Jean-Luc Mano, conseiller en communication (C. Estrosi, NKM...), revient sur l’avenir de sa profession.
Jean-Luc Mano : « Le premier talent d’un communicant politique, c’est celui de choisir son client »
Décideurs. Faut-il se méfier de la communication politique ?
Jean-Luc Mano. La communication a sa légitimité si on ne considère pas qu’elle est première. C’est à l’acte politique et à la production de sens qu’il revient de conserver le leadership. La communication vient aider des choix. Après tout, je ne vois pas pourquoi un politique aurait un conseil en politique intérieure, un conseil en politique étrangère, un conseil en social et n’aurait pas de conseil en communication, alors même qu’on demande de la transparence et toujours plus de contact avec les mandants.
La vérité est qu’on est entré aujourd’hui dans une phase où l’on fait de moins en moins de politique. Si c’est la communication, le storytelling ou la mise en scène qui prennent le pas sur la production de sens alors on est en plein dans une dérive. On a tous en tête des moments où des élus vont à la télévision alors même qu’ils n’ont rien à dire.
Dès lors que l’on accompagne une volonté politique, une production de sens et une stratégie, il n’y a rien de négatif à faire intervenir des conseils. C’est même plutôt légitime. La classe politique française est d’ailleurs loin d’être esclave de sa communication. Dans le monde anglo-saxon, cette dernière peut prendre beaucoup plus facilement le pouvoir.
Décideurs. Le fait qu’un politique appelle directement un journaliste, et réciproquement, ne remet-il pas en cause votre rôle de communicant politique ?
J.-L. M. Cela remet surtout en cause le rôle de l’attaché de presse. Or, le communicant que je suis n’a de contacts avec la presse que de manière rarissime. D’abord parce que je me l’interdis. Et ensuite, parce que nos métiers sont différents. L’attaché de presse est, lui, un intermédiaire entre les médias et le responsable politique.
Le communicant politique, qui est surtout conseil, a un rôle important sur la stratégie de son client. Pour parler très concrètement : si quelqu’un vient voir un communicant en lui expliquant son projet de devenir l’an prochain Premier ministre, il va devoir élaborer avec lui la stratégie pour y parvenir. À titre personnel, lorsque je rencontre un nouveau client, je mène une importante phase d’audit en l’interviewant des heures durant et sans concession afin de comprendre ses souhaits, de déceler les contradictions dans ses désirs et d’analyser ses objectifs au regard des moyens dont il dispose. Ensuite, je lui pose une série de questions qui permettra de mettre à jour ses points faibles. Enfin, si je ne gère pas son plan média à proprement parler, je lui explique pourquoi il est préférable de choisir tel ou tel support et ce, en fonction de la stratégie, de la cible envisagée, du journaliste, etc.
Le mauvais client est le politique qui demande à son communicant ce qu’il faut dire ou penser. Comme nous avions coutume de l’évoquer avec Jacques Pilhan*, le premier talent d’un communicant, c’est celui de choisir son client !
Décideurs. La communication politique n’est-elle, comme le prétend Stéphane Fouks, vice-président de Havas, qu’un nid à problèmes ?
J.-L. M. C’est sans doute vraie pour les agences dont le corps de métiers n’est pas la politique, mais le corporate. Pour ma part, je n’ai pas une agence mais un cabinet.
Reste que la politique est très chronophage, qu’elle réclame une disponibilité permanente avec des individus anxieux ; davantage demandeurs de contacts réguliers et parfois à toute heure. Des individus qui font face plus souvent à une crise. Après tout, la politique n’est-elle pas l’art de gérer les crises ?
Décideurs. Êtes-vous inquiet quant à l’avenir de votre métier ?
J.-L. M. Je ne suis pas inquiet tant que les communicants acceptent l’idée que les politiques doivent faire plus de politique et tant que la politique reste première.
Le dernier exemple en tête est sans aucun doute les élections européennes du 25 mai dernier qui constituent le cas parfait illustrant les limites de la communication. Durant cette campagne, les discours, à la fois les plus nuls et les plus intelligents, n’ont eu aucune prise sur la population, si bien qu’on a assisté ce dimanche au déclin du discours. Or, à l’issue du résultat, finalement la seule chose qui importait, Manuel Valls, pourtant l’un des meilleurs communicants, est intervenu sous la forme d’un enregistrement – trois fois plus long d’ailleurs ! – lors d’une soirée électorale. Pourquoi ? Pour rien, car cela n’a nullement pallié les limites de la politique.
