Tribune. Le Brexit a-t-il sauvé l’UE ?
"L’Union européenne est morte" a annoncé il y a quelques mois la chroniqueuse de France Inter Léa Salamé. L’Union aurait, en effet, pu s’échouer sur les écueils du Brexit et de la crise sanitaire. Aujourd’hui, cette funeste annonce est démentie de façon magistrale. Le Brexit a même, dans une certaine mesure, sauvé l’Union. Celle-ci a fait le choix de progresser avec un plan de relance de 750 milliards, un endettement commun et des ressources propres. La loi autorisant ces ressources propres a été votée à l’Assemblée nationale en ce début d’année, après une initiative franco-allemande en mai dernier qui en a posé les bases, des travaux de la commission qui en ont proposé les contours, un accord unanime du Conseil qui a levé les oppositions polonaises et hongroises, et un vote du Parlement européen.
L’idée même d’une telle réponse européenne solidaire et massive aurait ulcéré nos collègues britanniques, qui auraient vraisemblablement formé l’opposition la plus vive à ces mesures jamais vues dans l’Union. Le départ des britanniques a donc visiblement laissé une marge de manœuvre considérable au moteur franco-allemand qui a été a l’origine de cette petite révolution européenne.
Ce qui a été possible sous l’impulsion de la Chancelière Merkel et du Président Macron aurait échoué à convaincre le Premier ministre Johnson. Sans la vigueur du plan de relance européen, l’existence-même de l’UE aurait été assurément ébranlée. Paradoxe donc : les britanniques, en choisissant le Brexit, ont rendu possible des extraordinaires avancées que seuls les pro-européens les plus convaincus pensaient possibles avant la crise et qui sont devenues, par la force des choses, une question de survie. En quittant l’Union, les britanniques l’ont sauvée.
"Les britanniques restent des partenaires privilégiés, mais pas des co-décideurs politiques. Ils sont à leur juste place, conformément à leur vision d'une UE purement commerciale"
Finalement, rien de nouveau par rapport aux déclarations de Jacques Delors qui affirmait déjà que le Royaume-Uni était le principal frein à l’essor de l’Union. La nouvelle donne européenne a donc le mérite de la clarté : les britanniques restent des partenaires commerciaux privilégiés mais pas des co-décideurs politiques. Ils sont à leur juste place, conformément à leur vision d’une Union purement commerciale. De son côté le moteur franco-allemand reprend un leadership et une responsabilité immense : il devient une impulsion déterminante pour faire avancer l’Union comme jamais.
C’est dire combien, à la lumière de cette nouvelle donne, les évolutions majeures de la relation franco-allemande prennent tout leur sens. Car peu d’observateurs avaient cru et parfois même prêté attention à cette dynamique.
La déclaration de Meseberg qui a permis de faire converger des points historiques de désaccord, le traité d’Aix-la-Chapelle qui a fixé pour la première fois l’objectif d’harmonisation de nos modèles économiques et sociaux, l’Assemblée parlementaire franco-allemande qui a créé un lien unique et ambitieux entre les parlementaires ou même la création d’un Comité de coopération transfrontalière franco-allemand pour faciliter et développer l’interactivité transfrontalière.
Autant d’étapes dont on ne savait pas à quoi elles aboutiraient et qui ont tracé le chemin et, peut-être même, rendu possible le nouvel élan aujourd’hui salvateur pour l’Union. L’année 2021 commence donc sous le signe d’un nouvel espoir européen. L’avenir d’une Union qui reprend son destin en mains et progresse à pas de géants, n’en déplaise à tous les populistes engoncés dans une vision recroquevillée de la nation et de l’Union.
Le défi est maintenant de faire de cet espoir européen qui renaît la source de l’espérance qui manque à nos peuples. Le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne constitue ainsi une avancée historique avec un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ou encore une taxe sur les géants du numérique : des outils qui permettraient de renforcer le budget de l’Union et de lui donner enfin les moyens d’un espoir européen qui revit enfin.
Sylvain Waserman, député Modem du Bas-Rhin, vice président de l'Assemblée nationale.