Et il vaut mieux essayer de ne pas trop repousser les remboursements et commencer à amortir pour ne pas reporter le problème. 

Tout le monde a été secoué, faut-il être actif sur les refinancements et veiller aux opportunités ?

Pour les secteurs les plus touchés, ce n’est pas encore la meilleure période pour réaliser des refinancements à mon sens, il est préférable d’attendre que l’activité redémarre un peu pour obtenir plus de visibilité et avoir de meilleures conditions de financement. Cependant, pour ceux qui sont à l’acquisition, des opportunités se dégageront et il sera important de trouver l’équilibre pour consolider le marché. Cela étant, aujourd’hui, le M&A marche bien, les prix sont élevés et la liquidité forte. Nous ne sommes donc pas encore dans une phase où les opportunités de reprise d’entreprises sous performantes se bousculent.

Sur les refinancements, il faut commencer à renégocier certains points restés en suspens pendant les périodes de confinement. C’est le cas notamment de certaines sociétés dont les refinancements avaient été réalisés en amont du Covid. Si les banques et les fonds de dette ont facilement accordé des waivers sur la période, regarder cela de près devient désormais une priorité. Les entreprises doivent faire le ménage chez elles avant de pouvoir chercher à se développer à nouveau. Pour d’autres, qui se portent mieux, des opportunités de croissance vont se profiler et mener à des consolidations à terme.

Les banques commencent-elles à changer de discours après ce "whatever it costs" ?

C’est encore difficile à dire. Je n’ai pas vu véritablement le marché de la restructuration redémarrer. La vague, s’il y en a une, n’est pas arrivée. Je ne sais pas quand elle va arriver ni à quel point celle-ci sera forte.

On constate toutefois qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des PGE notamment en comparaison avec la période du premier confinement, de mars à avril 2020. Quelques compléments de PGE ont été réalisés mais uniquement dans des cas exceptionnels.

Voyez-vous le nombre d’acteurs sur la reprise des sociétés augmenter, notamment du côté des fonds de retournement ?

Effectivement, des opérations sont en cours ou se préparent. Des équipes commencent à s’y consacrer mais ce n’est pas encore très actif. Par ailleurs, de nouvelles équipes s’annoncent mais ce n’est pas encore véritablement concret. En France, ce marché me semble, aujourd’hui, encore immature.

La culture de la reprise en France est-elle forte ?

Elle ne l’est pas assez, cela fait encore peur à beaucoup. La reprise d’une société à la barre est une opération technique. Bien que les dettes soient effacées, il faut savoir gérer à la fois la reprise, le cash et les transferts. Nous avons, en France, des spécialistes en la matière et pourrions en mettre davantage en œuvre dès lors qu’elles sont accompagnées. Pour autant, bon nombre de groupes s’y refusent car le redressement judiciaire fait peur. 

Il est toutefois possible que la vague de défaillances, annoncée à plusieurs occasions, arrive et que le marché et ses acteurs s’éduquent à cette culture de la reprise. L’effet de cette vague engendrera un nombre croissant de plans de cession et les groupes devraient prendre conscience du potentiel que cela représente. Si ces derniers observent leurs concurrents saisir ces opportunités, cela les incitera également à se lancer dans ces opérations.

Dans le cas d’une revue de portefeuille, à quel moment est-il possible d’envisager un carve-out ?

Il s’agit vraiment de cas par cas. En revanche, il ne faut pas hésiter à céder et ce choix vient parfois trop tardivement. Le timing est indissociable de la situation de la société. Il faut être en mesure de réaliser des carve-out et regarder cette option pour alléger le groupe.

Propos recueillis par David Glaser

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