* Jacques Pilhan (1944-1998) a été publicitaire et ancien conseiller en communication politique des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac.
Jean-Luc Mano. La communication a sa légitimité si on ne considère pas qu’elle est première. C’est à l’acte politique et à la production de sens qu’il revient de conserver le leadership. La communication vient aider des choix. Après tout, je ne vois pas pourquoi un politique aurait un conseil en politique intérieure, un conseil en politique étrangère, un conseil en social et n’aurait pas de conseil en communication, alors même qu’on demande de la transparence et toujours plus de contact avec les mandants.
La vérité est qu’on est entré aujourd’hui dans une phase où l’on fait de moins en moins de politique. Si c’est la communication, le storytelling ou la mise en scène qui prennent le pas sur la production de sens alors on est en plein dans une dérive. On a tous en tête des moments où des élus vont à la télévision alors même qu’ils n’ont rien à dire.
Dès lors que l’on accompagne une volonté politique, une production de sens et une stratégie, il n’y a rien de négatif à faire intervenir des conseils. C’est même plutôt légitime. La classe politique française est d’ailleurs loin d’être esclave de sa communication. Dans le monde anglo-saxon, cette dernière peut prendre beaucoup plus facilement le pouvoir.
Décideurs. Le fait qu’un politique appelle directement un journaliste, et réciproquement, ne remet-il pas en cause votre rôle de communicant politique ?
J.-L. M. Cela remet surtout en cause le rôle de l’attaché de presse. Or, le communicant que je suis n’a de contacts avec la presse que de manière rarissime. D’abord parce que je me l’interdis. Et ensuite, parce que nos métiers sont différents. L’attaché de presse est, lui, un intermédiaire entre les médias et le responsable politique.
Le communicant politique, qui est surtout conseil, a un rôle important sur la stratégie de son client. Pour parler très concrètement : si quelqu’un vient voir un communicant en lui expliquant son projet de devenir l’an prochain Premier ministre, il va devoir élaborer avec lui la stratégie pour y parvenir. À titre personnel, lorsque je rencontre un nouveau client, je mène une importante phase d’audit en l’interviewant des heures durant et sans concession afin de comprendre ses souhaits, de déceler les contradictions dans ses désirs et d’analyser ses objectifs au regard des moyens dont il dispose. Ensuite, je lui pose une série de questions qui permettra de mettre à jour ses points faibles. Enfin, si je ne gère pas son plan média à proprement parler, je lui explique pourquoi il est préférable de choisir tel ou tel support et ce, en fonction de la stratégie, de la cible envisagée, du journaliste, etc.
Le mauvais client est le politique qui demande à son communicant ce qu’il faut dire ou penser. Comme nous avions coutume de l’évoquer avec Jacques Pilhan*, le premier talent d’un communicant, c’est celui de choisir son client !
Décideurs. La communication politique n’est-elle, comme le prétend Stéphane Fouks, vice-président de Havas, qu’un nid à problèmes ?
J.-L. M. C’est sans doute vraie pour les agences dont le corps de métiers n’est pas la politique, mais le corporate. Pour ma part, je n’ai pas une agence mais un cabinet.
Reste que la politique est très chronophage, qu’elle réclame une disponibilité permanente avec des individus anxieux ; davantage demandeurs de contacts réguliers et parfois à toute heure. Des individus qui font face plus souvent à une crise. Après tout, la politique n’est-elle pas l’art de gérer les crises ?
Décideurs. Êtes-vous inquiet quant à l’avenir de votre métier ?
J.-L. M. Je ne suis pas inquiet tant que les communicants acceptent l’idée que les politiques doivent faire plus de politique et tant que la politique reste première.
Le dernier exemple en tête est sans aucun doute les élections européennes du 25 mai dernier qui constituent le cas parfait illustrant les limites de la communication. Durant cette campagne, les discours, à la fois les plus nuls et les plus intelligents, n’ont eu aucune prise sur la population, si bien qu’on a assisté ce dimanche au déclin du discours. Or, à l’issue du résultat, finalement la seule chose qui importait, Manuel Valls, pourtant l’un des meilleurs communicants, est intervenu sous la forme d’un enregistrement – trois fois plus long d’ailleurs ! – lors d’une soirée électorale. Pourquoi ? Pour rien, car cela n’a nullement pallié les limites de la politique.
* Jacques Pilhan (1944-1998) a été publicitaire et ancien conseiller en communication politique des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac.