Pour le sénateur PS, rapporteur de la réforme pénale : « Avec Christiane Taubira, pas de compromis »
DOSSIER SPÉCIAL CHRISTIANE TAUBIRA ET LA RÉFORME PÉNALE : l’avis de Jean-Pierre Michel (rapporteur)
Décideurs. La réforme pénale va-t-elle dans le bon sens ?
Jean-Pierre Michel. Certainement. Cette loi redonne une liberté d’appréciation aux juges et aide à lutter contre la récidive qui constitue un facteur d’insécurité pour la population française. Cette réforme va permettre de surcroît de limiter les courtes peines de prison.
Décideurs. Avec quel esprit renoue cette loi ?
J.-P. M. Depuis la loi Guigou du 15 juin 2000, aucune loi ne s’inscrivait dans l’esprit des grandes lois pénales privilégiant l’éducation à la sanction. La réforme de la garde des Sceaux renoue avec l’esprit des réformes pénales françaises, autrement dit avec l’idée que les personnes incarcérées peuvent être réinsérés dans la société. On mise sur l’Homme.
Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la loi pénitentiaire, digne ancêtre de la réforme relative à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive, entravée par des faits divers comme l’affaire de Pornic [assassinat d’une jeune femme par un multirécidiviste, NDLR], n’avait pu être effective. Le gouvernement de l’époque avait dû miser sur davantage de répression, une méthode qui a échoué car elle remplit les prisons, tout en allant à l’encontre des décisions du Conseil de l’Europe.
Décideurs. Remarquez-vous déjà des limites à cette loi ?
J.-P. M. La réforme pénale ne pourra réussir que si l’État français y met les moyens. Le Premier ministre a d’ores et déjà annoncé la création de postes d’éducateurs pénitentiaires, il va falloir poursuivre l’effort. Il est nécessaire d’augmenter le nombre de juges d’application des peines et ne pas hésiter à impliquer les milieux associatifs.
Quant aux moyens budgétaires, ils ont déjà été annoncés, et semblent suffisants. Les moyens sont un facteur clé de la réussite de la mise en œuvre de la réforme pénale car si les magistrats ne sont pas rassurés, ils ne seront pas prêts à l’appliquer. Le risque serait de voir les juges mettre la contrainte pénale de côté et aller à la facilité en ayant recours au sursis avec mise à l’épreuve qui est également une peine en milieux ouvert.
Décideurs. La réforme est-elle trop timide ? Aurait-on pu aller plus loin ?
J.-P. M. Oui, en effet, on aurait pu en mettant en place un triptyque : prison, contrainte pénale et amende. Lors du bilan en 2017, il est prévu d’envisager l’autonomie de la contrainte pénale pour certains délits, qui a été demandé par le jury lors de la conférence de consensus.
Décideurs. En privilégiant l’humain, la ministre de la Justice est-elle la seule à l’origine de ce revirement de politique pénale ?
J.-P. M. Oui, mais elle n’est effectivement pas la seule. Christiane Taubira a mis en place une conférence de consensus qui a fait intervenir un grand nombre d’acteurs : magistrats, élus… Tout en rassemblant de la documentation française et étrangère.
Ce qu’il faut retenir c’est la manière dont Christiane Taubira a préparé cette réforme, tout à fait novatrice dans la mise en place d’un tel dispositif.
Décideurs. Lors de l’adoption de la réforme pénale, comment s’est passée votre collaboration avec la garde des Sceaux ?
J.-P. M. J’avais déjà travaillé avec Christiane Taubira lors de la mise en place du mariage pour tous. C’est une femme qui a une grande force de conviction. Elle sait se tenir à ses principes, et n’y déroge jamais. La garde des Sceaux a une façon de travailler peu commune : lorsqu’elle monte à la tribune, c’est sans notes. Souvenez-vous de ses discours pour le mariage pour tous avec ses brillantes envolées philosophiques, mais aussi son discours de trois quarts d’heure lors de la réforme pénale. Elle absorbe et retient très vite, c’est une qualité très rare.
Christiane Taubira a réussi à réintroduire l’oralité des débats dans l’hémicycle en cherchant à convaincre à tout prix. Et quand je lui dis qu’il ne sert à rien de convaincre des gens qui ne le veulent pas, elle me répond : « cela ne fait rien, c’est ma façon de faire ». Habituellement, les rapporteurs peuvent suggérer des idées ou des propositions aux ministres. Avec elle, pas de compromis. C’est le Parlement qui vote. Et c’est lui qui décide. Christiane Taubira l’écoute. Finalement, c’est une façon très démocratique : les députés tranchent et le parlement a la pleine responsabilité des décisions.
