Directrice clients, marketing et technologies de SNCF Gares & Connexions, Morgane Castanier dirige la transformation digitale des gares. Un outil clé pour répondre aussi bien aux missions fixées par l’État et les territoires, qu’aux enjeux économiques et aux nouvelles attentes des clients.

Décideurs. Quelle place occupe la transformation digitale dans la division « Clients » que vous dirigez ? 

Morgane Castanier. Nos missions rassemblent la politique de services en gare, dans sa dimension marketing et technologique, autour d’une vision client. La gare, qui n’était qu’un outil au service du transport il y a quelques années, est devenue un élément clé du parcours voyageur aujourd’hui. L'État a confié trois missions à SNCF Gares & Connexions : favoriser et développer l'intermodalité dans la ville, participer au développement équilibré des territoires  et donner un accès aux infrastructures à toutes les entreprises ferroviaires. La transformation digitale occupe, dans ce contexte, un rôle prioritaire, en faveur d’une information client de qualité, aussi bien sur le voyage, que sur les services en gare, et le territoire qu’elle dessert.  

Cela suppose de collecter la donnée, de l’agréger, et de la diffuser de façon innovante. Un moyen, par exemple, fondé sur l’expérience et interactif, est la Fenêtre Immersive installée cet été en gare de Paris-Montparnasse, pour être le reflet et le relais du territoire qu'elle dessert. Elle illustre aussi la vision que nous portons, celle de mettre le digital au service de l'expérience physique, avec un enjeu émotionnel, touristique, et une interaction personnalisée.  

La gestion des flux de voyageurs est centrale dans les gares, en particulier dans le contexte de la Covid. Comment est-elle organisée ?  

Nous disposions avant la crise d’outils de mesures de la fréquentation et des flux via les traces wifi. Nous les utilisions essentiellement pour mener des études, imaginer des solutions signalétiques, lors de travaux par exemple, ou gérer les pics d'affluence. L’outil était en place, il restait alors à le renforcer et à accélérer nos connaissances sur son utilisation. De quelques dizaines de personnes habilitées à l'utiliser avant la Covid, nous sommes passées à plusieurs centaines dans le cadre de la cellule de crise, qui devait notamment gérer l'affluence en gare. En regardant le verre à moitié plein, la pandémie nous a donc permis d’affiner cet outil de gestion qui pourrait trouver sa place à l’avenir dans de nouvelles applications, pour aider notamment les voyageurs à choisir leurs déplacements en fonction du niveau d'affluence en temps réel. 

La gare, en tant qu’infrastructure, se digitalise également à travers une connectivité grandissante et le projet Smart Station. Quelle est son ambition exactement ? 

Il s’agit de l'utilisation de l’IoT à travers le positionnement de capteurs sur les équipements qui font vivre la gare, comme les escaliers mécaniques, les portes d'embarquement, les compteurs électriques, les pompes de relevage, etc. Cela donne à la gare les moyens de surveiller de façon autonome tous ces outils et d’envoyer des alertes en cas de dysfonctionnements. Cette surveillance, en direct, fait le lien systématique avec les agents et les techniciens pour les interventions. Elle nous permet de gagner en réactivité. En outre, elle libère du temps à nos agents, qui n’ont plus à se déplacer pour surveiller les équipements. Ils peuvent alors se consacrer davantage aux services et à la satisfaction client.  

"Nous expérimentons le potentiel de la 5G en gare"

Quant au volet connectivité, c’est un sujet à part entière. Il y a une multitude de méthodes de connexion et SNCF les utilise presque toutes. Les enjeux sont énormes car c’est le facilitateur majeur de la performance digitale et industrielle, et donc une condition sine qua non pour que la transformation digitale puisse avoir lieu. Dans ce domaine nous expérimentons le potentiel de la 5G en gare en installant dans nos « living labs » à Rennes, Nantes et Lyon, des zones qui permettent d’expérimenter en gare des fréquences jusqu’à 26 GHz, habituellement réservées à un usage industriel. Ces fréquences simplifieront le télétravail et offrirons aussi de libérer le wifi à bord du train, en facilitant le téléchargement de contenus en amont du voyage. Elles seront aussi mises à disposition des agents de maintenance pour intervenir directement sur certains équipements, accompagnés d’un expert à distance via des lunettes de réalité augmentée.  

Cette maintenance virtuelle de l’infrastructure se prolonge dans le projet de Building Operating System (BIM)…  

En effet, SNCF Gares & Connexions s’intéresse en particulier au BIM dit GEM pour Gestion, Exploitation et Maintenance. Il s’agit de reconstituer en 3D un jumeau numérique de la gare, avec toutes ses métadonnées sur le bâti, les équipements, et l’ensemble des éléments clés. Il faut rappeler que la partie exploitation et maintenance représente plus de 60% des coûts du bâtiment sur toute sa vie. Les gisements d’efficience à explorer sont donc très importants, cela limiterait la perte de données entre les différents métiers à travers des opérations d’entretien et de maintenance toujours plus précises. Sur ce sujet, SNCF Gares & Connexions est en avance aujourd’hui, avec plusieurs programmes BIM GEM déjà en place dans nos gares, et l’objectif d’en atteindre 122 à horizon 2025.  

Quels sont les effets de cette transformation digitale sur les métiers de SNCF Gares & Connexions ? 

Tous les métiers sont concernés. Nous avons besoin de plus en plus de collaborateurs capables de gérer les sujets data, BIM, et très à l'aise avec les interfaces digitales. Le digital se répercute aussi sur le geste des agents, qui doivent aussi acquérir de nouvelles expertises et connaissances. Des programmes de formation et d'accompagnement à la conduite du changement accompagneront ces évolutions. C’est une des priorités de notre feuille de route RH, avec la volonté de former d'abord nos personnels à ces nouvelles technologies.  

Propos recueillis par Fabien Nizon

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