Entretien avec Hubert Flichy, instigateur du projet.
Décideurs. Quels sont les motifs qui vous ont poussé à vouloir créer un centre d’arbitrage du travail ?
Hubert Flichy.
Aujourd’hui, rares sont les conflits sociaux réglés par l’arbitrage. Or, j’ai depuis longtemps la conviction personnelle que ce mode de règlement alternatif des litiges doit se développer en droit du travail. Il ne s’agit absolument pas d’une défiance à l’égard des décisions rendues par les conseillers prud’homaux ni d’une ambition de désengorger les tribunaux. Mais force est de constater que les procédures sont de plus en plus longues. Le recours à l’arbitrage permettrait de trancher bien plus rapidement les litiges et de consacrer davantage de temps aux dossiers.

Décideurs. Peut-on recourir à l’arbitrage pour tous les litiges portant sur des questions de droit du travail ?
H. F.
Le code du travail prévoit que le conseil de prud’hommes est seul compétent pour les différends opposant un employeur à son employé. Il précise aussi que toute convention contraire est réputée non écrite. Mais aucun texte ne prévoit la nullité d’une telle clause. Cela signifie en pratique qu’une clause compromissoire contenue dans un contrat de travail ou dans son avenant n’est pas opposable au salarié. Ce dernier peut, nonobstant la clause qu’il aurait pu signer, saisir le conseil de prud’hommes. Mais cela ne lui interdit pas d’accepter d’être jugé par voie d’arbitrage. En d’autres termes, en matière prud’homale, il faut un accord des parties après rupture du contrat de travail. L’arbitrage peut aussi concerner un litige opposant l’entreprise à un comité d’entreprise ou un syndicat. Il peut donc y avoir arbitrage tant en matière individuelle qu’en matière collective.

Décideurs. Quels sont les avantages du recours à une procédure arbitrale ?
H. F.
L’arbitrage permet de trancher un litige rapidement et de manière confidentielle. L’arbitre a plus de temps à consacrer à un dossier que le conseiller n’en dispose habituellement, ce qui est un avantage de poids notamment lorsque le litige est complexe. Toute situation conflictuelle est source de souffrances ; y mettre fin au plus vite est donc dans l’intérêt de tous. En effet, le litige est très pénible à vivre aussi bien pour le salarié, qui aspire à aller de l’avant et à reprendre sereinement sa vie professionnelle, que pour l’employeur qui a bien mieux à faire qu’entretenir des querelles susceptibles de détériorer l’ambiance de travail. En moyenne, il faut compter quinze mois pour obtenir un jugement définitif devant le conseil des prud’hommes à Paris. En cas d’appel, on atteint facilement les trois ans de procédure. À titre de comparaison, une sentence arbitrale est généralement rendue dans les six mois de la saisine du dernier arbitre du tribunal, l’appel n’étant ouvert que par exception.

Décideurs. Quel sera le coût ?
H. F.
La question du coût se pose nécessairement. Il n’est pas question que les coûts en matière sociale ressemblent de près ou de loin à ceux de l’arbitrage international. Il faut encadrer la rémunération des arbitres du centre d’arbitrage du travail. Fixer un taux horaire applicable pourrait être une bonne solution. Un coût horaire de 300?euros ne me paraîtrait pas prohibitif. La définition de la méthode de calcul de la rémunération des arbitres fera l’objet d’une concertation. Tout comme la question de savoir à qui incombera le règlement et dans quelle proportion.

Décideurs. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’organisation pratique du centre ?
H. F.
Les modalités pratiques de fonctionnement du centre ont vocation à être définies cet été ou à la rentrée à la suite d’une concertation entre tous les professionnels intéressés par le projet. Pour le moment, il n’y a pas de planning d’ouverture arrêté ni de lieu choisi. J’invite donc tous les avocats, qu’ils interviennent pour les salariés, les entreprises ou les organisations syndicales à participer à sa création. Il leur suffit de se faire connaître à l’adresse suivante : [email protected]. Ils pourront ainsi participer à la rédaction de son règlement et à celle, probable, d’un code de déontologie.

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