Jean-Pierre Michel. Certainement. Cette loi redonne une liberté d’appréciation aux juges et aide à lutter contre la récidive qui constitue un facteur d’insécurité pour la population française. Cette réforme va permettre de surcroît de limiter les courtes peines de prison.
Décideurs. Avec quel esprit renoue cette loi ?
J.-P. M. Depuis la loi Guigou du 15 juin 2000, aucune loi ne s’inscrivait dans l’esprit des grandes lois pénales privilégiant l’éducation à la sanction. La réforme de la garde des Sceaux renoue avec l’esprit des réformes pénales françaises, autrement dit avec l’idée que les personnes incarcérées peuvent être réinsérés dans la société. On mise sur l’Homme.
Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la loi pénitentiaire, digne ancêtre de la réforme relative à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive, entravée par des faits divers comme l’affaire de Pornic [assassinat d’une jeune femme par un multirécidiviste, NDLR], n’avait pu être effective. Le gouvernement de l’époque avait dû miser sur davantage de répression, une méthode qui a échoué car elle remplit les prisons, tout en allant à l’encontre des décisions du Conseil de l’Europe.
Décideurs. Remarquez-vous déjà des limites à cette loi ?
J.-P. M. La réforme pénale ne pourra réussir que si l’État français y met les moyens. Le Premier ministre a d’ores et déjà annoncé la création de postes d’éducateurs pénitentiaires, il va falloir poursuivre l’effort. Il est nécessaire d’augmenter le nombre de juges d’application des peines et ne pas hésiter à impliquer les milieux associatifs.
Quant aux moyens budgétaires, ils ont déjà été annoncés, et semblent suffisants. Les moyens sont un facteur clé de la réussite de la mise en œuvre de la réforme pénale car si les magistrats ne sont pas rassurés, ils ne seront pas prêts à l’appliquer. Le risque serait de voir les juges mettre la contrainte pénale de côté et aller à la facilité en ayant recours au sursis avec mise à l’épreuve qui est également une peine en milieux ouvert.
Décideurs. La réforme est-elle trop timide ? Aurait-on pu aller plus loin ?
J.-P. M. Oui, en effet, on aurait pu en mettant en place un triptyque : prison, contrainte pénale et amende. Lors du bilan en 2017, il est prévu d’envisager l’autonomie de la contrainte pénale pour certains délits, qui a été demandé par le jury lors de la conférence de consensus.
Décideurs. En privilégiant l’humain, la ministre de la Justice est-elle la seule à l’origine de ce revirement de politique pénale ?
J.-P. M. Oui, mais elle n’est effectivement pas la seule. Christiane Taubira a mis en place une conférence de consensus qui a fait intervenir un grand nombre d’acteurs : magistrats, élus… Tout en rassemblant de la documentation française et étrangère.
Ce qu’il faut retenir c’est la manière dont Christiane Taubira a préparé cette réforme, tout à fait novatrice dans la mise en place d’un tel dispositif.
Décideurs. Lors de l’adoption de la réforme pénale, comment s’est passée votre collaboration avec la garde des Sceaux ?
J.-P. M. J’avais déjà travaillé avec Christiane Taubira lors de la mise en place du mariage pour tous. C’est une femme qui a une grande force de conviction. Elle sait se tenir à ses principes, et n’y déroge jamais. La garde des Sceaux a une façon de travailler peu commune : lorsqu’elle monte à la tribune, c’est sans notes. Souvenez-vous de ses discours pour le mariage pour tous avec ses brillantes envolées philosophiques, mais aussi son discours de trois quarts d’heure lors de la réforme pénale. Elle absorbe et retient très vite, c’est une qualité très rare.
Christiane Taubira a réussi à réintroduire l’oralité des débats dans l’hémicycle en cherchant à convaincre à tout prix. Et quand je lui dis qu’il ne sert à rien de convaincre des gens qui ne le veulent pas, elle me répond : « cela ne fait rien, c’est ma façon de faire ». Habituellement, les rapporteurs peuvent suggérer des idées ou des propositions aux ministres. Avec elle, pas de compromis. C’est le Parlement qui vote. Et c’est lui qui décide. Christiane Taubira l’écoute. Finalement, c’est une façon très démocratique : les députés tranchent et le parlement a la pleine responsabilité des décisions.